L'état d'urgence sanitaire va être prolongé jusqu'au 16 février, et le quorum d'un tiers rétabli dans les assemblées délibérantes
Le gouvernement a adopté, hier, un projet de loi qui va être examiné en urgence dès ce week-end au Parlement. Objectif : prolonger jusqu’au mois de février l’état d’urgence – et donc les possibilités d’instaurer le couvre-feu – et autoriser le gouvernement à réactiver, par ordonnance, tout ou partie des mesures prises pendant le confinement. Dont celles qui concernent la gouvernance des communes et intercommunalités.
Dégradation de la situation
Dans l’exposé des motifs de leur texte, le Premier ministre et le ministre de la Santé n’hésitent pas à employer le terme de « situation critique ». C’est à tel point vrai que les chiffres indiqués dans l’exposé des motifs sont, à peine 48 heures après leur rédaction, déjà passablement obsolètes : le nombre de décès s’accélère – là où le gouvernement parle de 33 623, on a dépassé les 34 000 hier soir – tout comme celui des hospitalisations et des admissions en réanimation. Dans certains départements, les chiffres du taux d’incidence explosent littéralement : dans la ville de Roubaix (Nord), ce chiffre dépasse depuis hier les 1 100 cas pour 100 000 habitants. Il a doublé en dix jours. Dans les Hauts-de-France, le nombre de personnes hospitalisées hier pour covid-19 – 1364 – est le même qu’au 30 mars dernier, en pleine période de développement exponentiel de l’épidémie.
Les premières conséquences concrètes de cette dégradation seront connues ce soir, lors du point presse hebdomadaire qui sera piloté par le Premier ministre lui-même. On sait déjà que plusieurs métropoles, voire départements entiers, vont être placés en zone d’alerte maximale, avec probable couvre-feu à la clé. La Loire pourrait être concernée, tout comme des métropoles comme Clermont-Ferrand, Tours, Strasbourg ou Dijon, où les chiffres sont très préoccupants.
Par ailleurs, des proches de l’exécutif ont déclaré hier que le gouvernement réfléchit à l’éventualité d’un durcissement du couvre-feu dans les zones les plus critiques, avec peut-être une avancée de l’heure de confinement à 19 heures, voire 17 heures.
Retour des ordonnances
Au vu de cette situation, il était évident depuis la semaine dernière que l’état d’urgence sanitaire (EUS) serait prolongé, de toute façon, au-delà du 17 novembre – rappelons, en effet, que la loi n’autorise le gouvernement à prononcer l’EUS que pour un mois, et qu’il l’a instauré le 17 octobre. Au-delà, il faut en passer par la loi, c’est-à-dire par le Parlement. Le gouvernement a donc directement décidé de prendre de la marge, en proposant dans son projet de loi une prorogation de l’EUS jusqu’au 16 février 2021. Ensuite, comme cela a été le cas en juillet dernier, une nouvelle loi va organiser la « sortie de l’état d’urgence sanitaire », en conservant un certain nombre de mesures dérogatoires. Elle devrait, propose le gouvernement, aller jusqu’au 1er avril 2021.
Le projet de loi autorise par ailleurs le gouvernement à « procéder par voie d’ordonnances pour prolonger ou rétablir » les dispositions prises par ordonnances au printemps dernier. Rappelons que sur la seule base de la loi d’habilitation du 23 mars 2020, le gouvernement avait pris, entre le 26 mars et le 18 juin dernier, pas moins de 60 ordonnances ! Elles portaient, comme le rappelle le gouvernement, sur « les conséquences de toute nature [de l’épidémie] sur la vie collective ».
Point important, le Premier ministre et son ministre de la Santé expliquent dans l’exposé des motifs que certaines dispositions « pourront s’appliquer de manière rétroactive, tout au plus à compter de la date à laquelle les dispositions définies par les précédentes ordonnances auront expiré. »
Il y a, quoi qu’il en soit, urgence, ce qui explique que le Parlement va se réunir exceptionnellement ce week-end pour adopter ce projet de loi. En effet, de nombreuses mesures dérogatoires, prévues par la loi du 11 juillet loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, prennent fin le 30 octobre, c’est-à-dire vendredi prochain.
Seule certitude : le quorum d’un tiers sera rétabli
Parmi les mesures qui pourraient être rétablies par ordonnance, une fois le projet de loi adopté, figurent celles qui régissent l’organisation des réunions des assemblées délibérantes des collectivités locales et de leurs groupements. Beaucoup des mesures adoptées au printemps dernier ont en effet pris fin, comme la possibilité de réunir un conseil municipal ou communautaire « en tout lieu » (impossible depuis le 30 août), ou vont prendre fin le 30 octobre (possibilité de réunir le conseil par vidéo ou audioconférence).
Dans l’étude d’impact du projet de loi, sans toutefois dire explicitement qu’il va les rétablir, le gouvernement rappelle que certaines mesures ont « particulièrement facilité la gouvernance des collectivités ». Parmi les mesures citées – et qui pourraient donc être rétablies : la possibilité de réunion des organes délibérants par vidéoconférence, la possibilité de réunion « en tout lieu », sans public ou avec un public limité, la fixation du quorum à un tiers, ou encore « l’octroi de délégations automatiques aux exécutifs des collectivités locales ».
Mais attention : tout n’est pas acté pour l’instant. Le gouvernement le dit de manière prudente dans l’étude d’impact : « La réactivation de l'état d'urgence sanitaire à compter du samedi 17 octobre pourrait rendre nécessaire une réactivation de tout ou partie de ces dispositifs. » Le seul dispositif annoncé noir sur blanc dans l’étude d’impact, sur ce sujet, est la réactivation de l’article 10 de la loi du 23 mars 2020. À savoir : la possibilité pour les assemblées délibérantes de se réunir avec un quorum d’un tiers au lieu de la moitié des membres présents. Cet article 10 permet aussi la mise en place du vote électronique ou par correspondance pour les votes (non secrets), mais sous réserve de la parution d’un décret.
Autre « réactivation » explicitement prévue par le gouvernement dans l’étude d’impact : celle de l’article 20 de la loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Cette mesure permet de mettre en situation de chômage partiel les salariés vulnérables, mais aussi les personnes qui partagent leur domicile, ainsi que les salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans « faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile ».
Cet article de loi ne fait référence qu’aux salariés de droit privé, mais, au printemps, il a été transposé de fait dans la fonction publique pour les mises en ASA (autorisation spéciale d’absence). Les conséquences de cette mesure sont importantes, puisqu’elle permet de mettre en activité partielle non seulement les salariés vulnérables mais aussi leur conjoint. Sa portée dépendra, ceci dit, de la liste des pathologies considérées comme « à risque », qui fait l’objet depuis la semaine dernière d’une bataille juridique (lire Maire info du 16 octobre). On ignore, à ce jour, si le gouvernement va agir sur la base d’une liste de pathologies larges, incluant notamment les personnes diabétiques, obèses ou les femmes enceintes au troisième trimestre de grossesse ; ou s’il préfèrera, comme il l’a fait fin août, largement resserrer cette liste. La coordination des employeurs publics, réunie hier, a soulevé cette question et, selon nos informations, va saisir la ministre Amélie de Montachalin pour obtenir une réponse rapide.
Franck Lemarc
Télécharger le projet de loi et l’étude d’impact.
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