Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 15 janvier 2025
Gouvernement

Situation politique : vers un retour à la case départ ?

François Bayrou n'a pas fait de miracles : à l'issue de sa déclaration de politique générale, la situation politique n'a pas changé et les clivages restent les mêmes, le Premier ministre ayant finalement échoué à rallier le Parti socialiste à un accord de non-censure. 

Par Franck Lemarc

À trop vouloir satisfaire tout le monde, François Bayrou a réussi à ne satisfaire personne. Bien qu’il se soit défendu, dès le début de sa déclaration de politique générale, de procéder à un « catalogue »  de mesures, c’est pourtant très exactement ce qu’il a fait, égrenant une suite de propositions visant à tenter de gagner les faveurs de la gauche, du centre, de la droite, de l’extrême droite, des maires, des agriculteurs, et même des Gilets jaunes – dont il a demandé le réexamen des cahiers de doléance. 

Un Premier ministre pris en étau

Avant même ce discours, la situation du Premier ministre semblait déjà bloquée, pris dans l’étau d’une gauche faisant de l’abrogation, ou du moins de la suspension, de la réforme des retraites un préalable ; et d’une coalition des Républicains, des macronistes et des amis d’Édouard Philippe exerçant la pression inverse et expliquant qu’un recul sur la réforme des retraites coûterait au Premier ministre leur soutien. Les Républicains allant jusqu’à conditionner la poursuite de leur participation au gouvernement à cette question. 

La seule réussite de François Bayrou aura été, après plusieurs jours – et nuits – de négociations secrètes avec les ténors du Parti socialiste, de sembler mettre un coin dans la fragile unité du Nouveau Front populaire. Mais sans aller jusqu’au bout : en refusant de céder sur la question d’une suspension de la réforme des retraites, pour ne pas s’aliéner le centre et la droite, il prend le risque de renvoyer le Parti socialiste dans une position d’opposition franche. 

Dans les discours des présidents de groupe qui ont suivi la déclaration de politique générale, comme dans les expressions médiatiques des responsables politiques, les clivages sont finalement restés les mêmes que ce qu’ils étaient un mois plus tôt. Le discours du Premier ministre a été qualifié « d’enfumage »  par Jean-Luc Mélenchon, « d’indigent »  pour l’écologiste Cyrielle Chatelain, « d’austéritaire »  par le communiste Fabien Roussel, de « lénifiant et soporifique »  par le RN Sébastien Chenu. 

Pour les socialistes, comme l’a déclaré le président du groupe à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, « le compte n’y est pas ». 

Les Républicains, quant à eux, se sont certes félicités que François Bayrou n’ait pas cédé sur les retraites, mais regrettent qu’il se soit prononcé pour l’instauration de la proportionnelle, « garantie de désordre politique exceptionnel »  selon Laurent Wauquiez. Les LR ne se sont pas opposés aux déclarations du Premier ministre, mais n’ont pas non plus exprimé le soutien et la solidarité que l’on pourrait attendre de partenaires gouvernementaux : « On jugera sur les actes », a sobrement commenté le député LR de l’Eure-et-Loir Olivier Marleix. On a vu soutien plus franc. 

Mêmes causes, mêmes effets

 Dans l’immédiat, rien ne va donc changer : on ignore encore si le PS votera ou pas, demain, la motion de censure cosignée par LFI, les écologistes et le PCF, mais ce vote est, de toute façon, symbolique, puisque le RN ne le votera pas. 

Mais l’enjeu d’un vote du PS de la motion de censure de demain est ailleurs : si le parti d’Olivier Faure décide de voter la censure, cela signifiera que François Bayrou aura échoué à faire exploser la coalition du NFP et qu’il s’expose, en cas de désaccord sur le budget, à subir le même sort que Michel Barnier. C’est une question mathématique : la configuration de l’Assemblée fait qu’une censure votée par l’extrême droite, LFI, le PCF et les écologistes, mais sans le PS, ne recueillerait par la majorité absolue (à 12 voix près). À supposer, du moins, que les 66 députés du groupe PS votent comme un seul homme, ce qui est loin d’être sûr, au vu des dissensions qui apparaissent parmi eux sur la stratégie d’Olivier Faure.

Si le Premier ministre échoue à rallier le PS dans un accord de non-censure, comme cela semble être le cas, ce sera bien le retour à la case départ : à nouveau, le RN aura le contrôle de la situation et sera seul en mesure de décider du maintien ou non de François Bayrou à Matignon. 

Associations et syndicats globalement insatisfaits

Au-delà du monde politique, les réactions au discours de François Bayrou n’ont guère été plus enthousiastes. Si, pour l’instant, les principales associations d’élus n’ont pas encore réagi – attendant certainement le discours qui sera prononcé au Sénat cet après-midi, et qui sera plus spécifiquement tourné vers les collectivités locales – d’autres structures se sont exprimées. 

C’est le cas de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui se félicite que François Bayrou ait déclaré que « chacun doit avoir accès à un logement abordable », mais relève qu’au-delà des mots, « la question des voies et moyens pour redonner à la politique du logement son ambition n'a pas été abordée ». L’USH se réjouit du retour du soutien aux maires bâtisseurs, mais regrette l’absence d’annonces concrètes sur « le soutien au logement locatif social, l'accession sociale à la propriété, la transition environnementale, le renouvellement urbain ». 

L’Unef, principal syndicat étudiant, a également réagi à l’annonce du Premier ministre de créer « 15 000 logements (étudiants) par an pendant trois ans ». « C’est beaucoup trop peu », juge le syndicat étudiant, qui rappelle qu’il chiffre les besoins à 150 000, et qui craint de toute façon un simple « effet d’annonce », rappelant qu’aucune des promesses faites en la matière depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 n’a été tenue. 

Côté syndicats enseignants, l’enthousiasme n’est pas non plus de mise : « Rien sur les suppressions de postes, la revalorisation, le choc des savoirs. Affligeant. », a tweeté la responsable du Snes-FSU, Sophie Vénétitay. 

Les associations militant pour la défense de l’environnement ont aussi vivement critiqué le discours du Premier ministre, qui n’a pas prononcé, en une heure et demie, les mots « d’urgence »  ou de « réchauffement »  climatique, a relevé le Réseau action climat. « Les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, notamment la rénovation performante des logements, la sobriété », n’ont pas été abordés, s’est-elle offusquée. France nature environnement a qualifié ce discours de « désastreux », estimant que le sujet environnemental « a été relégué au rang de question subalterne ». 

En revanche, du côté des agriculteurs – ou en tout cas de la FNSEA –, le ton est plus amène : Arnaud Rousseau, le président du principal syndicat des agriculteurs, s'est réjoui que le Premier ministre partage ses « combats »  notamment « sur les normes, le Mercosur mais aussi sur la gestion de l'eau »  ainsi que de sa position sur « l'excès »  de contrôles et la défense des agriculteurs accusés « injustement de nuire à la nature ». François Bayrou a notamment dénoncé le port d’arme par les agents de l’OFB chargés des contrôles chez les agriculteurs, estimant que ce port d’arme est « une humiliation »  et « une faute ».

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