Incendies : la question des moyens de la Sécurité civile posée par les élus locaux et les députés
Par Franck Lemarc
40,4 ° C à Dieppe, 41 ° C à Cayeux-sur-Mer, 39,6 ° C à Boulogne-sur-Mer, 41,2 ° C à Cholet… Dans des dizaines de communes, hier, les stations météos ont enregistré des records absolus de température. Ajoutée à l’irruption d’un vent fort, toute la journée, cette chaleur écrasante a provoqué de nombreux départs de feux dans tout le pays, y compris dans des régions peu habituées aux incendies.
Feux de forêt et de moisson
En Gironde, la situation reste très tendue, même si une accalmie semble se dessiner ce matin. Ce sont plus de 20 000 hectares qui ont été détruits, et des milliers de personnes ont dû être évacuées – des communes entières, comme Saint-Symphorien, et Saint-Léger-de-Balson, ayant été entièrement vidées de leurs habitants. Ces incendies sont si violents que la fumée qu’ils génèrent a été ressentie jusqu’à Paris, à presque 700 km.
Mais d’autres régions ont été touchées par les incendies hier : le Finistère, où 1 400 hectares ont été détruits dans les monts d’Arrée ; la Manche, autour de la Hague, les Bouches-du-Rhône près d’Avignon, ainsi que le Nord, la Somme et l’Oise. Dans ce dernier département, ce sont pas moins de 13 incendies qui ont été détectés hier – essentiellement des feux de moisson déclenchés par des moissonneuses-batteuses.
Ce matin, les orages et la pluie qui sont tombés sur le pays laissent espérer une amélioration de la situation.
Un « plan national de résilience »
Dans ce contexte, les questions se multiplient sur les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre les incendies. Dans une longue lettre ouverte adressée au président de la République, le président du département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, et celui du département des Landes, Xavier Fortinon, ont interpellé hier le chef de l’État. Estimant que les incendies qui ont touché cette région depuis une semaine ne sont qu’une « préfiguration » de la situation des années à venir, les deux présidents l’affirment clairement : « Nous ne mettrons pas un terme à ces brasiers avec une organisation de la Sécurité civile telle que nous la connaissons. » Et ils proposent trois pistes de réflexion pour réformer une organisation des secours qu’ils estiment à bout de souffle.
« Le modèle de financement des Sdis [services départementaux d’incendie et de secours] » atteint ses limites, jugent les deux présidents, dans la mesure où les moyens qu’y consacrent les départements, les communes et les EPCI sont fondés sur la démographie de l’année 2002 et « n’ont pas évolué en 20 ans » … alors que dans la même période, la Gironde et les Landes ont accueilli quelque 400 000 habitants supplémentaires. Il est donc « urgent » de revoir le modèle fixé par la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002.
Deuxième point : la disponibilité des moyens aériens. « Comme une personne victime d’une crise cardiaque doit être secourue dans les premières minutes, un incendie se doit d’être repéré et traité dès qu’il apparaît », écrivent les deux présidents de département – or « nous ne disposons en France que de 12 Canadair ». Il convient donc « d’envisager une flotte plus conséquente, et une répartition territoriale adaptée. Un dispositif avancé dans le Sud-Ouest permettrait de protéger le massif forestier de résineux le plus important d’Europe, et même d’intervenir par-delà les Pyrénées. »
Enfin, les deux signataires de cette lettre ouverte demandent que soit élaborée « une stratégie de lutte à trois échelles » : interdépartementale, avec « la mutualisation des moyens de Sdis », nationale et européenne, avec « l’augmentation de la dotation allouée au mécanisme européen de protection civile ».
Les catastrophes qui s’annoncent risquant d’être « toujours plus graves », les deux présidents appellent solennellement le chef de l’État à élaborer « un plan national de résilience contre le risque incendiaire ».
Pas encore de réponse du gouvernement
Ces questions ont également été posées à l’Assemblée nationale, pendant la séance de questions au gouvernement, hier. Pas moins de quatre députés (Michel Sala, Frédéric Valletoux, Sophie Mette et Nicolas Thierry) ont interpellé avec plus ou moins de virulence le gouvernement sur la réponse de l’État aux incendies. Michel Sala (LFI) a vivement reproché au gouvernement l’affaiblissement des moyens aériens (« seuls neuf Canadair et quatre Dash sont capables de voler » ), mais aussi celui des services forestiers : « Vous avez supprimé 15 % des effectifs des opérateurs publics » (ONF et Office français de la biodiversité ».
Des affirmations que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a contestées. « Tout ne peut pas faire l’objet de polémique. En cinq ans, nous avons augmenté le budget de la sécurité civile de 44 % (…). Nous avons mobilisé les militaires, nous avons mobilisé plus de moyens qu’aucun autre pays européen. (…) Alors, plutôt que de susciter des polémiques qui n’ont pas lieu d’être, encourageons les sapeurs-pompiers, réjouissons-nous qu’il n’y ait pas de morts. »
Interpellé par un autre député, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a tout de même été un peu plus loin que ce simple auto-satisfecit en reconnaissant que « plusieurs mesures globales doivent être prises » : renforcer l’application de l’obligation de débroussaillage, développer « les couloirs de défense contre l’incendie » dans les forêts.
Rien n’a été dit, en revanche, par les ministres, sur le renforcement des moyens aériens ou leur réorganisation territoriale, réclamée par les présidents de la Gironde et des Landes. Reste à savoir ce qu’Emmanuel Macron, qui devrait se rendre sur les lieux des incendies de Gironde, aujourd’hui, va répondre aux interrogations – et aux légitimes angoisses – des élus locaux.
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