Au Sénat, le Premier ministre toujours vague sur la décentralisation
Le Premier ministre a prononcé, hier, devant le Sénat, un discours de politique générale sensiblement différent de celui prononcé devant les députés (lire Maire info d’hier), ce qui n’est pas toujours le cas. Avec au menu quelques précisions sur les intentions du nouveau gouvernement notamment sur le rôle des collectivités en matière de santé. Sur la décentralisation en revanche, bien malin qui pourrait dire ce que le gouvernement prévoit.
Santé : les communes pas évoquées
Le système de santé a « finalement démontré sa robustesse au cours des derniers mois », a affirmé le Premier ministre, à rebours de beaucoup de déclarations récentes insistant sur les fragilités de l’hôpital pendant la crise. Mais il a tracé des pistes « d’amélioration du fonctionnement quotidien des structures », en particulier en « permettant enfin aux collectivités d'être davantage parties prenantes des stratégies d'investissement et d'organisation des soins, tant au niveau des agences régionales de Santé que des établissements eux-mêmes ». Est-ce à dire que le gouvernement souhaite revenir sur les réformes de 2009 et la loi HPST (Hôpital patients santé territoire), qui avait supprimé les conseils d’administration présidés par les maires pour les remplacer par des simples conseils de surveillance ? Il est trop tôt pour le dire. Mais il est à noter que Jean Castex n’a précisément pas parlé des maires et des communes dans le schéma qu’il a commencé à dessiner : c’est aux « régions, départements et intercommunalités » qu’il pense pour « prendre une plus grande part dans la gestion de notre système de santé » et « s’associer aux investissements » avec « une participation accrue à la gouvernance de ce système ». Les mots sont choisis : les intercommunalités, pas les communes.
Impôts de production : la confirmation
Si le Premier ministre s’est gardé d’évoquer l’idée, émise mardi dernier par le chef de l’État, de « retarder de quelques années » la suppression de la taxe d’habitation pour les tranches « les plus aisées », il a en revanche confirmé, au détour d’une phrase, l’intention du gouvernement « d’alléger les impôts de production ». Rappelons que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé la semaine dernière – en sachant que les associations d’élus sont totalement opposées à cette mesure – une baisse importante de la part régionale de la CVAE. Le Premier ministre, hier, a visiblement considéré l’idée comme acquise, puisqu’il a déclaré qu'il ne restait plus qu'à « régler la question (…) de l’impact sur leurs ressources » de cette baisse de la CVAE. Dont acte.
« Deux chantiers majeurs »
Jean Castex a évoqué « deux chantiers majeurs » sur lesquels le rôle des collectivités territoriales sera essentiel : la formation et la transition écologique. Afin de « permettre à ceux de nos concitoyens qui perdent leur emploi d’en retrouver un au plus vite », le gouvernement veut investir 1,5 milliard d’euros dans la formation professionnelle, avec un objectif de « 200 000 places supplémentaires » en 2021. « Qui peut imaginer que nous pourrions construire ce plan sans le concours des régions compétentes au premier chef en la matière ? », a ajouté le chef du gouvernement.
Quant à la transition écologique, elle ne réussira que si elle est « partagée et territorialisée ». Jean Castex a insisté hier sur « la protection des terres agricoles » et le moratoire sur l’installation des nouveaux centres commerciaux. Les « nouvelles règles d’exploitation commerciale » seront décidées « en concertation avec toutes les parties prenantes ».
Conférence des territoires
En matière de « libertés » nouvelles données aux territoires, le Premier ministre ne s’est finalement pas montré plus précis que devant les députés. Il faudra attendre la prochaine Conférence nationale des territoires, après une période de concertation, pour que le gouvernement annonce « clairement (ses) intentions ».
Comme la veille, Jean Castex s’est montré plus disert sur la différenciation et la déconcentration que sur la décentralisation. « Oui, des réponses différentes doivent être apportées à des situations différentes. Dans notre pays construit depuis plus de deux siècles sur l'uniformisation, c'est une révolution », a-t-il affirmé, confirmant qu’un projet de loi spécifique sera présenté rapidement en Conseil des ministres sur ce sujet.
Il a en revanche annoncé qu’un « autre projet de loi » viendra « donner de l’effectivité aux trois principes : différenciation, décentralisation, déconcentration ». Auxquels Jean Castex a ajouté un quatrième : la simplification. Le gouvernement va « aller encore plus loin, encore plus fort dans les démarches de simplification qu’il s’agisse du droit, de la commande publique, des autorisations et de tous les dispositifs qui (…) retardent et contrarient sans cesse la réalisation d’investissements indispensables. »
Au-delà, pas un mot n’a été dit hier sur la décentralisation, en dehors du fait que le Premier ministre va examiner de façon « très attentive et très bienveillante » les 50 propositions émises par le Sénat début juillet. La seule allusion aux compétences des collectivités qui ait été faite hier par Jean Castex concerne le réseau routier : « Doit-on conserver des routes nationales que l'État a bien du mal à entretenir et qu'il ne développe plus ? N'est-il pas temps de conforter les régions dans leur rôle de responsable de toutes les mobilités en envisageant des routes structurantes d'intérêt régional ? »
Différenciation : projet de loi le 29 juillet
Interrogée, au même moment, à l’Assemblée nationale, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, ne s’est pas – c’est peu de le dire – montrée plus précise. Elle a confirmé que le projet de loi qu’elle est en train de déposer va « mettre fin à la logique binaire qui veut qu’on étende forcément à tout le territoire national une expérimentation conçue au départ en fonction d’un territoire. » Il sera présenté « le 29 juillet » en Conseil des ministres. Plus tard, répondant à une autre question d’un député sur la « nouvelle étape de la décentralisation », elle s’est contentée de promettre que cette nouvelle étape sera « matérialisée dans un futur texte ». Dont le gouvernement semble, aujourd’hui, ne pas avoir d’idées précises sur ce qu’il contiendra.
Franck Lemarc
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