Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 18 décembre 2020
Numérique

L'Arcep propose la mise en place d'une « régulation environnementale » pour réduire l'empreinte carbone du numérique

Comment « conjuguer développement des usages et réduction de l'empreinte environnementale du numérique ? ». Dans un rapport d'étape publié mardi, six mois après le lancement de la plateforme « pour un numérique soutenable », l'Arcep formule 11 préconisations pour résoudre une équation qui s'annonce clef dans les décennies qui viennent.

« Entre les deux écueils du laisser-faire et de l’économie administrée ». Dans un rôle d’équilibriste, l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a choisi « la voie du milieu »  pour tendre vers une réduction de l’empreinte environnementale du numérique, responsable de « 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde en 2018 ». Et la courbe pourrait bien poursuivre son ascension avec la montée en puissance de l’internet des objets et les émissions des data centers. Si rien n'est fait, le numérique pourrait polluer en France en 2040 davantage que le transport aérien en 2019 (6,7 % des émissions de gaz à effet de serre contre 4,7 % pour le transport aérien).
Malgré ces inquiétantes prévisions, cet objectif de réduction de l’empreinte environnementale du numérique ne doit, selon l'Arcep, « pas forcément (être) synonyme de bridage des usages ou des technologies ». « Tout l’enjeu, poursuit-elle, est de combiner le développement du numérique selon les besoins de la société et de l’économie avec une nouvelle exigence environnementale ». L’Arcep refuse, pour autant et avec une formule déjà employée par son président Sébastien Soriano sur d’autres dossiers, de se cantonner au « seul registre des bonnes intentions ». « Il s’agit d’inventer une régulation environnementale du numérique (une décision qui revient au pouvoir politique, ndlr), intégrant non seulement les opérateurs télécoms mais aussi les fabricants de terminaux, les fournisseurs de contenus et d’application en ligne, les exploitants de centres de données… », assure-t-elle.

« Une vision locale de l’empreinte environnementale » 

Ses propositions s’articulent donc autour de trois axes : le premier vise à « améliorer la capacité de pilotage de l’empreinte environnementale du numérique par les pouvoirs publics ». L’objectif ici est de définir par qui et comment les acteurs du numérique seraient évalués. L’Arcep imagine un scénario selon lequel une entité publique pourrait être désignée responsable de la collecte « des informations utiles auprès de l’ensemble de l’écosystème numérique (fournisseurs de contenu et applications, éditeurs de systèmes d’exploitation, fabricants de terminaux et opérateurs de centres de données) afin de disposer de données granulaires et fiables essentielles à l’évaluation et au suivi de l’empreinte environnementale du secteur et des mesures mises en œuvre ».
Mais ce schéma ne serait en aucun cas gravé dans le marbre. Interrogé en conférence de presse, Sébastien Soriano a indiqué qu’il pouvait aussi « y avoir des collectivités qui contribuent, en ayant une vision locale de l’empreinte environnementale. On peut imaginer que le pilotage se complète dans le temps par la vision territoriale des collectivités », a-t-il détaillé, selon des propos relayés par La Gazette des communes. Dans le rapport, France urbaine acquiesce : « A terme, la mise en place d’une gouvernance locale du numérique permettra une pénétration plus efficace et équitable du numérique dans les territoires, laquelle fédèrera, outre la voix des collectivités territoriales, celles de l’Etat, de l’Europe, des entreprises locales, des représentants de la société civile… » 

La 5G plus ou moins consommatrice pour l’environnement que la 4G ?

Le deuxième axe des propositions du régulateur a pour ambition « d’intégrer l’enjeu environnemental dans les actions de régulation de l’Arcep ». Sur le fixe, par exemple, la tendance est au basculement du cuivre à la fibre. Il a, en effet, « été reconnu que les réseaux fibres s’avèrent intrinsèquement plus économes que les réseaux cuivre ». C’est pourquoi, « quand il s’agira d’organiser cette bascule, il est évident que les élus locaux joueront un rôle déterminant, d’explication, d’accompagnement, de bonne migration des abonnés », prédit Sébastien Soriano (lire Maire info du 16 décembre). Sur le mobile, en revanche, « il est difficile d’estimer la pertinence environnementale d’une extinction des réseaux mobiles d’anciennes générations (2G-3G) », conclut l’Arcep, dont le président a précisé hier : « nous ne sommes pas en mesure de dire aujourd’hui que oui, la 5G consomme moins pour l’environnement que la technologie précédente ». L’Arcep est donc plus mesurée sur le sujet que le gouvernement. Ce dernier affirme dans un guide « que la 5G va entrainer une amélioration de l’efficacité énergétique d’un facteur 10 par rapport à la 4G d’ici à 2025, pour une amélioration à terme d’un facteur 20 et plus. À court terme, dans certains territoires les plus denses, la 5G est la seule manière d’éviter la saturation des réseaux sans remettre des antennes 4G qui consommeraient beaucoup plus »  (lire Maire info du 14 décembre).
Par ailleurs, contrairement à une proposition de loi sénatoriale (lire Maire info du 30 juin), l’Arcep ne milite pas pour l’interdiction des forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées. Elle préfèrerait travailler, dans son dernier volet de propositions, à la diffusion des bonnes pratiques, avec le renforcement de « la capacité d’action et la responsabilité des utilisateurs par une démarche de « régulation par la donnée »  favorisant l’émergence d’outils d’aide à la décision du consommateur »  et à la publication d’un « baromètre environnemental permettant de valoriser les meilleures pratiques de l’ensemble de l’écosystème numérique ».

Ludovic Galtier

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