Au Sénat, un texte qui vise à ouvrir des réductions d'impôt pour les dons privés aux communes forestières
Par Franck Lemarc
Entre désengagement de l’État dans l’Office national des forêts, d’une part, et événements dégradant les forêts (incendies et crise des scolytes), les forêts sont en danger. C’est le constat que partagent aussi bien les sénateurs auteurs de cette proposition de loi que la Fédération nationale des communes forestières. Le texte vise à encourager des financements particuliers et privés dans ce domaine.
Besoin de financement
Rappelons que les collectivités sont propriétaires d’environ 15 % des forêts françaises (2,8 millions d’hectares sur 17 millions). Leur gestion est assurée à travers le « régime forestier » et elle est confiée à l’ONF. Pour le financer, les communes versent à l’ONF entre 10 et 12 % du produit de la vente du bois (versement qui a représenté quelque 27 millions d’euros en 2022), et l’État complète sous forme d’un « versement compensateur » (148 millions d’euros dans le PLF pour 2023).
Selon le Sénat, il reste à la charge des communes et intercommunalités environ 110 millions d’euros par an pour l’entretien des forêts. Et les catastrophes qui touchent ce milieu (incendies et scolytes) provoquent une double peine : elles augmentent les dépenses d’entretien et diminuent, en même temps, les possibilités de recettes des communes, puisqu’elles détruisent des essences.
Il existe donc, de façon certaine – comme l’ont montré les Assises de la Forêt et du bois en mars dernier – un besoin de financement complémentaire pour les communes forestières.
Le dispositif prévu
Reste à savoir d’où il doit venir : de financements privés, ou de l’État ?
Cela a été, hier, tout l’enjeu de la discussion qui a débuté au Sénat sur la proposition de loi présentée par la sénatrice de l’Aube (Les Indépendants) Vanina Paoli-Gagin. Le texte vise à instaurer une réduction d’impôt pour les dons faits par des particuliers ou des entreprises au profit des communes, mais aussi « des syndicats intercommunaux de gestion forestière, des syndicats mixtes de gestion forestière et de groupements syndicaux forestiers », lorsque ces dons sont « destinés à l’entretien, au renouvellement ou à la reconstitution de bois et forêts présentant des garanties de gestion durable ». Ces dons pourraient aussi concerner « les acquisitions de bois et forêts » dès lors qu’il s’agit de leur assurer une gestion durable, c’est-à-dire de les intégrer à une réserve biologique.
La réduction d’impôt ne pourrait être effective pour les dons finançant des activités lucratives.
Le texte initial de la sénatrice prévoyait également l’attribution d’un label pour les entreprises qui font des dons aux communes forestières, mais cette disposition a été supprimée par la commission des lois.
« Mécénat » contre « libéralisme »
En séance, hier, deux tendances se sont clairement opposées. D’un côté, les partisans du dispositif, dont son auteure qui a dit « l’enthousiasme des maires auditionnés » à ce propos. Au nombre des défenseurs du texte, le sénateur Vincent Segouin (LR), qui estime que celui-ci « va dans le bon sens » et « tombe à point nommé », puisque les fonds apportés par les donateurs pourraient « permettre aux communes de récupérer des forêts laissées à l'abandon, de financer des actions d'entretien, de reconstitution ou de renouvellement ; la prévention et la lutte contre les incendies pourront aussi être renforcées ». Il ne s’agit « en aucun cas », a précisé le sénateur, « d’une privatisation rampante de la forêt ».
Ce n’est pas l’avis du groupe écologiste, dont les orateurs ont estimé que « le désarmement fiscal n’est pas une réponse satisfaisante », et ont fustigé les « 5 000 postes supprimés » à l’ONF en vingt ans. « En 2025, l’ONF comptera 8 000 agents, deux fois moins qu’en 1986 », a dénoncé Thierry Gozic.
Le communiste Pascal Salvodelli est allé dans le même sens, en parlant d’un proposition de loi « répondant à une idéologie libérale ». « Vous créez une niche fiscale », a-t-il plaidé, alors que les communes forestières « pâtissent surtout de la baisse de la DGF ». « Pour sauver les forêts, il faut l’aide de l’État ! ».
Les sénateurs socialistes, enfin, se sont placés au milieu de ce débat, en annonçant qu’ils voteraient le texte, avec des réserves sur les baisses de crédits alloués à l’ONF : « Notre groupe est favorable au mécénat des particuliers et des entreprises, à condition que l'État n'en profite pas pour se désengager. »
Pour le gouvernement, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré que l’exécutif accueillait ce texte avec « bienveillance » et que le dispositif « répond à des attentes légitimes ». Sans totalement soutenir la proposition de loi, toutefois : le gouvernement « s’en remettra à la sagesse du Sénat ».
Accéder au texte de la commission.
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