Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 16 janvier 2025
Gouvernement

Le gouvernement Bayrou renonce à la suppression de 4 000 postes d'enseignants à la rentrée prochaine

Devant le Sénat hier, François Bayrou a donné quelques précisions sur le nouveau « round » de discussion de la réforme des retraites, apporté quelques chiffres nouveaux (et d'origine indéterminée) sur la transition écologique, et annoncé qu'il « renonçait » à la suppression de 4 000 postes d'enseignants. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© Sénat

C’est sur un mode beaucoup plus détendu et moins solennel qu’à l’Assemblée nationale que le Premier ministre, hier, s’est adressé aux sénateurs. Sans notes et souriant, en une trentaine de minutes contre une heure et demie au Palais-Bourbon, François Bayrou a déroulé les « grandes lignes de (sa) méthode ». Dans une deuxième intervention, après celle des présidents de groupe, il a encore distillé quelques informations. 

Pas de suppression de 4 000 postes d’enseignants

L’information la plus importante distillée hier, pour les élus, est certainement celle qui concerne les écoles. Rappelons que lors de la préparation du budget pour 2025, le prédécesseur de François Bayrou à Matignon, Michel Barnier, avait acté la suppression de 4 000 postes d’enseignants à la rentrée prochaine, dont la grande majorité dans le primaire (3 155 pour le primaire public et 660 pour le primaire privé)  – au nom de la baisse des effectifs d’élèves. Bien des maires, déjà confrontés à une pénurie chronique d’enseignants dans leur territoire, voyaient donc arriver la rentrée prochaine avec angoisse. 

Hier, en réponse à la prise de parole du socialiste Patrick Kanner, François Bayrou a déclaré, en signe de « bonne volonté » : « Je suis prêt à renoncer à la suppression des 4 000 postes dans l’Éducation nationale. »   En ajoutant aussitôt : « Mais nous savons tous que les postes mis au concours ne sont pas pourvus. Il y a un gros travail à faire sur l'attractivité. » 

Il restait une petite ambiguïté après ces propos, « je suis prêt à renoncer »  n’ayant pas tout à fait le même sens que « je renonce à ». Mais ce matin, dans une interview accordée au Parisien, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, se montre plus affirmative : « Oui, nous allons revenir sur la suppression des 4 000 postes prévue initialement. (…) Nous allons stabiliser les effectifs d’enseignants, ce qui, dans le contexte de la baisse démographique, revient à augmenter le taux d’encadrement des élèves. »  La ministre précise que cette décision représentera un coût de « 150 millions d’euros en année pleine ». 

Par ailleurs, à l’aube de cette journée qui sera marquée par une grève nationale des AESH, la ministre confirme « la création de 2 000 postes d’AESH ». 

Écologie : des chiffres peu clairs

Revenons au Sénat où, là encore en réponse à une intervention d'un président de groupe, le Premier ministre a lancé, hier, une série de chiffres sur des sujets intéressant particulièrement les maires. François Bayrou a répondu à une prise de parole particulièrement hostile du sénateur écologique de l’Isère Guillaume Gontard, qui l’avait accusé d’avoir en matière d’écologie « encore moins d’ambition que (ses) prédécesseurs ». « Nous demandions 7 milliards d'euros pour la transition écologique, vous accordez 200 millions », avait tonné Guillaume Gontard, fustigeant, comme bien d’autres, la place fort modeste occupée par la transition écologique dans le discours de politique générale de la veille.

François Bayrou, en réponse, a sorti de son chapeau une série de chiffres sur l’engagement de son gouvernement en matière d’écologie, chiffres dont on n’avait pas eu connaissance jusqu’à présent. « Permettez-moi de vous rappeler mes propositions qui vont dans votre sens », a dit le Premier ministre au sénateur écologiste. Et d’énumérer « les décisions qui ont été prises dans le sens (de la transition écologique) » : « Le Plan eau, c’est plus 475 millions d’engagements, la stabilité des taxes affectées aux Agences de l’eau, la hausse du Fonds Barnier de 75 millions d’euros, le maintien au même niveau du Fonds chaleur, (…). Le Fonds vert, c’est 150 millions d’euros nouveaux qui sont inscrits, pour arriver à 1,2 milliard de crédits de paiement en 2025. Le Plan vélo c’est 50 millions d’euros de plus. » 

Reste qu’il est bien difficile de comprendre ce que représentent ces chiffres. S’agit-il des décisions prises par Michel Barnier ou de décisions nouvelles de François Bayrou qui seront soumises à l’approbation du Parlement ? Ou encore d’un mélange des deux ? Les 75 millions sur le Fonds Barnier semblent faire allusion à une décision prise dès le mois d’octobre par le précédent gouvernement – à moins que François Bayrou ait décidé de rajouter 75 autres millions. Sur le Plan vélo, c’est le grand flou, puisque François Bayrou parle de « 50 millions d’euros de plus », alors que dans le budget Barnier, il était prévu 45 millions … de moins (lire Maire info du 4 novembre). Flou intégral également sur le Fonds vert, puisqu’il est à cette heure impossible de savoir à quoi correspondent les « 150 millions d’euros nouveaux »  dont parle le Premier ministre. Il faut tout de même noter que même s’il s’agit d’une décision nouvelle, il s’agirait non pas de 150 millions « de plus », mais d’une diminution de 150 millions d’euros de la baisse des crédits ! II faut rappeler en effet que le Fonds vert a été divisé par plus de deux. 

On en saura sans doute plus au fil de la discussion budgétaire qui a repris hier au Sénat, et qui va être unique en son genre. En effet, puisque le nouveau gouvernement a choisi de reprendre le texte du gouvernement Barnier en l’état, on aboutit une situation assez ubuesque : dans la liste des amendements qui restent à discuter au Sénat, on retrouve des amendements du gouvernement précédent, mêlés à des amendements du nouveau gouvernement, qu’apparemment les ministres de François Bayrou auront à défendre en même temps. Du jamais vu.  

Retraites : trois hypothèses

Enfin, François Bayrou a clarifié hier le dispositif qu’il entend mettre en place sur la réforme des retraites. Rappelons qu’il a annoncé, mardi, devant les députés, qu’une « conférence sociale »  allait être installée, pour trois mois, lors de laquelle les partenaires sociaux devront discuter de pistes d’amélioration de cette réforme. Il avait indiqué, mardi, que si ceux-ci ne trouvent pas un accord sur une amélioration de cette réforme, la loi actuelle serait appliquée. Il a très légèrement rectifié ce dispositif hier, pour donner un peu de grain à moudre au Parti socialiste qui demandait, dans tous les cas, un retour de cette réforme devant le Parlement. François Bayrou a détaillé les trois scénarios possibles : si au bout de trois mois, les partenaires se sont mis d’accord, un texte sera soumis au Parlement pour réformer la réforme. « Faute d’accord, pas de nouveau texte », a confirmé François Bayrou, qui dit « ne pas croire à cette hypothèse, car tout le monde veut progresser ». Enfin, il a tracé une troisième et nouvelle option : « Si cette conférence débouche sur des accords partiels, nous les reprendrons dans un texte qui sera soumis au Parlement. »  Le Premier ministre a précisé – si l’on peut dire – un peu plus tard ce qu’il entendait par « accords partiels » : il s’agirait d’être « dans une zone d’accord, une zone de progrès, identifiés par les participants et à laquelle le gouvernement aura donné crédit ». 

Il reste à savoir si cette micro-concession suffira à décider les députés socialistes, en tout ou en partie, à ne pas voter, cet après-midi, la motion de censure déposée par La France insoumise. Réponse en fin d’après-midi. 

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