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Édition du vendredi 6 septembre 2024
Gouvernement

Michel Barnier nommé Premier ministre

Michel Barnier a été nommé Premier ministre hier et a aussitôt pris ses fonctions. Retour sur le parcours et les idées de celui qu'Emmanuel Macron a choisi pour tenter de sortir de la crise politique.

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement.fr

C’est un nom que les maires, et en particulier ceux dont les communes sont soumises à des risques naturels, connaissent forcément : de ses anciennes fonctions ministérielles, dans les années 1990, le nouveau Premier ministre a laissé son nom au Fonds Barnier (de son véritable nom le Fonds de prévention des risques naturels majeurs ou FPRNM). Inventeur du principe « pollueur-payeur »  et auteur de la loi du 2 février 1995 qui a fondé le droit de l’environnement en France, Michel Barnier est indiscutablement préoccupé par les questions environnementales, qu’il a d’ailleurs évoquée dès son discours de passation des pouvoirs, hier. 

Élu local et européen

C’est aussi un bon connaisseur des collectivités et de la vie locale : Michel Barnier (73 ans) a occupé plusieurs fonctions électives locales, même s’il n’a jamais été ni conseiller municipal ni maire. Très jeune, à 22 ans, il est devenu conseiller général de son département de naissance, la Savoie, dont il sera même président pendant 17 années. Il a également été député et sénateur du même département. Enfin, Michel Barnier – qui se définit comme « patriote et européen »  – a occupé de très importantes fonctions au sein des institutions européennes. Député européen, il n’a siégé que six mois avant de devenir vice-président de la Commission européenne et commissaire européen, notamment chargé des politiques régionales. Il a d’ailleurs présidé, entre 1997 et 1999, l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE), présidée aujourd’hui par Philippe Laurent. 

Entre 2016 et 2021, Michel Barnier a également été le « négociateur en chef »  de l’Union européenne pour gérer la sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe.

Fonctions ministérielles

La longue carrière de Michel Barnier l’a conduit à occuper des fonctions ministérielles sous quatre présidents de la République (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et, depuis hier, Emmanuel Macron). 

Il a été ministre de l’Environnement dans le gouvernement Balladur, en 1993, ministre des Affaires européennes d’Alain Juppé en 1995, ministre des Affaires étrangères de Jean-Pierre Raffarin en 2004 et ministre de l’Agriculture et de la Pêche de François Fillon, en 2007. On lui doit, on l’a dit, la loi dite Barnier (loi relative au renforcement de la protection de l’environnement du 2 février 1995), qui a notamment donné naissance à la Commission nationale du débat public, aux plans de prévention des risques naturels (PPRN), au principe pollueur-payeur, au Fonds de prévention des risques naturels majeurs et aux premières mesures organisant la gestion des déchets telle qu’on la connait aujourd’hui. 

Idées politiques

Michel Barnier a été un homme de droite depuis le début de sa carrière politique, engagé très jeune dans les rangs du gaullisme. Contrairement à d’autres personnalités pressenties pour occuper Matignon ces dernières semaines, il n’a jamais quitté le principal parti gaulliste, qu’il s’appelle RPR, UMP ou LR. Michel Barnier se définit comme un « girondin », partisan de la décentralisation et des libertés locales, notamment au sein du gouvernement Raffarin qui, en 2003, a fait inscrire celles-ci dans la Constitution. 

Économiquement libéral, Michel Barnier affiche, politiquement, des opinions conservatrices assumées. Lorsqu’il se porta candidat aux primaires de la droite, en 2021, avec l’ambition d’être le candidat de la droite à la présidentielle de 2022, son programme résumait cette double appartenance libérale et conservatrice : économiquement, il prônait la baisse des charges des entreprises, la fin des 35 heures, la conditionnalité des allocations chômage et le recul de l’âge de la retraite à 65 ans. Politiquement, il demandait alors un « moratoire sur l’immigration », la limitation du regroupement familial ou encore l’interdiction du voile dans l’espace public. 

Ce sont manifestement ces prises de position passées qui ont motivé la décision du Rassemblement national de ne pas rejeter a priori la nomination de Michel Barnier à Matignon. Le nouveau Premier ministre, dès son discours d’intronisation à Matignon, hier, a d’ailleurs pris soin d’évoquer les thèmes que le RN a défini comme des lignes rouges – la sécurité, l’immigration et le pouvoir d’achat. 

Michel Barnier a également voulu montrer hier qu’il se voit comme un Premier ministre de cohabitation et non comme un simple exécutant des décisions d’Emmanuel Macron, à qui il a adressé – tout comme à son prédécesseur Gabriel Attal – quelques piques, déclarant notamment que désormais, « il faudra plus agir que parler ». À Gabriel Attal qui venait de lui réciter une longue litanie de projets de loi que Michel Barnier « trouvera sur son bureau », le nouveau Premier ministre a répondu vertement qu’il avait trouvé ce bureau « plutôt vide »  et qu’il entendait, « si {Gabriel Attal] le permet », apporter « sa propre valeur ajoutée ». 

Il reste maintenant au nouveau locataire de Matignon à composer son gouvernement, qu’Emmanuel Macron a souhaité, dans son communiqué publié hier, être « un gouvernement de rassemblement au service du pays ». Reste à savoir jusqu’où ira ce « rassemblement » : il n’est pas certain qu’il dépasse beaucoup une coalition entre les partis du camp présidentiel (EPR, MoDem et Horizons) et les Républicains, dans la mesure où on voit mal la gauche, en dehors peut-être de quelques initiatives individuelles, participer à un tel gouvernement. Il y a donc de grandes chances que le nouveau gouvernement ne réunisse que des personnalités du bloc macroniste et des LR… comme le précédent, c’est-à-dire comme si les élections n’avaient pas eu lieu. À une différence près – et de taille : les gouvernements de ces dernières années ont certes intégré des poids lourds des LR, comme Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou Rachida Dati, mais il s’agissait de débauchages individuels, aussitôt sanctionnés d’une exclusion des LR. Il n’en ira pas de même pour le prochain gouvernement, puisque la direction des Républicains a finalement accepté le principe d’une coalition gouvernementale avec les macronistes. 

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