Sapeurs-pompiers volontaires : un tribunal impose la fixation d'un nombre maximal d'heures de gardes hebdomadaires à un Sdis
Par A.W.
« Il est enjoint au Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de la Moselle de prendre une décision pour fixer le nombre maximal d'heures de gardes hebdomadaires », et ce « dans le délai de trois mois ». Dans sa décision du 24 mai dernier, le tribunal administratif de Strasbourg a donné raison à la CFDT Interco Moselle qui réclamait une telle mesure pour les sapeurs-pompiers volontaires mosellans - qui effectuent parfois plus de 90 heures de garde volontaire par semaine - alors que, en tant que bénévoles, « ni le Code du travail ni le statut de la fonction publique ne [leur] sont applicables, sauf dispositions législatives contraires », selon le Code de la sécurité intérieure.
« Des travailleurs », au sens d’une directive européenne
Cette décision intervient après un premier rejet « implicite » d’une demande, en 2020, du syndicat auprès du Sdis de la Moselle de fixer une limite maximale d'heures de gardes hebdomadaires, suivi du rejet d’un recours administratif au début de l’année 2021.
Dans la foulée, le syndicat a saisi le tribunal administratif de Strasbourg afin d’annuler ces deux décisions en soutenant que « les sapeurs-pompiers volontaires, qui perçoivent notamment des indemnités horaires […], se trouvent pendant leurs gardes dans une relation de subordination à l'égard de la hiérarchie de leur Sdis » et que, dans ce cadre, « ils constituent des travailleurs au sens de la directive [européenne] du 4 novembre 2003, dont le délai de transposition est expiré, et relèvent, par voie de conséquence, de son champ d'application ».
Ainsi, « en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires nationales », la CFDT Interco Moselle estimait qu’il « appartenait au Sdis de la Moselle de déterminer le nombre maximal d'heures de gardes hebdomadaires pouvant être effectuées par les sapeurs-pompiers volontaires exerçant en son sein, dans les conditions et limites posées par cette directive, lesquelles doivent être respectées quels que soient le nombre d'employeurs ».
Une interprétation qu’a donc validée le tribunal administratif de Strasbourg en enjoignant au Sdis de la Moselle de déterminer « le nombre d'heures hebdomadaires maximum de gardes pour les sapeurs-pompiers volontaires », et ceci dans un « délai de trois mois » à compter de la notification du jugement.
Pour le syndicat, « il n’était plus acceptable que les abus de certains Sdis n’entraînent pas cette reconnaissance », celui-ci estimant, plus globalement, dans un communiqué, que tous « les sapeurs-pompiers volontaires accomplissant des gardes doivent être reconnus comme des travailleurs ». Dans le cas contraire, « l’État met en péril le volontariat ».
À Lyon, une décision « opposée » déjà rendue
Cette décision de justice a d’ores et déjà fait réagir l'association des Départements de France qui affirme, dans un communiqué publié hier, que celle-ci « ne peut avoir de portée générale » puisque « les besoins des différents territoires doivent s'apprécier localement et ne sauraient être convenablement pris en compte par une réglementation nationale trop rigide ».
« Prise au regard d'une situation particulière portée devant la justice par une organisation syndicale et non par les sapeurs-pompiers volontaires concernés », cette décision « ne saurait entraîner de conséquences globales sur le volontariat, pilier du modèle français de sécurité civile », explique le président du département du Rhône, Christophe Guilloteau, dont les propos ont été relayés dans le communiqué. « Notre SDMIS (Service départemental-métropolitain d'incendie et de secours) a d’ailleurs connu un litige similaire à la suite duquel la Cour administrative d'appel de Lyon nous a donné raison, rendant une décision opposée à celle du tribunal administratif de Strasbourg. Ce qui montre qu’il ne faut pas faire d’une décision juridique locale une vérité nationale ! », ajoute celui qui est également président du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires.
Et l’association d’élus de citer « la lettre de la Commission européenne, sollicitée à l'automne 2020 par le ministre de l'Intérieur », qui souligne que « chaque cas d'espèce doit être examiné en fonction de ses caractéristiques propres » et qu’il « incombe en particulier aux tribunaux nationaux de se prononcer sur ce point, dans chaque cas particulier dont ils sont saisis ». Celle-ci rappelle, par ailleurs, que « l'arrêt de la Cour de justice [de l'Union européenne sur lequel s'est notamment fondé le TA de Strasbourg pour rendre sa décision] n'implique aucunement que tout sapeur-pompier volontaire doive automatiquement être considéré comme un "travailleur" au sens de la directive » sur le temps de travail.
« Pour la pérennité du système », les sapeurs-pompiers volontaires « ne peuvent pas être considérés comme des travailleurs », insiste donc l’association qui appelle, toutefois, les « présidents de Sdis et de départements à une grande vigilance sur leurs conditions d'emploi ».
« Si la priorité absolue sera toujours la protection de nos volontaires et leur sécurité », assure Christophe Guilloteau, celui-ci juge « impératif » de « conserver la souplesse de notre modèle pour faire face notamment aux enjeux exceptionnels auxquels nous sommes de plus en plus confrontés, tels que les mégafeux ».
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