Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 18 octobre 2024
Intercommunalité

Budget 2025 : le gouvernement confirme l'effort demandé aux collectivités

Devant les élus d'Intercommunalités de France, réunis à l'occasion de leur Convention nationale, le 17 octobre, au Havre, Catherine Vautrin a confirmé l'effort de 5 milliards d'euros demandé, l'an prochain, aux collectivités et à leurs groupements dans le cadre du redressement des finances publiques. Elle a ouvert deux chantiers : l'un sur la fiscalité locale, l'autre sur la simplification.

Par Xavier Brivet

[Article initialement publié sur le site Maires de France]

« Je ne peux pas effacer les 5 milliards d’euros » , a déclaré Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, le 17 octobre, devant les élus d’Intercommunalités de France réunis en convention nationale, au Havre (76). La veille, dans une motion adoptée à l’unanimité, ces derniers avaient demandé au gouvernement de renoncer à leur imposer, l’an prochain, cette contribution dans le cadre de leur participation au redressement des comptes publics. Devant la ministre, Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon (71) et d’Intercommunalités de France, a fustigé « une reprise en main des budgets locaux » , qui aura un impact direct « sur les services publics rendus aux habitants et l’investissement local ». 

Haro sur le « fonds de précaution » 

Dans le collimateur des élus figure notamment le « fonds de précaution »  de 3 milliards d’euros que l’exécutif entend prélever sur les recettes fiscales des 450 collectivités et EPCI (200 d’entre eux environ seraient concernés selon l’association) dont le budget de fonctionnement dépasse 40 millions d’euros, et dont une partie serait reversée, à partir de 2026, aux collectivités selon des modalités qui restent à préciser. « C’est inadmissible, c’est un impôt direct de l’État sur les collectivités et les EPCI, c’est leur prendre l’argent que les Français leur ont confié, et cela poussera les élus à faire des choix au détriment des services rendus à leurs concitoyens » , s’est emporté Sébastien Martin. 

Bertrand Bellanger, président du département de la Seine-Maritime, a souligné que ce prélèvement « risque de fragiliser le soutien que les conseils départementaux apportent au bloc local » . Le président du Grand Chalon a confirmé que « toutes les collectivités qui ne sont pas concernées par ce prélèvement trinqueront quand même car les départements et les intercommunalités [prélevés] sont leurs partenaires financiers et devront donc réduire le soutien qu’ils leur apportent ». Sébastien Martin a également dénoncé le gel, en 2025, de la compensation de TVA versée par l’Etat au bloc local en compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui devrait faire économiser environ 1,2 milliard d’euros au gouvernement, et l’amputation de 800 millions d’euros du FCTVA. 

Le président d’Intercommunalités de France a reçu le soutien d’Edouard Philippe, maire du Havre et président de la CU. Sans remettre en cause la participation des collectivités à l’effort de redressement des comptes publics, l’ancien Premier ministre a invité Catherine Vautrin à « expliquer la logique du prélèvement sur recettes qui n’est pas spontanément simple à comprendre »  en pointant le double risque que représente cette mesure « qui aura soit un impact sur l’investissement local, soit un impact sur le niveau d’endettement des collectivités concernées »  contraintes d’emprunter pour continuer d’investir, ce qui va à l’encontre de la volonté de l’exécutif de réduite l’endettement. Edouard Philippe a aussi désapprouvé la baisse du FCTVA « qui modifie rétroactivement »  le modèle économique des projets mis en œuvre par les élus locaux. 

