Les délégations de services publics ont besoin de plus de transparence et d'équité, selon la Cour des comptes
Par Lucile Bonnin
Distribution de l’eau, assainissement, traitement des déchets, entretien d’équipements de loisirs, de salles de spectacles, parkings, restauration scolaire, gestion des crèches… Les collectivités – principalement les communes – et leurs groupements « disposent d’une grande faculté de choix de leur mode de gestion » , rappellent en préambule de leur rapport les magistrats de la rue Cambon.
Transparence dans les modes de gestion, maîtrise du prix et qualité du service rendu : la délégation de gestion d’une collectivité à une entreprise privée est un sujet qui préoccupe régulièrement les élus locaux, soucieux de choisir le mode de gestion le mieux adapté aux services publics de la commune par exemple.
La Cour des comptes, pour identifier les bonnes et mauvaises pratiques en la matière, a examiné les constats de « 117 rapports récents de chambres régionales des comptes traitant de délégations de gestion de services publics et mené une enquête nationale auprès des administrations de l’État et des associations de collectivités. »
Ainsi, en matière de gestion déléguée, les magistrats indiquent que la DSP ne doit « pas constituer un "angle mort" de la gestion publique » – ce qui veut dire que la pratique doit être rigoureuse aussi bien du côté de collectivité et que de celui de l’entreprise privée.
Une relation déséquilibrée entre collectivités et entreprises
Selon la Cour des comptes, il est plus que nécessaire d’instaurer « un meilleur équilibre des droits et obligations des entreprises délégataires et des collectivités. »
Les règles du jeu ne sont pas toujours respectées, selon la Cour des comptes. En effet, « la loi impose une mise en concurrence lorsque l’assemblée délibérante a décidé qu’un service public serait géré dans le cadre d’une DSP » . Cependant, les magistrats observent « une assez faible concurrence quel que soit le secteur » : les collectivités reçoivent en moyenne un peu moins de deux offres en réponse à leurs consultations. Par ailleurs, « la durée excessive de certaines délégations, qui peuvent atteindre, après prolongation par avenant, trente, quarante ou cinquante ans, altère le jeu normal de la concurrence », estiment les auteurs. À noter : ces prolongations ne sont pas possibles dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et des déchets.
Les possibilités de choix du mode de gestion et de l’opérateur de la délégation sont donc restreintes et les relations avec les entreprises délégataires « peuvent présenter des déséquilibres au détriment des collectivités » . Par exemple : « les collectivités acceptent souvent d’aider, par des avenants, les entreprises délégataires à faire face à des aléas économiques prévisibles » , comme pendant la crise du covid-19. Mais cette relation fonctionne aujourd’hui à sens unique puisque, comme le dénonce la Cour, « les collectivités bénéficient souvent de manière insuffisante des gains imprévus réalisés par les délégataires ».
Les magistrats conseillent par conséquent aux collectivités d’introduire plus systématiquement dans les contrats « des clauses garantissant un retour financier en leur faveur lorsque le résultat de la délégation dépasse significativement les prévisions initiales ou actualisées. »
Redonner la main à la collectivité
« Les entités locales doivent exercer un contrôle plein et entier, opérationnel et financier, sur leurs délégataires » , peut-on lire dans le rapport. Pour ce faire, les magistrats appellent à faire évoluer le droit sur la question de l’accès aux données par la collectivité pendant l’exploitation de la délégation, pour davantage de transparence. Ils proposent aussi de passer de six à dix-huit mois le délai minimal légal pour la transmission de la DSP.
De même, concernant la qualité du service produit par l’entreprise délégataire, elle « gagnerait à être mieux évaluée » . Plusieurs recommandations sont formulées en ce sens : prévoir et appliquer des pénalités si les objectifs ne sont atteints par l’entreprise ; suivre les biens revenant à la collectivité ou bien à l’entreprise au terme de la délégation ; prévoir dès le contrat initial les conséquences d’une résiliation anticipée de la délégation et sécuriser le fonctionnement du service jusqu’au terme de la délégation et la transmission des informations nécessaires à la continuité du service.
Enfin, pour assurer un suivi de la qualité de service, les collectivités s’appuient régulièrement sur les usagers du service qui participent par la voie d’enquêtes de satisfaction. Certaines collectivités ont même intégré des représentants des usagers au sein de commissions spécifiques de leurs délégations de service public, ce qui est, selon la Cour des comptes, une bonne pratique et constitue « une étape supplémentaire » pour que les collectivités puissent continuer de faire vivre un service public de qualité et ce même lorsque ce dernier est en DSP.
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