Un rapport prône une « réforme profonde » du dispositif de formation des élus
« Moins de 3 % des élus locaux suivent annuellement au moins une formation. » C’est le constat sévère dressé par l’Inspection générale de l’administration (Iga) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans un rapport sur la formation des élus locaux rendu au gouvernement la semaine dernière. Le rapport pointe les défauts d’un système actuel jugé « inefficace », propice aux « dérives », et – ce qui est le plus préoccupant – dont la soutenabilité financière n’est permise aujourd’hui que par le très faible taux de recours des élus.
Rappelons que l’article 105 de la loi Engagement et proximité prévoit une ordonnance, que le gouvernement devra prendre d’ici au mois de septembre, pour « permettre aux élus locaux de bénéficier de droits individuels à la formation professionnelle tout au long de la vie » et « faciliter l’accès des élus locaux à la formation tout particulièrement lors de leur premier mandat ». C’est dans le cadre de la préparation de cette réforme qu’une mission d’audit a été confiée à l’Iga et à l’Igas – mission dont ce rapport livre les conclusions.
Nombreuses « dérives »
Le système de formation des élus s’appuie aujourd’hui sur deux dispositifs : d’une part, le financement des formations par les collectivités elles-mêmes, qui doivent budgéter annuellement au moins 2 % du montant des indemnités dues aux élus ; et d’autre part, le Difé (droit individuel à la formation des élus), alimenté par les élus eux-mêmes à hauteur de 1 % de leurs indemnités. Ce fonds prévu pour le Difé, géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), donne droit en théorie à 20 h de formation par an et par élu – ces formations n’étant pas forcément liées au mandat, mais pouvant également servir à faciliter la reconversion professionnelle des élus.
Ni l’un ni l’autre de ces dispositifs ne fonctionne correctement, selon le rapport. Les collectivités, qui devraient en théorie consacrer 64 millions d’euros par an à la formation, n’y consacrent pas la moitié. « Plus de 60 % des communes n’ont exécuté aucune dépense de formation en 2018. » Quant au Difé, il ne fonctionne pas mieux : « Seuls 6 500 élus ont obtenu la validation d’une demande de formation » dans ce cadre, de janvier à octobre 2019.
Les rapporteurs ne prennent pas de gants pour critiquer un certain nombre d’organismes de formation privés au fonctionnement « peu transparent ». Si la qualité des formations dispensées par les associations d’élus (associations départementales de maires notamment) est « reconnue », il n’en va pas de même de celle de certains organismes dont il n’est possible de garantir « ni la qualité ni la probité ». Les rapporteurs dénoncent en particulier « des sommes exorbitantes » parfois demandées aux élus, pouvant aller jusqu’à « 480 euros de l’heure » (alors que le tarif moyen des formations dispensées par les associations départementales de maires est de 94 euros de l’heure). Parmi les autres « dérives » soulignées : « Plus de 40 % des dépenses du Difé [en 2019] ont été concentrées par deux organismes dirigés par une même personne (…). Des organismes agréés (…) jouent un rôle de paravent pour des sociétés qui n’ont pas obtenu l’agrément… ».
Par ailleurs, les rapporteurs soulignent que la Caisse des dépôts a été « débordée » par la gestion du Difé, ce qui a occasionné un service « dégradé », « malgré la mobilisation de ressources croissantes dont le coût représentera en 2019 jusqu’à 16 % des recettes de l’année ».
Fusion des dispositifs
Ce constat étant dressé, les rapporteurs émettent un certain nombre de propositions pour « une réforme profonde du système », afin de former davantage d’élus, de « garantir des formations de qualité au juste prix par des organismes sérieux », et avec l’objectif « d’impliquer fortement les collectivités dans le pilotage du dispositif ».
L’idée essentielle contenue dans ce rapport est de fusionner « l’ensemble des droits à la formation acquis » par les élus locaux dans un compte unique, le « compte de formation de l’élu local » (CFEL). Ce compte financerait « uniquement les formations à l’exercice du mandat ». Pour celles qui touchent à la réinsertion professionnelle, les élus pourraient « transférer les droits non consommés du CFEL vers leur compte personnel de formation » (CPF) – mais ceci ne s’applique qu’aux élus fonctionnaires ou salariés du privé.
Pour financer le dispositif, les rapporteurs prônent la création d’un Fonds national de la formation des élus locaux (FNFEL), où seraient là aussi fusionnées les deux formes de financement actuel (crédit formation des collectivités et cotisations personnelles des élus). Il est également proposé de rendre l’accès à la formation « plus simple et plus transparent » avec la mise en place d’une plate-forme numérique de gestion. Et de diminuer fortement les coûts par le plafonnement du coût horaire par élu.
Côté gouvernance, les rapporteurs proposent d’abord de supprimer l’agrément des organismes de formation et de le « remplacer par la procédure d’enregistrement (…) prévue par le Code du travail ». Une « commission consultative de la formation des élus locaux » (CCFEL), « composée majoritairement d’élus », afin que les élus « disposent d’un droit de regard » sur la régulation du système, remplacerait le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) et la commission consultative du Difé. Par ailleurs, il est proposé la création d’une instance de gouvernance du fonds national, là encore « composée majoritairement d’élus », appelée à se prononcer « tant sur la gestion du fonds que sur le périmètre des formations éligibles ».
Le gouvernement annonce qu’il va maintenant « consulter l’ensemble des acteurs pour co-construire cette réforme ». Dans l’immédiat, et sur la base de ce rapport, il va « prendre des mesures à court terme » afin d’ouvrir le droit individuel à la formation aux élus « dès le renouvellement municipal de mars 2020 ». Et promet « d’assurer la soutenabilité financière du dispositif », sans donner plus de précisions.
Franck Lemarc
Suivez Maire info sur twitter : @Maireinfo2
Coronavirus : le Premier ministre appelle les maires à « la vigilance »