Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 juin 2022
Fonds européens

De plus en plus de voix s'élèvent contre le risque de voir les fonds de cohésion amputés

L'association Régions de France a communiqué officiellement hier, par voie de communiqué, sur ses craintes de voir la Commission européenne puiser dans les fonds de cohésion pour financer sa politique énergétique. Explications. 

Par Franck Lemarc

Le 18 mai dernier, la Commission européenne a présenté la nouvelle mouture de son plan « REPowerEU »  dont l’objectif est de diminuer drastiquement la dépendance de l’Europe aux hydrocarbures russes, avec un cap fixé : « Supprimer notre dépendance au gaz russe d’ici 2030 », ce qui paraît fort ambitieux dans la mesure où la Russie assure aujourd’hui 45 % des importations de gaz aux 27. 

Transferts volontaires

Pour permettre d’atteindre cet objectif, la Commission s’est dit prête à mettre des sommes colossales sur la table pour aider les États membres à améliorer leur efficacité énergétique et à développer les énergies renouvelables : on parle de 200 à 300 milliards d’euros. Toute la question étant de savoir où la Commission va trouver cet argent. 

Une partie de la réponse se trouve dans la fin de la dépendance au gaz russe elle-même, puisque celle-ci représenterait à terme une économie de quelque 100 milliards d’euros par an pour les 27. Mais cela ne suffira pas. La Commission a donc proposé une autre piste : permettre aux États membres de prélever une partie des sommes qu’ils versent aux grands programmes européens (programme de cohésion et Feader notamment) pour les consacrer au financement de REPowerEU. Avec, par exemple, une autorisation qui serait donnée de prélever jusqu’à 12,5 % des fonds auparavant consacrés au Feader vers le programme REPowerEU. 

Dès l’annonce de ce plan, Maire info posait la question du risque que faisait courir cette décision pour les collectivités territoriales, dont nombre d’investissements sont cofinancés par le Feader. Depuis, la même question est posée par plusieurs structures et associations. 

Cohésion « en péril »  pour REGI

C’est le cas par exemple de la Commission du développement régional (REGI) du Parlement européen, qui a réagi fin mai en s’opposant frontalement à cette augmentation des possibilités de transferts (un transfert de 5 % était déjà prévu, avant d’être fixé à 12,5 %) : « Prendre les ressources des régions pour les apporter sans condition aux États met en péril la cohésion dans l’ensemble de l’Union et est contraire aux objectifs mêmes des traités », écrivaient les députés européens membres de la commission REGI dans un communiqué. Ajoutant : « La question des transferts a déjà été négociée et clôturée. La possibilité déjà existante de transferts de 5% représente une contribution suffisante de la politique de cohésion aux objectifs de REPowerEU, d'autant plus que la position initiale du Parlement européen était de rejeter tout transfert. » 

Même réaction de l’association Régions de France, dont les responsables, Carole Delga et Renaud Muselier, ont écrit un courrier au président de la République, le 20 mai, pour protester avec les mêmes arguments que la commission REGI. Régions de France n’a pas rendu ce courrier public, mais nos confrères de Localtis en ont obtenu copie et en citent de larges extraits : « Des garde-fous doivent être posés pour éviter la tentation de démunir la politique de cohésion d’une part importante de son budget au profit d’instruments centralisés négociés directement par les États membres », écrivent les présidents des régions Occitanie et PACA. 

Tentation de recentralisation ?

La tentation de transférer des fonds des programmes de cohésion vers les États « existait bel et bien avant le plan REPowerEU, et il ne faudrait pas que ce dernier lui serve de cheval de Troie »  poursuivent-ils, en rappelant que la politique de cohésion doit « conserver son caractère territorial, qui permet de la mettre en œuvre dans le cadre d’un partenariat local renforcé, gage d’efficacité, [d’autant plus que] la situation dans laquelle nous place la guerre en Ukraine renforce les inégalités sociales et territoriales entre régions d’Europe, et rend plus que jamais nécessaire une politique de cohésion active ». 

Y aurait-il donc, à l’échelle de l’Europe, une tentation de « recentralisation »  du même ordre que celle que les associations d’élus déplorent à l’échelle de la France ? Régions de France semble le craindre, et appelle le président de la République – dans la mesure où ces transferts ne seraient que volontaires – à les refuser. 

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