Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 4 juin 2024
Polices municipales

Inquiétudes sur une « reprise en main » des polices municipales par l'État 

Dans une tribune signée par huit maires de petites villes, dont le président de l'Association des petites  villes de France (APVF), les élus s'inquiètent d'une volonté de l'État de reprendre la main sur les polices municipales et demandent que celles-ci « restent sous l'autorité du maire ». 

Par Franck Lemarc

Les polices municipales ne sont pas une force supplétive des forces de l’ordre nationales. Ce message, inlassablement répété par l’AMF depuis plusieurs années, est également repris par l’APVF, dans une tribune parue hier dans le journal Le Monde et signée notamment par Christophe Bouillon, président de l’association, Philippe Laurent (Sceaux) ou Jean-Pierre Bouquet (Vitry-le-François). 

Continuum de sécurité

Ces maires rappellent que, contrairement à la police et la gendarmerie nationales, il n’existe « aucune définition des missions des polices municipales ». Conséquence de ce flou juridique, « le législateur comme le pouvoir réglementaire, a pris l’habitude de décharger la police nationale et la gendarmerie de missions réputées chronophages pour les confier à la police municipale » . Les maires signataires estiment que ces attributions nouvelles données, au fil des lois, aux policiers municipaux, « brouillent la distinction entre l’action de l’État et celle des collectivités ». Mais au-delà, ils redoutent une véritable « reprise en main par l’État des polices municipales ». 

Cette évolution se fait particulièrement sentir depuis que s’est développée la notion de « continuum de sécurité », mise en avant en 2018 dans le fameux rapport Fauvergue-Thourot qui devait aboutir, quelques mois plus tard, à la loi Sécurité globale. Dès la publication de ce rapport, qui posait le principe d’une « sécurité globale »  (police et gendarmerie nationales, polices municipales et sécurité privée) dont les objectifs et modalités seraient définis par l’État et lui seul, l’AMF s’était élevée contre cette vision, rappelant que « la création d’une police municipale, la détermination de sa doctrine d’emploi, le choix d’une dotation en armement et la gestion des effectifs doivent continuer de relever du choix des maires et des conseils municipaux »  (lire Maire info du 14 septembre 2018). France urbaine s’était également clairement opposé, à l’époque, à « une confusion entre les prérogatives des forces de l’ordre nationale et des forces de police municipale ». 

Tout comme le président du CNFPT, François Deluga à l’époque, qui avait violemment réagi à ce rapport en dénonçant « une tentative d’appropriation par le ministère de l’Intérieur des moyens dédiés par les collectivités territoriales à la sécurité et à la tranquillité de leurs administrés » , pour faire des polices municipales « une force supplétive de la police nationale ». 

Ballons d’essai

On le voit, le débat n’est pas nouveau. Comme le rappellent les signataires de la tribune parue hier, le gouvernement a lancé plusieurs ballons d’essai dans ce sens, en particulier en essayant « de les associer aux missions de police judiciaire ou de police administrative de l’État, pour ne plus avoir à porter lui-même ces missions ». Tentative qui avait « échoué devant le contrôle du juge constitutionnel ». 

Les signataires font ici référence à la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 sur la loi Sécurité globale. Ces Sages avaient alors censuré l’article 1er de cette loi, qui prévoyait le lancement d’une expérimentation de cinq ans permettant aux agents de police municipale « d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle ». 

Pas d’accord, avait tranché le Conseil constitutionnel : la police judiciaire « doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire », alors que les policiers municipaux agissent sous le contrôle du maire. « En confiant (ces) pouvoirs aux agents de police municipale sans les mettre à disposition d’officiers de police judiciaire, (…) le législateur a méconnu la Constitution ». 

Les maires signataires de la tribune craignent que l’État « revienne sur cet échec ». « La judiciarisation accrue du pouvoir des policiers municipaux reviendrait à les mettre sous l’autorité du parquet, et non plus sous celle des maires. »  Cette question a été au cœur du Beauvau des polices municipales qui s’est déroulé en avril dernier, lors duquel l’AMF a répété son opposition à l’acquisition par les policiers municipaux de compétences de police judiciaire – à rebours de la Conférence nationale des procureurs qui, elle, y est favorable (lire Maire info du 8 avril). 

Les conclusions du Beauvau des polices municipales sont attendues pour l’automne. On verra alors quels seront les choix retenus par le gouvernement. Mais pour les signataires de la tribune, une ligne rouge est clairement tracée : « La police municipale doit rester sous l’autorité du maire. Elle dispose d’une légitimité propre, fondée sur la proximité de son action au service de la sécurité, de la sûreté et de la tranquillité publique. »  Ce sont les polices municipales ont besoin, selon ces maires, c’est « d’une feuille de route fédératrice, claire et précise permettant d’identifier les missions et d’uniformiser les pratiques, tout en laissant aux maires la liberté de définir l’orientation qu’ils souhaitent donner dans le cadre de la loi ». 

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