Interdiction de transporter et d'utiliser des feux d'artifice : les communes ne sont pas concernées
Par Franck Lemarc
Les émeutes qui ont secoué le pays dans la semaine du 26 juin ont été marquées par un usage extrêmement fréquent – et violent – d’engins de pyrotechnique, en particulier ce que les spécialistes appellent les « chandelles romaines » , que l’on pouvait jusqu’à présent trouver facilement sur internet. Il s’agit d’un dispositif composé d’un tube en carton (mortier) chargé de plusieurs projectiles (jusqu’à plusieurs dizaines), expulsés du tube à cadence régulière. Ce dispositif pouvant être tenu à la main et dirigé de façon horizontale, il est devenu une arme très utilisée notamment dans les rixes entre bandes dans les banlieues. Ces chandelles romaines ont été utilisées, pendant les récentes violences urbaines, contre les forces de l’ordre ou contre des bâtiments, avec parfois des incendies à la clé.
La popularité de ces dispositifs tient à leur facilité d’achat et à leur prix peu élevé : une chandelle à 10 coups coûte moins de 6 euros, une chandelle à 70 coups, moins de 25 euros.
Plusieurs vendeurs, au regard de la situation, ont d’ailleurs suspendu la vente de ces engins. On peut lire par exemple, ce matin, sur le site « Pétards et artifices » , la mention suivante : « Certaines personnes utilisent les chandelles de manière irresponsable et dangereuse, notamment en les employant contre les forces de l'ordre lors des récents évènements d'actualité. Ces actions vont à l'encontre de l'esprit dans lequel nous vendons nos produits, et nous ne pouvons pas soutenir un usage qui compromet la sécurité des individus ou de la communauté. Dans cet esprit, nous avons pris la difficile décision de suspendre temporairement la vente de nos chandelles romaines. »
Reste que tous les vendeurs n’ont pas pris de telle décision, et qu’il reste de toute façon assez simple de trouver ces dispositifs (voire de bien plus puissants) sur des sites hébergés à l’étranger.
Limiter les risques
C’est pour tenter de limiter les risques que la Première ministre a signé un décret, publié au Journal officiel de dimanche, portant « interdiction de la vente, du port et du transport d'engins pyrotechniques et d'artifices de divertissement » . Ce décret, entré en vigueur dès le dimanche 9 juillet, « afin de prévenir les risques de trouble grave à l’ordre public au cours des festivités du 14 juillet » , interdit jusqu’au 15 juillet inclus non seulement de vendre, mais aussi de transporter des engins pyrotechniques, « sur l’ensemble du territoire national » .
Première précision indispensable : ces interdictions ne sont pas applicables, précise l’article 2 du décret, lorsque « l’acquisition, le port, le transport et l’utilisation » de ces engins est « le fait de professionnels disposant des agréments et habilitations », ou de « collectivités publiques ». Les communes qui ont prévu de tirer un feu d’artifice le 13 ou le 14 juillet ne sont donc pas concernées par ce décret.
Annulations de feux d’artifice
Mais dans un certain nombre de départements, les communes ont d’ores et déjà décidé d’annuler le traditionnel feu d’artifice, en raison des risques de reprise des violences urbaines. C’est le cas par exemple à Strasbourg, à Montargis, à Savigny-sur-Orge ou à Jouy-le-Moutier – autant de communes où les maires ont pris cette décision pour éviter les risques et donner un peu de répit aux forces de l’ordre.
Dans d’autres communes, sont les risques liés à la sécheresse qui ont poussé les maires – parfois sur demande de la préfecture – à annuler le traditionnel feu d’artifice. En Seine-et-Marne, un arrêté préfectoral du 12 mai 2023 interdit d’allumer un feu à l’intérieur des « espaces sensibles » (notamment bois et forêts) et jusqu’à 200 m de ceux-ci. L’arrêté précise noir sur blanc que cette interdiction « s’applique à tous les feux, y compris les feux d’artifice » . Résultat, une dizaine de communes, dont Chelles, Villeparisis ou Torcy ont renoncé à leur feu d’artifice, sans pour autant forcément renoncer à organiser des festivités.
Dans d’autres cas, l’organisation d’un feu d’artifice est soumise à une autorisation préfectorale « 48 h auparavant » . C’est ce qui se passe notamment dans les Pyrénées-Orientales, très touchées par la sécheresse. La ville de Perpignan a d’ores et déjà annoncé qu’elle renonçait – mais le feu d’artifice sera remplacé par un « spectacle de lasers » .
Difficultés d’application
Concernant l’interdiction de transport de feux d’artifice, édictée par décret, la juriste Géraldine Bovi-Hosy estime, dans la Gazette des communes, qu’elle peut provoquer les contraventions prévues par l’article R644-5 du Code pénal. Cet article prévoit une amende de 4e classe pour « la violation des obligations édictées par décret (…) réglementant l’usage des artifices de divertissement » . Mais, souligne la juriste, cet article « n’entre pas dans la liste des contraventions relevant de la compétence des agents de police municipale » . Et la juriste conclut qu’on « ne peut que conseiller aux services de police municipale de prendre attache avec les officiers de police judiciaire, les autorités préfectorales et les parquets afin de voir comment procéder sur le terrain en cas de constat de telles infractions ».
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