Hausse du point d'indice : l'AMF dénonce « le calendrier et la méthode »
Par Franck Lemarc
Alors que l’inflation a dépassé les 6 % cette année, l’annonce d’une augmentation du point d’indice de 1,5 % seulement va forcément apparaître comme insuffisante aux yeux des syndicats de fonctionnaires. Mais le gouvernement a décidé, contrairement à ce qu’il avait fait il y a un an, d’utiliser plusieurs leviers différents, et non seulement la hausse du point, pour augmenter les salaires.
Rattrapage
Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a dévoilé hier ces différents leviers. Outre la hausse de 1,5 % du point d’indice, donc, il a été annoncé que 5 points supplémentaires seraient attribués à tous les agents… mais le 1er janvier prochain seulement. La valeur du point étant actuellement de 4,85 euros, ce « bonus » de points correspondra à environ 24 euros brut d’augmentation.
Autre mesure : une augmentation spécifique pour le bas des grilles salariales B et C, pour pallier le fait que la dernière hausse du smic, le 1er mai dernier, a rapproché le traitement de nombreux fonctionnaires de catégorie C du salaire minimum. Le gouvernement annonce que jusqu’à 9 points d’indice supplémentaires devraient être accordés aux plus bas salaires des catégories B et C, indiquant que cette mesure devrait concerner environ 800 000 agents de la fonction publique territoriale.
Selon les estimations présentées par le ministre, ces différentes mesures aboutiront à une augmentation de « 102 euros net par mois pour un professeur des écoles avec 7 ans d’ancienneté, 182 euros net par mois pour une agente de guichet en début de carrière, 105 euros net par mois pour un gardien de la paix avec 15 ans d’ancienneté ».
La prise en charge des abonnements de transport collectif par l’État va également être augmentée, passant de 50 à 75 %.
Prime
Dernière mesure annoncée : dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique hospitalière, une prime sera accordée à tous les agents gagnant moins de 3 250 euros brut. Cette prime sera comprise, selon le traitement des agents, entre 300 et 800 euros, et sera versée « d’ici la fin de l’année ».
Le gouvernement a clairement précisé que dans les collectivités locales, cette prime sera, libre administration oblige, à la main des exécutifs locaux. Si l’on ne connaît pas encore tous les détails de la mesure, il devrait donc revenir aux conseils municipaux de délibérer sur une éventuelle prime et sur son montant.
« Équation complexe »
Sans remettre en cause la nécessité d’une augmentation des salaires des agents, eu égard au niveau de l’inflation, l’AMF a réagi à ces annonces en dénonçant, dans un communiqué publié hier soir, « le calendrier et la méthode ». Comme l’explique ce matin à Maire info Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, l’association a « découvert ces annonces hier », ce qui signifie qu’elle n’a ni été concertée, ni même prévenue en amont. « Nos budgets sont votés en mars, s’agace la maire de Lampertheim, et on nous annonce mi-juin une mesure sur le point d’indice qui prendra effet le 1er juillet, et aura des conséquences évidentes sur nos dépenses, obligeant certaines communes à adopter des budgets modificatifs. Nous avions prévenu le gouvernement, plusieurs fois, de ce problème. » Dans son communiqué, l’AMF rappelle que « les collectivités ont besoin d’anticipation et de visibilité sur leurs dépenses de fonctionnement : une autre méthode de travail est nécessaire pour éviter que des décisions, dont le coût a un impact fort sur les finances locales, soient prises de manière aléatoire et mises en œuvre dans les quinze jours. »
Quant à la prime évoquée par le gouvernement, la secrétaire générale de l’AMF se réjouit évidemment que la décision en soit laissée aux collectivités, au nom de la libre administration, mais relève que l’équation va être « particulièrement complexe ». « Avoir la main sur les décisions, très bien. Mais nos recettes se raréfient, et le vote d’une telle prime signifie mécaniquement une augmentation de nos dépenses de fonctionnement. » Or, l’AMF rappelle que Bercy ne cesse de clamer que les collectivités vont devoir réduire leurs dépenses de fonctionnement… et le gouvernement, année après année, réduit les marges de manœuvres des collectivités en supprimant des impôts locaux (taxe d’habitation, CVAE…).
Libre administration
Ce qui renvoie, au fond, à la question maintes fois soulevée par l’AMF : l’exercice de la libre administration des collectivités locales n’a de sens que si celles-ci ont la main non pas seulement sur leurs dépenses, mais aussi sur leurs recettes. C’est ce qu’expliquait ce matin le maire de Sceaux Philippe Laurent, vice-président de l’AMF et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale : « Voter une prime ‘’pouvoir d’achat’’ aux agents, oui, mais encore faut-il avoir la possibilité de se procurer les ressources pour le faire, par exemple en augmentant les impôts locaux ». C’est très exactement ce type de choix qui est l’essence de la « libre administration ». Mais le remplacement progressif des impôts locaux, dont le taux est librement décidé par les collectivités, par une part de TVA décidée en loi de finances, fausse totalement le jeu.
L’AMF rappelle à cette occasion qu’une fois encore, la question de l’augmentation du point d’indice montre la nécessité d’une indexation de la DGF sur l’inflation : si celle-ci existait, les collectivités auraient les moyens d’augmenter les salaires de leurs agents là aussi en fonction de l’inflation. Ce n’est pas le cas, et comme le rappelle Murielle Fabre, « l’augmentation de la DGF en 2023, qui n’a d’ailleurs pas été perçue par toutes les communes, est loin de compenser l’inflation ».
L’AMF demande donc que la question soit remise sur la table, alors que vont commencer les discussions sur l’élaboration du projet de loi de finances pour 2024. L’association se dit « à la disposition du gouvernement » pour discuter de ces questions, mais aussi pour « instaurer une méthode et une organisation de travail permettant une meilleure programmation des dépenses ».
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