Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 juin 2022
Restauration scolaire

Agores : « prudence » avant de remplacer le plastique par la cellulose dans les cantines

La loi Egalim a imposé aux collectivités une série de contraintes nouvelles pour les cantines scolaires, vertueuses sur le papier, mais très complexes à mettre en oeuvre. L'interdiction des contenants plastiques n'est pas la moindre, alors que l'usage des barquettes en cellulose, vue alors comme une bonne solution, apparaît « remis en cause » selon Agores.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

Alors qu’il ne reste plus que deux ans et demi avant l’interdiction totale des contenants plastiques dans les cantines scolaires (sauf pour les communes de moins de 2 000 habitants qui ont jusqu’au 1er janvier 2028 (lire Maire info du 5 novembre 2018), les solutions de remplacement qui s’offrent aux collectivités restent parcellaires et complexes à mettre en œuvre.

C’est ce qui rend précieux le deuxième tome du livre blanc sur le sujet édité par Agores, l’association des collectivités gestionnaires de restauration collective, qui offre un retour très détaillé des différentes expérimentations mises en œuvre par les adhérents membres du groupe de travail ad hoc. Il tient compte également de la nouvelle interdiction, depuis le 1er janvier dernier, de la vaisselle plastique non réutilisable pour le portage des repas à domicile (à destination, en général, des personnes âgées isolées).

Comme la première édition, sortie en 2019, il est répété dans le document qu’il n’existe pas de « solution unique »  ou facile, d’autant que l’alternative représentée par les barquettes en cellulose, qui représentait une « perspective rassurante et rapidement opérationnelle »  au moment du vote de la loi Egalim, en 2018, est aujourd’hui « remise en cause »  pour Agores.

Prudence sur la cellulose

Ces barquettes, fabriquées – mais pas toujours à 100 % – à partir de cellulose de bois, font partie de la catégorie des « bioplastiques », ou « plastiques biosourcés », fabriqués non à partir de pétrole, mais de matières végétales ou animales.

Mais, comme le rappelle Agores, leur nature fait toujours « débat », notamment sur le plan juridique : sont-elles ou non à ranger dans la catégorie des plastiques, et si oui des plastiques à usage unique, explicitement visés par Egalim ? En outre, certaines études « considèrent que les barquettes en cellulose présentent les mêmes types de risques que les barquettes en plastique », comme une contamination des aliments par des additifs et d’autres substances indésirables pour la santé, d’autant que la composition des barquettes peut varier fortement, et inclure des films plastiques ou des « éléments texturants »  d’origine pétrochimique.

Agores précise que « les recherches sur ces nouveaux matériaux biosourcés ne sont encore qu’à leur début », et que le Conseil national de l’alimentation « recommande toute la prudence »  à leur égard.

En l’état actuel des choses, les barquettes en cellulose sont donc jugées comme une « étape transitoire »  au mieux, presque inévitable, cependant, pour les grosses cuisines centrales. Les auteurs du livre blanc enjoignent l’État à s’emparer de la question, notamment sur le plan juridique, « pour clarifier ce sujet et sécuriser nos investissements futurs ».

D’ici là, affirment-ils, « le changement devrait de préférence s’opérer vers des matériaux durables et réutilisables », à savoir le verre et l’inox, « seuls matériaux »  présentant actuellement des garanties suffisantes.

Des expérimentations pointues sur l’inox et le verre

Mais ils présentent aussi des défauts qui ont poussé les collectivités autrices du livre blanc à tester, en collaboration avec les industriels, des prototypes pour tenter de les résoudre.

Par exemple, pour le service en liaison froide – les plats sont préparés en cuisine centrale et réchauffés dans les cantines –, l’emploi de bacs inox, plus lourds que le plastique, mais moins que le verre, augmente les risques de santé (troubles musculo-squelettiques) pour les agents qui doivent les manipuler, alors qu’il « n’existe pas encore de solutions d’automatisation des taches les plus impactantes en termes de port de charge », et pas toujours « d’outils d’aide à la manutention ».

Mais ce n’est pas tout : il faut aussi plus de place, notamment pour le refroidissement et le stockage des plats prêts à être livrés ; le temps pour le refroidissement et le réchauffement est souvent plus long, tout comme le conditionnement, car contrairement aux barquettes, qui peuvent être simplement recouvertes d’un film plastique, il n’existe pas encore de solution automatisée pour les bacs inox, et la fermeture manuelle des couvercles « nécessite une forte pression, ce qui augmente la pénibilité pour les agents », soumis également au risque de brûlures lors du réchauffement et du service des bacs.

Les plats sont en outre plus difficiles à identifier sous leurs couvercles opaques et donc à répartir sur les livraisons, qui nécessitent plus de camions en raison du poids ou de la taille supplémentaire des bacs. Tout une partie du livre blanc est d’ailleurs consacrée à la réorganisation de la logistique, avec l’adaptation nécessaire de la flotte de véhicules pour organiser la livraison mais aussi le retour des bacs sales aux cuisines centrales, en limitant l’impact environnemental de ces trajets supplémentaires.

Lavage

Il y a enfin la question centrale du lavage, qui représente aussi une surcharge de travail et de place nécessaire. Des solutions de « laveries externalisées »  ou mutualisées entre collectivités sont encore à développer, selon les besoins particuliers des uns et des autres.

Certaines collectivités enregistrent aussi des gains, outre les progrès sanitaires et environnementaux attendus de l’abandon du plastique, comme à Angers où le goût et l’aspect des plats s’est amélioré, permettant de réduire le gaspillage alimentaire. À Millau, où la transition est en cours, on a constaté un surcroît de travail pour les agents, mais on prévoit en contrepartie « un gain financier non négligeable sur trois ans »  – la mairie prévoit une économie de 22 %, en comptant le salaire d’un agent recruté en renfort pour la plonge. À Morlaix, où la transition est achevée, l’impact financier est neutre, grâce à un étalement progressif sur six ans.

Le livre blanc présente également les avantages et inconvénient du verre, et les défis spécifiques au portage à domicile.

Dans sa dernière partie, il propose une recension de tous les outils de veille juridique, technique et scientifique, des possibilités d’accompagnement privé ou public et des subventions disponibles. Avec un rendez-vous donné pour un « troisième acte », qui pourra enfin proposer des processus « consolidés »  et faire un dernier point sur les avancées techniques disponibles.

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