Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 8 mars 2022
Guerre en Ukraine

Ukraine : les dons financiers encore plus urgents que les collectes de matériel de première nécessité

Au douzième jour d'une guerre qui frappe de plus en plus durement les civils en Ukraine, les convois transportant le produit des collectes se multiplient et l'AMF appelle maintenant à recentrer celles-ci sur « les dons financiers ». 

Par Franck Lemarc

Après de premiers jours de guerre où l’offensive russe a essentiellement ciblé les installations militaires, ce sont maintenant les villes et les quartiers résidentiels qui sont sous le feu des bombes en Ukraine. À Irpin, Marioupol, Kharkiv, dans la banlieue de Kiev, et sans doute bientôt dans la ville portuaire d’Odessa, les quartiers sont bombardés sans relâche et les morts civils se comptent, au moins, par centaines. À une vingtaine de kilomètres de Kiev, par exemple, le petit village d’une centaine d’habitants de Markhalivka a été entièrement rasé par les bombardements. Certaines villes, comme Marioupol, sont maintenant sous blocus militaire et les habitants commencent à manquer d’eau potable et de nourriture. 

On retiendra aussi de l’actualité dramatique d’hier la mort probable d’un maire ukrainien, « mort pour sa communauté »  comme l’écrit le site de sa commune. Yuri Illitch Prylipko, maire de Hosotmel, au nord-ouest de Kiev, aurait été tué par l’armée russe alors qu’il « distribuait du pain et des médicaments aux malades et réconfortait les blessés », écrit la ville dans un communiqué. « Personne ne l'avait obligé à faire face aux balles ennemies. Il aurait pu, comme des centaines d'autres, se cacher dans une cave. (...) Mais il avait pris sa décision. »  La mairie déplore enfin l’impossibilité d’organiser des funérailles, compte tenu de la situation militaire. 

Convois de la Protection civile

Dans ce contexte, l’aide humanitaire collectée dans de très nombreuses communes en France doit parvenir au plus vite en Ukraine. Un convoi de 13 poids lourds transportant 150 tonnes de matériel médical, affrétés par la Protection civile, dans le cadre dans son partenariat avec l’AMF, baptisé Orzel1, est parti dimanche. Les dons, acheminés depuis 14 bases logistiques aux quatre coins du pays avec l’aide des associations départementales de maires, ont été centralisés à Strasbourg, avant un départ pour Lublin, à l’est de la Pologne, près de la frontière ukrainienne. De là, le matériel sera acheminé vers Kiev et Lviv via des corridors humanitaires. Le convoi est arrivé à Lublin hier soir, annonce la Protection civile. Deux autres convois vont partir cette semaine. 

Dons financiers

Dans un communiqué publié hier, l’AMF indique que les besoins des Ukrainiens « se portent désormais prioritairement sur du matériel spécifique, tels que des médicaments et dispositifs médicaux de secours, ou des groupes électrogènes ». Ces matériels, qui ne peuvent faire l’objet de dons de particuliers, doivent être achetés. L’association appelle donc les mairies à orienter désormais le plus possible la solidarité vers les dons financiers. Les dons peuvent être faits sur le site de la Protection civile (https://don.protection-civile.org/soutenir) ou encore via le Fonds Faceco, sous l’égide du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (lire Maire info du 4 mars). 

Des millions de réfugiés attendus

Au-delà de l’aide humanitaire sur place, la guerre va engendrer – et engendre déjà – un flux considérable de réfugiés : selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’Onu, hier, ce sont déjà quelque 1,7 million d’Ukrainiens qui ont déjà franchi les frontières vers la Pologne (qui accueille déjà presque 60 % du flux) et dans une moindre mesure la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la Moldavie. 

Le flot de réfugiés ne fait que s’accroître au fil des jours et de l’aggravation des bombardements sur les villes. Sur la seule journée de dimanche, 142 000 Ukrainiens sont arrivés en Pologne. Dans la nuit de dimanche à lundi, entre minuit et 7 h, 42 000. 

Une grande partie de ces réfugiés ne fera que transiter dans les pays d’Europe centrale et va chercher à gagner les États d’Europe de l’ouest. Ceux-ci s’organisent donc pour accueillir un grand nombre de réfugiés. En France, des particuliers comme des communes ont déjà fait état de leur disponibilité pour accueillir des Ukrainiens, depuis la Ville de Paris, qui en héberge déjà 600 dans un centre ouvert à la porte de la Chapelle avec France Terre d’asile, jusqu’à de petites communes, comme Coublevie, en Isère, qui en a accueilli trois hier.

La ville de Strasbourg, à la frontière allemande, s’attend à recevoir un très grand nombre de réfugiés, et une cellule spéciale a été mise en place avec la préfecture pour permettre de centraliser l’offre et la demande d’hébergement, venant aussi bien des communes que des particuliers. 

Ce n’est qu’un début : hier, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a dit s’attendre à ce que l’UE reçoive dans les mois à venir quelque 5 millions de réfugiés ukrainiens. 

S’organiser en amont

Dans ce contexte, il est indispensable de s’organiser en amont. L’AMF encourage notamment les personnes parlant ukrainien à se manifester auprès des communes, et ces dernières à « prendre contact avec les structures et associations qui participent à l’alphabétisation des personnes ne parlant pas le Français dans leur commune, pour faciliter l’apprentissage du Français et l’installation des Ukrainiens en France ». 

Côté État, le ministère de l’Intérieur vient de mettre en place une procédure dématérialisée permettant aux « personnes morales »  (communes, associations…) de « déposer leur capacité d’hébergement qui serait susceptible d’être mise à disposition des déplacés ukrainiens ». Cette procédure est strictement réservée aux personnes morales. Les particuliers, indique le ministère, « doivent se faire connaître auprès de leur commune de résidence »  ou peuvent passer par la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, où une page spécifique sur l’Ukraine a été ouverte. 

Enfin, on peut signaler l’appel du député Frédéric Petit, qui a appelé hier « les villes et régions françaises »  à envoyer d’urgence des bus en Pologne pour rapatrier des réfugiés. « Les centres d’urgence sont surchargés et des mères et leurs enfants sont obligés de dormir dehors », s’alarme le député. Plusieurs villes (Perpignan, Metz, Wasquehal, Saint-Gilles-Croix-de-Vie…) ont d’ailleurs déjà fait ce geste. 

Différence de traitement

Un certain nombre d’associations qui militent, depuis des années, pour l’accueil des migrants venus de l’autre côté de la Méditerranée, si elles saluent cet élan de solidarité avec les Ukrainiens, regrettent en revanche une différence de traitement difficilement compréhensible. France bleu Pays basque rapportait, hier, qu’une adjointe au maire d’Urrugne (Pyrénées-Atlantiques) et sa fille ont été convoquées dimanche par la police pour avoir aidé cinq migrants venant de traverser la frontière espagnole en « les emmenant au centre d’action sociale pour qu’ils se reposent ». Les cinq réfugiés ont été reconduits à la frontière.

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