François Bayrou, Premier ministre
Par Franck Lemarc
Après plusieurs jours de tergiversations, Emmanuel Macron a annoncé la nomination du maire de Pau et fondateur du MoDem, François Bayrou, pour remplacer Michel Barnier à Matignon. Alors que, en début de matinée vendredi, « l’hypothèse Bayrou » semblait s’éloigner, la situation s’est retournée peu avant 13 heures. Si l’on en croit les proches du nouveau Premier ministre, Emmanuel Macron avait convoqué François Bayrou à l’Élysée pour lui annoncer qu’il ne serait pas nommé, lui préférant Sébastien Lecornu, avant que le maire de Pau ne réussisse à le faire changer d’avis : s’il n’était pas nommé Premier ministre, le président de la République, déjà affaibli, risquait de perdre le soutien du MoDem au Parlement.
Longue carrière politique
François Bayrou, 73 ans, agrégé de lettres classiques, a occupé à peu près tous les postes électifs possibles à l’exception de celui de sénateur. Il a été par trois fois député des Pyrénées-Atlantiques, conseiller départemental de ce département pendant 25 ans et président pendant 8, député européen entre 1999 et 2002, maire de Pau et président de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées (depuis 2014). Ce lundi 16 décembre, son entourage fait d'ailleurs savoir qu'il ne compte pas démissionner de ses fonctions de maire de Pau malgré sa nomination à Matignon, et présidera dès ce soir le conseil municipal.
Il a également été ministre de l’Éducation nationale sous les gouvernements Balladur et Juppé entre 1993 et 1997, et très brièvement Garde des sceaux juste après la première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, avant d’être contraint à la démission par les démêlés judiciaires de son parti.
François Bayrou a également été trois fois candidat à l’élection présidentielle, incarnant le centre-droit contre une droite plus dure défendue notamment par Nicolas Sarkozy – appelant à voter pour la socialiste Ségolène Royal au second tour de l’élection présidentielle de 2007, puis pour François Hollande en 2012, ce qui lui vaut quelques solides inimitiés du côté des LR.
En 2017, François Bayrou s’est rallié à Emmanuel Macron et a renoncé à se présenter à l’élection présidentielle pour soutenir celui-ci. Il est, depuis, un soutien constant du président de la République, qui l’a nommé Haut-Commissaire au Plan en septembre 2020.
Le maire de Pau, ces derniers mois, avait préféré se tenir à l’écart des gouvernements successifs, ne partageant pas le choix fait par le chef de l’État de déplacer le curseur de sa politique vers la droite.
Équation insoluble
François Bayrou va maintenant avoir la lourde tâche de composer un gouvernement qui ne soit pas condamné à subir le même sort que celui de Michel Barnier – ce qu’il a lui-même appelé, lors de sa nomination, « un Himalaya de difficultés ».
Il s’est déjà clairement démarqué du chef de l’État dans cette tâche : en effet, celui-ci avait convoqué, la semaine dernière, les chefs de partis tous ensembles (à l’exception du RN et de LFI), pour tenter de les faire dialoguer sur une sorte de pacte de non-agression. Il avait ensuite annoncé que son futur Premier ministre serait chargé de poursuivre cette tâche, sous le même format. François Bayrou n’a pas suivi cette consigne, préférant, dès aujourd’hui, recevoir les responsables de parti en tête à tête, en commençant par Marine Le Pen, en tant que présidente du principal groupe de l’Assemblée nationale.
Tout l’enjeu est de savoir si François Bayrou réussira à élargir les soutiens politiques du gouvernement ou s’il ne pourra que reproduire la situation du gouvernement Barnier, uniquement soutenu par le « bloc central » à l’Assemblée nationale et Les Républicains, et donc à la merci d’une motion de censure NFP-RN.
Autrement dit, François Bayrou va tenter de rallier tout ou partie du Parti socialiste à son gouvernement, comme il en avait d’ailleurs déjà exprimé le vœu l’été dernier, où il évoquait la nécessité d’un gouvernement « large et central avec des femmes et des hommes (…) réformistes, de gauche, du centre et de droite, républicains, hors extrêmes ». Il est peu probable qu’il y parvienne, pour ce qui est de la composition du gouvernement : le PS a d’ores et déjà annoncé que tout membre qui rejoindrait le gouvernement serait exclu. En revanche, il n’est pas totalement inimaginable qu’une partie de la gauche puisse accepter une forme de soutien sans participation, ou en tout cas d’engagement de « non-censure », à condition que le nouveau Premier ministre accepte de porter des réformes souhaitées par le NFP.
Contrairement à Michel Barnier, François Bayrou, par ailleurs, n’est pas assuré du soutien automatique des Républicains. Outre « l’énorme passif » entre lui et le parti, selon l’expression de Jean-François Copé ce week-end, dû au refus de François Bayrou de soutenir Nicolas Sarkozy, les LR ont mis comme « préalable » à tout soutien le maintien de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur … et le refus de céder aux exigences du NFP.
On voit donc assez mal, ce matin, ce qui peut laisser entrevoir l’espoir d’un déblocage de la situation politique. Il va bien falloir, pourtant, nommer un gouvernement qui puisse être en mesure de présenter, début 2025, un projet de budget. En attendant, dès aujourd’hui, les députés vont examiner le projet de loi spéciale permettant au moins à l’État, au 1er janvier, de percevoir l’impôt et de débloquer, par décret, les crédits permettant aux administrations de fonctionner.
Il n’est pas impossible, par ailleurs, que les dramatiques événements de Mayotte retardent quelque peu la nomination du gouvernement, néanmoins espérée « avant Noël ».
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