Après le second tour, les grandes manoeuvres
Par Franck Lemarc
Comme prévu, le Premier ministre Gabriel Attal a remis sa démission au président de la République hier en fin de matinée. Comme on pouvait s’y attendre, vu le temps que risque de mettre la formation d’un nouveau gouvernement, le chef de l’État l’a refusée, « pour le moment » du moins, demandant à son Premier ministre de rester à la tête du gouvernement « afin d’assurer la stabilité du pays ».
Pendant ce temps, les réunions, négociations et rencontres vont bon train pour tenter d’imaginer une solution à la quadrature du cercle – à savoir la présence dans la nouvelle Assemblée nationale de trois blocs aussi loin de la majorité absolue les uns que les autres.
La gauche tente le cavalier seul
Du côté du Nouveau front populaire (NFP), qui aura le groupe le plus important du Palais-Bourbon avec 182 sièges, on reste ferme sur l’idée d’un gouvernement qui ne serait que de gauche, et on refuse pour l’instant toute idée d’alliance. Les différentes forces qui composent le NFP multiplient les rencontres pour tenter de faire sortir le nom d’un Premier ministre à proposer au chef de l’État. La France insoumise propose Mathilde Panot, Manuel Bompard ou Clémence Guetté ; au Parti socialiste, on parie sur Olivier Faure ou Boris Vallaud. Quant aux écologistes, ils mettent en avant la figure de Marine Tondelier, que l’on a beaucoup vue dans les médias porter la parole du Front populaire dans la campagne.
Si la position officielle du NFP est de refuser toute alliance pour l’instant (« Nous ne serons pas dans les combinaisons », a déclaré hier le socialiste Olivier Faure), des discussions ont tout de même lieu en son sein entre les partisans d’une ligne dure et ceux qui, au nom du « réalisme », estiment nécessaire une ouverture à d’autres forces politiques pour constituer une majorité.
Ce matin, plusieurs responsables du NFP se sont exprimés pour clarifier la position qui semble faire consensus dans ce bloc : constituer des coalitions, oui, mais uniquement à l'Assemblée, pas au gouvernement. Boris Vallaud a ainsi plaidé ce matin pour « un gouvernement de gauche du Nouveau Front populaire qui (aurait) une assise plus large à l'Assemblée ». Une position déjà rejetée par les porte-parole de Renaissance.
Les partis divisés sur la stratégie à adopter
Du côté d’Ensemble, l’ex-majorité présidentielle, les choses sont plus complexes encore et les avis plus contradictoires.
Le MoDem, en la personne de François Bayrou, plaide pour un gouvernement d’union nationale allant de la droite à la gauche, sans LFI et le RN. Dans le parti présidentiel, Renaissance, on plaide pour des alliances, mais chacun en fonction de ses affinités passées. Les ténors du parti venus de la droite (Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou Aurore Bergé) souhaitent une alliance entre Ensemble et Les Républicains. Ce qui, notons-le, ne résoudrait pas tout le problème, puisqu’en additionnant les 168 sièges d’Ensemble, les 45 des Républicains, les 15 divers droite et les 6 divers centre, on n’arrive qu’à un total de 234, encore bien loin des 289 de la majorité absolue.
Mais qu'en pensent les principaux intéressés, à savoir les LR ? Ils apparaissent, eux aussi, divisés. Si certains se disent ouvertement favorables à une coalition avec Ensemble, comme Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, qui enterre purement et simplement Les Républicains, estimant que « la marque LR est morte ». Laurent Wauquiez a également estimé qu’il n’y aurait pour son parti « ni coalition ni compromission ».
Quant aux figures de Renaissance venues de la gauche, comme Clément Beaune ou Sacha Houlié, par exemple, elles poussent à l’inverse pour une coalition NFP-Ensemble – qui, elle, permettrait d’atteindre la majorité absolue. Mais les divergences de vue sont telles sur la plupart des sujets que l’on peine à voir comment cette coalition pourrait se constituer.
La seule chose qui paraisse donc sûre, c’est que « l’entre-deux » sera long, et qu’une solution ne va pas sortir du chapeau par miracle en quelques jours. D’autant que la perspective d’une nouvelle dissolution, dans un an, hante – voire paralyse – bon nombre de responsables politiques, ce que le sénateur LR Roger Karoutchi a clairement exprimé hier : « Si Emmanuel Macron redissout dans un an, tous ceux qui ont été dans un gouvernement dans des conditions pareilles seront balayés. »
Pour l’instant, le gouvernement reste dans les mains de Gabriel Attal, pour un temps indéterminé : aucune disposition constitutionnelle ne l’oblige à quitter le pouvoir tant qu’il n’est pas renversé par l’Assemblée nationale ou remercié par le chef de l’État. Dans l’absolu, il n’est même pas impossible qu’il continue à gouverner jusqu’à la rentrée, si les députés décidaient de procéder à une sorte de « trêve olympique », en s’engageant à ne pas renverser le gouvernement avant septembre… faute de solution alternative.
Les communes, « pôle de stabilité »
Dans ce maelstrom politique parfaitement inédit, l’AMF s’est exprimée hier, par communiqué, pour rappeler que dans ce contexte « chaotique », les communes sont « plus que jamais des pôles de stabilité », et sont « les garantes de la continuité du service public pour tous et partout sur le territoire ». Signé à la fois par le président LR de l’association, David Lisnard, et son premier vice-président délégué, le socialiste André Laignel, le communiqué indique que l’AMF est « plus unie que jamais », et que l’association continuera de faire valoir, quel que soit le gouvernement, « le renforcement de la capacité d’agir des communes », « qui s’est toujours révélé gage d’efficacité et précieuse pour surmonter les crises auxquelles notre pays a fait face ». L’association qui rappelle qu’elle est « unique (…) par sa représentativité, son antériorité et sa reconnaissance d’intérêt public », se tient à la disposition du futur exécutif et de la nouvelle Assemblée « pour donner corps à cette capacité d’agir ».
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