François Bayrou « ouvre des portes », sans convaincre ses interlocuteurs
Par Franck Lemarc
« Dernière station avant la falaise. » Par cette formule prononcée hier, François Bayrou a cherché à dramatiser la situation et à convaincre ses interlocuteurs politiques qu’il n’est plus possible de reculer. Il a promis un gouvernement sans doute « ce week-end », en tout état de cause « avant Noël » … mais avec qui ? Le Premier ministre a réuni dans la journée les responsables des partis représentés à l’Assemblée nationale, hors LFI et RN, et leur a fait « une offre publique de participation au gouvernement », estimant même qu’il revient aux responsables de ces partis de rentrer, eux-mêmes, personnellement, au gouvernement, car « chacun doit prendre ses responsabilités ». « Nous ne réussirons pas si nous ne sommes pas ensemble », a martelé François Bayrou, qui dit souhaiter constituer un gouvernement allant des Républicains à « la gauche démocratique, sociale-démocrate ».
« Reprendre sans suspendre »
Pour ce faire, comme il le fait depuis son arrivée à Matignon, François Bayrou tente de donner des gages à la droite comme à la gauche. À destination de la première, il dit souhaiter que Bruno Retailleau reste au gouvernement comme ministre de l’Intérieur, car il a, depuis son arrivée place Beauvau, « trouvé des solutions qui correspondent à ce que demande l’opinion publique ». Toujours pour rassurer la droite, il assure vouloir « faire des économies », « ne pas augmenter les impôts », et protéger les entreprises, « le seul endroit où se créent les emplois et les richesses ». Et en même temps, pour reprendre le célèbre mantra du président de la République, François Bayrou a assuré à la gauche qu’il souhaite préserver « notre modèle social unique au monde », qu’il n’utilisera pas le 49-3 (sauf en cas de « blocage total sur le budget » ), et surtout qu’il est prêt à ouvrir une conférence de financement sur les retraites – demande récurrente du Parti socialiste. Sur cette question des retraites, « toujours inflammable et enflammée », le Premier ministre a proposé une formule qui a fait flores : « Reprendre sans suspendre ». C’est, peut-on dire, la quintessence du « en même temps » : François Bayrou ne suspendra pas la réforme d’Élisabeth Borne, mais estime qu’il y a des améliorations à trouver à cette réforme, qu’il faut discuter collectivement. Il s’est donc dit prêt « de bonne foi » à écouter les propositions qui seront faites par chacun, lors d’une conférence qui pourrait durer « jusqu’à l’automne ». Ce qui, pour le moins, est la preuve d’un certain optimisme sur la durée de vie du prochain gouvernement.
Impasse
Il semble, à l’heure où nous écrivons, que ces appels du pied ne séduisent ni les uns ni les autres. En sortant de la réunion à Matignon, hier, le dirigeant du Parti socialiste, Olivier Faure, a dit « ne pas avoir trouvé de raisons de ne pas censurer » François Bayrou. La promesse de rouvrir le débat sur les retraites n’a pas convaincu l’écologiste Marine Tondelier, qui juge qu’il s’agit de « promesses pour la Saint-Glinglin ».
À droite, l’enthousiasme n’est pas davantage de mise – Laurent Wauquiez, pour Les Républicains, ne cessant de répéter depuis le début de la semaine que la participation de son parti au gouvernement n’est « pas acquise ». Les LR semblent toujours hostiles à l’idée de participer à un gouvernement où seraient présentes des personnalités de gauche, et Laurent Wauquiez a exigé du Premier ministre, hier, « des moyens de mettre en œuvre ses convictions ». Il a, par ailleurs, demandé aux autres partis présents à cette réunion un « engagement » à ne pas censurer le futur gouvernement « pendant 6 mois », engagement qu’il n’a pas obtenu.
On ne peut que constater, à cette heure, que la perspective d’un gouvernement allant des LR à la gauche s’éloigne de jour en jour, sauf « débauchage » individuel de telle ou telle personnalité. Mais même cette perspective paraît aujourd’hui plus difficile qu’au moment de la constitution du gouvernement Barnier : chat échaudé craint l’eau froide, et il semble que peu de ténors politiques aient envie de monter sur un navire dont la flottabilité apparaît, pour le moins, peu garantie.
La pire des perspectives, pour le nouveau Premier ministre, serait d’échouer à rallier ou l’un ou l’autre des deux camps – à défaut de rallier les deux –, et d’être contraint à composer un gouvernement appuyé uniquement sur le « bloc central » de l’Assemblée, c’est-à-dire le parti macroniste, le MoDem et Horizons. Avec une base qui sera alors encore plus resserrée que celle du gouvernement Barnier, la fragilité d’un tel exécutif serait extrême et sa durée de vie, sans doute, réduite d'autant.
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