Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 13 mai 2025
Handicap

École inclusive : les pôles d'appui à la scolarité en passe d'être généralisés

Les députés ont adopté en première lecture à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des élèves en situation de handicap. Par le biais d'un amendement, le gouvernement a introduit dans ce texte la création de pôles d'appui à la scolarité (PAS) dans tous les départements d'ici 2027.

Par Lucile Bonnin

Le 5 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi déposée en octobre dernier à l’Assemblée nationale par la députée macroniste Julie Delpech, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. « Ce texte vise à renforcer le parcours inclusif des enfants en situation de handicap et, plus largement, de tous les enfants à besoins éducatifs particuliers, a-t-elle détaillé en séance. Si le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés progresse incontestablement, c’est aussi un défi permanent, car, derrière ces chiffres, il y a des réalités de terrain complexes et parfois douloureuses. » 

Ainsi, cette proposition de loi vise à instaurer la généralisation du livret de parcours inclusif (LPI), la création d’un Observatoire national de la scolarisation et de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et l’ouverture de la formation initiale des AESH aux enseignants volontaires. Une autre mesure importante, concernant les pôles d’appui à la scolarité, a également été introduite dans ce texte.

Le gouvernement saisit la balle au bond

C’est par le biais d’un amendement rectificatif que le gouvernement a donné à ce texte une tout autre dimension. « Nous proposons d’inscrire dans le Code de l’éducation les pôles d’appui à la scolarité qui font l’objet d’une préfiguration depuis la rentrée de 2024 » , peut-on lire dans l’exposé de cet amendement adopté. 

Rappelons qu'une expérimentation de ces pôles d’appui à la scolarité est menée dans les départements de l’Aisne, de la Côte-d’Or, de l’Eure-et-Loir et du Var depuis le 1er septembre 2024. Leur objectif est d’apporter une réponse de premier niveau face aux difficultés scolaires que peuvent rencontrer certains élèves aux besoins spécifiques. Ces pôles d’appui à la scolarité permettent de mettre en place des aménagements pédagogiques et éducatifs ; de mettre à disposition un matériel pédagogique adapté aux besoins de l’élève ; de fournir un soutien ou une prise en charge spécifique par des professionnels de l’éducation nationale et/ou du secteur médico-social comme des AESH. 

Cette réforme annoncée en avril 2023 est en fait une transformation progressive des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) en pôles d’appui à la scolarité. Cependant, le gouvernement semble avoir du mal à la sanctuariser. En effet, une mesure qui devait permettre la création de Pôles d'appui à la scolarité (PAS) avait été inscrite dans le budget 2024 puis censurée par le Conseil constitutionnel qui l’a considérée comme un cavalier législatif (c’est-à-dire qu’elle ne relevait pas de lois de finances). Une circulaire avait alors été publiée en juillet détaillant les contours de l'expérimentation (lire Maire info du 5 juillet). 

Reste que, pour être généralisée, cette évolution que constitue les PAS doit passer par la loi. L'Igas (inspection générale des affaires sociales) indiquait justement dans un rapport daté de 2023 que « la mise en place des PAS (..) suppose une évolution législative ». D’autant que le gouvernement se montre ambitieux sur le sujet, puisqu’il a été fixé un objectif de 3 000 PAS d’ici 2027.

Ainsi, le gouvernement a saisi la balle au bond en amendant ce texte. Celui-ci ayant été adopté de justesse par les députés, l’article 3 bis B acte la création des pôles d'appui à la scolarité dans chaque département. 

Une partie loin d’être gagnée

Si cette mesure du texte demeure durant toute la navette législative – laquelle bénéficie d’une procédure accélérée – le PAS deviendrait « l’organe opérationnel de coordination pour l’organisation de la réponse aux difficultés d’un élève : adaptation pédagogique, matériel adapté, aide humaine, ou mobilisation de professionnels médico-sociaux. » 

Dans l’exposé des motifs de cet amendement, le gouvernement estime que l’expérimentation menée jusqu’ici est concluante : « les PAS sont unanimement salués par les acteurs de terrain », rapporte le gouvernement « plus de 2 800 enfants ont déjà bénéficié d’un accompagnement dans les premiers mois, avec des délais de réponse remarquablement courts (…) ». 

Le gouvernement présente même à cette occasion un bref retour d'expérience de chaque département : « Dans l’Aisne, la stratégie déconcentrée permet l’implication locale et le développement d’une culture commune entre professionnels »  ; « dans le Var, l’organisation centralisée facilite le suivi des données et la cohérence du pilotage »  ; « en Côte-d’Or, le remplacement des PIAL par le PAS départemental a permis une coordination renforcée et une meilleure mobilisation des ressources »  et « en Eure-et-Loir, malgré l’absence initiale de cadre réglementaire, les dynamiques locales ont été porteuses, et un pilotage tripartite (État/ARS/Rectorat) s’est structuré efficacement. » 

Un article 3 ter a été introduit afin que le gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant l’impact du passage des pôles inclusifs pour l’accompagnement localisés aux pôles d’appui à la scolarité. Jusqu’ici aucune étude d’impact n’a été présentée sur ce nouveau dispositif. 

Des critiques perdurent cependant sur ce dispositif. Certains parlementaires, à l’instar de la députée LFI Murielle Lepvraud, estiment qu’ « en déposant un amendement qui inscrit les PAS dans le Code de l’éducation, sans étude d'impact et pour des raisons comptables, l'exécutif veut contourner les notifications MDPH et réduire le nombre d’élèves à accompagner. »  De nombreux syndicats s’opposent également à la généralisation des PAS. SUD-Éducation Gard-Lozère dénonce par exemple une « politique de mutualisation des moyens qui repose sur une volonté de l’État de faire des économies au détriment des publics les plus fragiles »  et la Fnec FP-FO estime que la mise en place des PAS est une manière de « contourner les notifications de la MDPH »  et de «  "coacher" les enseignants au lieu de prendre en charge les élèves à besoins particuliers ».

D’autres critiques s’élèvent sur la proposition de loi en général, qui passerait à côté des problèmes essentiels comme celui de la précarisation du métier des AESH par exemple. Nombreux sont les syndicats qui revendiquent la création d’un statut de fonctionnaire. Guislaine David, secrétaire générale du syndicat SNUipp-FSU, estime dans les colonnes du Monde que le texte de loi adopté début mai est « déconnecté de la réalité ». 

Pour sa part, l’AMF s’ interroge sur le risque de confusion des rôles de l’Éducation nationale et de la MDPH dans la mise en place des PAS, ainsi que sur les incidences organisationnelles et financières pour les communes. Elle a obtenu, dans le protocole d’accord commun signé le 8 avril 2025 avec Élisabeth Borne, que les maires soient bien associés au déploiement des PAS (lire Maire info du 6 mai). Plus globalement, le protocole prévoit que les mesures engagées par le ministère pour faciliter l’accès des enfants en situation de handicap à l’école fassent l’objet d’une concertation préalable avec les maires afin de s’assurer des modalités de mise en œuvre.

L’amendement introduisant cette généralisation des PAS n’a d’ailleurs pas fait l’unanimité puisqu’il a été adopté à deux voix près. Reste à voir quel avenir connaîtra ce texte qui a d’ores et déjà été envoyé au Sénat. La procédure accélérée ayant été engagée, son adoption définitive pourrait intervenir avant la rentrée prochaine. 

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