Gouvernement : l'épilogue approche, les équilibres se précisent
Par Franck Lemarc
Si le casting n’est pas encore entièrement certain, les principaux équilibres politiques du gouvernement Barnier ont été dévoilés hier, après plusieurs jours de psychodrame, de claquements de portes et de vraies-fausses menaces, aussi bien dans le camp d’Emmanuel Macron que dans celui des Républicains.
Blocages
Une première mouture de gouvernement avait en effet été présentée en milieu de semaine au président de la République, que celui-ci a refusée. Deux raisons à ce véto : premièrement, la place jugée trop importante donnée aux amis politiques de Michel Barnier. Toute la semaine, arguments et contre-arguments ont été brandis dans les deux camps : côté macronistes, on rappelait que les Républicains ont fait 5 % aux élections législatives et n’ont que 47 députés, soit 8 % de l’hémicycle, et que dans ces conditions il n’est pas raisonnable de se montrer trop gourmands en termes de portefeuilles ministériels. En face, les ténors des LR ont trouvé la parade, en expliquant qu’il faut raisonner non à l’échelle de la seule Assemblée nationale mais de tout le Parlement : en comptant le Sénat, les LR revendiquent d’être « le groupe le plus important » du Parlement.
Le deuxième point de blocage a porté sur le fond : les macronistes, au premier rang desquels l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, désormais chef de file des députés Renaissance, ont exigé de Michel Barnier qu’il clarifie ses positions sur les hausses d’impôts. En effet, ces derniers jours, le nouveau locataire de Matignon a semblé prêt à s’attaquer à ce totem d’Emmanuel Macron – la « stabilité fiscale » –, après avoir pris conscience de la « très grave » situation budgétaire.
Après le refus du chef de l’État de sa première liste au cours d’un entretien apparemment très orageux, la rumeur a couru d’un possible abandon de Michel Barnier et d’une démission qui aurait été, politiquement, une catastrophe pour le chef de l’État.
Grands équilibres
Changement de ton hier, où Michel Barnier a convoqué les protagonistes (LR, Renaissance, MoDem, Horizons et UDI) autour de la table pour une « ultime réunion » lors de laquelle tout a été pardonné. Le Premier ministre a rassuré le camp macroniste en assurant qu’il n’y aurait « pas de hausse d’impôt sur les classes moyennes et les Français qui travaillent », a affirmé hier Gabriel Attal. Dans un communiqué de presse diffusé en fin de journée, Michel Barnier a donné quelques éléments sur la feuille de route de son futur gouvernement et ses priorités : « Améliorer le niveau de vie des Français et le fonctionnement des services publics, particulièrement l’école et la santé ; garantir la sécurité, maîtriser l’immigration et faire progresser l’intégration ; encourager nos entreprises et nos agriculteurs et conforter l’attractivité économique de la France ; maîtriser nos finances publiques et réduire la dette écologique. »
Michel Barnier a également laissé fuiter non pas la composition du gouvernement mais ses équilibres politiques. Le gouvernement comptera 38 portefeuilles – 16 ministres de plein exercice et 22 ministres délégués et secrétaires d’État.
Pour ce qui concerne ces 16 ministres de plein exercice, les ambitions des Républicains ont été très nettement revues à la baisse, puisqu’ils n’obtiennent que trois portefeuilles. Les macronistes (Renaissance, MoDem et Horizons) obtiennent, eux, dix postes de plein exercice, et l’UDI, un. Reste deux portefeuilles, qui iront, selon l’entourage du Premier ministre, à « un divers droite et un divers gauche ».
Selon les informations qui ont été diffusées hier à la fois par Renaissance et par les LR, ces derniers compteraient aussi six ministres délégués et secrétaires d’État. Soit en tout neuf ministres sur 38 – un peu moins d’un quart d’un gouvernement, les reste étant très largement accaparé par le camp macroniste.
Casting encore incertain
Si l’on n’a pas encore de réelle certitude sur le casting, on sait au moins qui n’en fera pas partie : Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, a officiellement annoncé qu’il n’en serait pas, contrairement à ce qu’il avait affirmé ces derniers jours. L’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a expliqué qu’il n’aurait accepté de participer au gouvernement que s’il avait été nommé au ministère de l’Intérieur. Michel Barnier lui a proposé Bercy, ce qu’il a décliné : Laurent Wauquiez, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles pour 2027, ne souhaite visiblement pas occuper un poste qui sera vraisemblablement assimilé, dans les mois à venir, à un « Monsieur Rigueur ».
Il semble également à peu près certain que c’est le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, qui s’installera au ministère de l’Intérieur. Les deux ministres s’occupant du « domaine réservé » du chef de l’État (armées et affaires étrangères) seraient, en toute logique, des proches d’Emmanuel Macron, Jean-Noël Barrot et Sébastien Lecornu.
Les autres noms qui circulent ne sont pas encore officiels : il reste à savoir s’ils ont tous été validés par le chef de l’État, hier soir, et s’ils passeront le cap du contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Pour les LR, un certain nombre de noms ont néanmoins été dévoilés par Laurent Wauquiez lui-même, ce qui confère à cette liste un certain sérieux.
Le député du Bas-Rhin Patrick Hetzel, ancien directeur général de l’enseignement supérieur, a été proposé comme ministre de l’Enseignement supérieur, tandis qu’Annie Genevard, ancienne maire de Morteaux et ancienne présidente de l’Association nationale des élus de la montagne, prendrait le portefeuille de l’Agriculture.
Pour ce qui concerne les ministères délégués et secrétariats d’État, les LR récupéreraient – toujours selon Laurent Wauquiez – la laïcité, les anciens combattants, la famille, le commerce extérieur et l’outre-mer. Il est à noter qu'une partie des députés Renaissance et MoDem s'offusquent de certains noms qui circulent pour occuper des postes ministériels, comme Laurence Garnier ou Patrick Hetzel, du fait de leur participation passée à la Manif pour tous et leur rejet de la constitutionnalisation de l'IVG. Ce qui pourrait conduire à des blocages de dernière minute.
Pour ce qui concerne les futurs ministres macronistes, les choses sont moins sûres – en dehors de Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barrot – et les noms qui circulent relèvent pour l’instant de rumeurs. On ignore notamment qui tiendra les postes particulièrement clés de l’Économie, de l’Éducation nationale, de la Santé et la Transition écologique. Pas plus qu’on a la moindre idée de qui sera chargé du dossier des collectivités territoriales.
Réponse, a promis Michel Barnier, « avant dimanche ». Il restera ensuite à savoir, pour reprendre la boutade du président de l’AMF, David Lisnard, lors de la conférence de presse de l’association mardi dernier, si la durée de vie de ce gouvernement sera supérieure à sa période de gestation.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2