Annonce des décès : un rapport interroge le rôle des maires et prône davantage de formation
Élisabeth Pelsez, déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, a rendu vendredi 25 octobre à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, son rapport sur les pistes permettant d’améliorer « l’annonce des décès » aux proches de victimes – qu’il s’agisse d’accidents, de catastrophes naturelles ou de terrorisme. Dans ce rapport, la question de l’intervention des maires est plusieurs fois évoquée, avec un rappel utile : les seuls textes réglementaires donnant obligation aux maires d’annoncer les décès aux proches concernent uniquement les accidents de la route.
Qu’il s’agisse des attentats qui ont marqué le pays ces dernières années, d’inondations meurtrières, d’accidents du type de celui de Millas en décembre 2017(six enfants tués) ; ou encore des accidents plus quotidiens, mais non moins dramatiques pour les proches, comme ceux de la circulation, la question de l’annonce du décès aux proches est toujours aussi complexe. Les retours d’expérience, notamment après les attentats de novembre 2015 (Bataclan et terrasses parisiennes) ou de juillet 2016 (Nice) ont fait apparaître certaines carences – les proches des victimes dénonçant des annonces brutales voire « inhumaines ». Au-delà, des questions telles que la restitution des corps aux proches ou de leurs effets personnels restent problématiques. Témoin, cette sœur d’une victime du Bataclan convoquée à l’Institut médico-légal et qui raconte avoir dû rentrer chez elle, en bus, avec « le bidon contenant les habits de son frère, déchiquetés par les balles ».
Le rôle des maires
Pour les travaux préliminaires à ce rapport, l’AMF a été auditionnée, ainsi que plusieurs maires, à titre individuel, expliquant, comme Gérard Fillon, président de l’association des maires de la Meuse, que « dans la belle et passionnante fonction de maire, il n’est pas de moment plus difficile que celui de devoir annoncer un décès aux proches du défunt ». Tous les maires le savent : ce sont eux qui sont sollicités – parfois en pleine nuit – pour aller par exemple annoncer à des parents que leur enfant est mort dans un accident de la route.
Pourtant, souligne le rapport, cela ne fait l’objet d’aucune obligation : « Il est souvent considéré, à tort, que la responsabilité d’annoncer un décès incombe au maire de la commune, peut-être parce qu’il est à la fois OPJ et officier d’état civil. » Pourtant, cette obligation n’existe que pour les accidents de la route, selon deux circulaires de 1963 et 1965, rappelées à l’occasion d’une question d’un sénateur en 1992. En cas d’accident de la circulation, rappelait le ministère de l’Intérieur cette année-là, « lorsqu'il y a décès, le maire territorialement compétent prévenu par le service de police ayant constaté l'accident doit aviser son collègue du domicile de la victime et c'est à ce dernier qu'il appartient de prévenir la famille ».
Pour ce qui est des décès dans les établissements de soin, « aucun texte légal ou réglementaire ne traite spécifiquement de l’annonce des décès », souligne le rapport. Pour ce qui est du terrorisme, les textes sont également flous. Un guide publié par les services de l’État en 2018 parle uniquement d’une annonce « par le représentant de l’État », sans qu’il soit clairement précisé s’il s’agit du préfet, du maire ou du magistrat chargé d’encadrer l’identification des victimes.
La première proposition émise par l’auteure du rapport est donc claire : il paraît nécessaire que les ministères concernés « élaborent un cadre réglementaire sur l’autorité ou les autorités en charge d’annoncer les décès ».
Identifier les bonnes pratiques
Les experts auditionnés par la mission sont formels en affirmant que les conditions de l’annonce du décès – tout comme la façon dont est géré « l’après » – sont cruciales dans la possibilité, pour les proches des victimes, de se reconstruire. La mère d'une victime de l'attentat de Nice, interrogée dans le cadre du rapport, parle ainsi du sentiment ressenti d’un enfant « tué deux fois », une fois au moment de l’assassinat et une deuxième fois au moment de l’annonce. Une enquête diligentée par l’association Aide aux parents de victimes souligne que « plus de la moitié des familles a perçu l’annonce du décès de leur enfant comme empreinte de froideur, de maladresse, de gêne », voire « de légèreté ». Le lieu de l’annonce, la personne qui s’en charge, son attitude, sont autant de points essentiels.
La rapporteure suggère donc de rechercher les « initiatives locales » les plus pertinentes et de faire circuler les bonnes pratiques, afin de mieux former les acteurs. Elle relève que dans la Meuse, le président de l’association départementale des maires, Gérard Fillon a par exemple initié un partenariat avec une association d’aide aux victimes « pour améliorer les conditions des annonces et envisager des formations communes ». Il semble intéressant de s’appuyer dans ce domaine sur les Comités locaux d’aide aux victimes institués par la circulaire du 22 mai 2018. Le rapport préconise en outre que les ministères concernés et l’Association des maires de France travaillent de concert pour « développer à l’échelle nationale des outils pédagogiques opérationnels pour les intervenants et leurs familles ».
Plus généralement, il est recommandé dans le rapport de créer une « formation globale » (formation initiale, continue, cours en ligne sur internet…), qui pourrait s’adresser aussi bien aux professionnels (policiers, gendarmes, pompiers, médecins) qu’aux élus. En effet, comme le conclut avec bon sens la rapporteure, « il apparaît essentiel de ne pas faire reposer les annonces de décès sur l’intelligence du cœur et la sensibilité individuelle, mais sur des formations apportant des connaissances adaptées ».
F.L.
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