Pas de remise en cause du prélèvement sur les collectivités

La ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, et ancienne présidente de la CU de Grand Reims (51), s’est montrée compréhensive sans rien céder sur le fond. « Vous n’êtes absolument pas responsables »  de la situation budgétaire, a lancé Catherine Vautrin aux élus intercommunaux. Elle a aussi reconnu que « comme l’indique justement le récent rapport de la Cour des comptes, sur l’exercice 2023, 5 milliards et demi d’euros de dépenses supplémentaires des collectivités sont le fruit des décisions de l’Etat, financées par les collectivités » . Pour autant a-t-elle cependant poursuivi, « le déficit public est l’affaire de tous ». Et, dans ce contexte, « la part de la contribution [des collectivités] au redressement des finances publiques, ne changera pas » , a asséné la ministre sans exclure quelques ajustements lors de la discussion parlementaire du budget. Elle a d’ores et déjà évoqué deux ajustements au dispositif : les intercommunalités les plus petites et les « communes ayant les charges d’urbanité les plus lourdes »  seront exonérées du prélèvement. Elle a confirmé que les collectivités en difficulté financière ne seront pas non plus concernées (c’est le cas d’une vingtaine de départements). 

Insuffisant pour Intercommunalités de France dont le président aurait préféré que « l’Etat nous dise clairement (...) en fixant aux élus des objectifs de maîtrise de leurs dépenses pour y parvenir, et en sanctionnant a posteriori celles qui ne rempliraient pas les objectifs » . Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle des « contrats de Cahors »  mis en place par l’Etat en 2018 et 2019. 

Vers la création d’une contribution territoriale ?

Dépourvue de marge de manœuvre sur l’effort de 5 milliards d’euros imposé aux collectivités l’an prochain (3 Md€ du fonds de précaution, 1,2 md€ de gel de la TVA et 800 M€ de baisse du FCTVA), Catherine Vautrin a proposé aux élus de travailler sur deux chantiers. Le premier concerne la fiscalité locale. « Les collectivités doivent retrouver un pouvoir d’agir ; cela passe par une maîtrise de leurs ressources. Ce débat doit avoir lieu, au Parlement, avec les élus, et il doit aussi concerner les intercommunalités » , a-t-elle indiqué. Concrètement, le gouvernement serait prêt à envisager la création d’une contribution territoriale dans un contexte où le lien fiscal est distendu entre les collectivités et leurs habitants, après notamment la suppression de la taxe d’habitation. Sébastien Martin lui a répondu que l’Etat « ne doit pas compenser la baisse de son soutien financier aux collectivités par la création d’un impôt local », tout en se montrant ouvert à une réflexion sur le sujet. L’AMF demande depuis plusieurs années la création d’une « contribution territoriale universelle »  afin que chaque citoyen participe selon ses moyens au financement des services publics. 

Deuxième chantier : la simplification. Catherine Vautrin a invité les élus à « alimenter Boris Ravignon, à qui j’ai confié une mission, d’idées et de propositions visant à simplifier nos organisations et nos normes. Aucun sujet ne doit être écarté, y compris en matière d’environnement, d’urbanisme » . Dans un rapport remis au gouvernement en mai dernier, le maire de Charleville-Mézières (08) chiffrait à plus de 7 milliards d’euros le coût de l’enchevêtrement des compétences entre collectivités et État, et formulait un grand nombre de préconisations pour remédier à cette situation (lire Maire info du 30 mai). L’idée du gouvernement consisterait à établir avec les associations d’élus et Boris Ravignon une revue des sources d’économie liées à la suppression de doublons et de normes coûteuses. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) devrait être associé à ce travail et devrait évaluer prochainement le coût de la création du service public de la petite enfance (SPPE), au 1er janvier 2025, « qui va créer une sur-administration dans la gestion de cette compétence que les communes et EPCI exercent très bien depuis des années », a pointé Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France. 

L’association va, de son côté, faire des propositions dans les prochaines semaines. Elle devrait notamment demander l’élaboration d’une loi de financement des collectivités locales, pluriannuelle, afin que les communes et leurs groupements disposent d’une trajectoire financière et d’une visibilité sur leurs moyens. « Il faut impérativement sortir d’une vision strictement comptable des collectivités et en finir une fois pour toute avec les coups de rabots budgétaires qui sont inefficaces et récessifs sur le plan économique » , conclut Sébastien Martin.

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