Un rapport d'experts propose vingt-neuf pistes pour renforcer la négociation collectiveÂ
Six mois après avoir été missionnés par le gouvernement pour réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour « renforcer la négociation collective dans la fonction publique », trois experts reconnus de l’action publique et du droit social (1) ont remis, le 25 mai, leur rapport à Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat à l’Action et aux comptes publics. Le volumineux document rédigé à partir d’auditions d’une trentaine de personnalités (partenaires sociaux, élus, représentants d’administrations…) détaille les conditions dans lesquelles les accords collectifs passés dans la fonction publique d’Etat, la territoriale et l'hospitalière pourraient être dotés « d’une force juridique les rendant opposables aux parties ». Cette possibilité, ouverte par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, devrait se voir concrétisée par une ordonnance prise dans les prochains mois. D’ores et déjà, le gouvernement a annoncé l’inscription à l’agenda social du mois de juin, un projet de texte qui sera présenté « dans les meilleurs délais » au Conseil commun de la fonction publique.
Comme l’a souligné Olivier Dussopt lors de la remise du rapport, le dialogue social au sein de la fonction publique dispose d’importantes marges de progrès. Depuis 2010, en effet, « seuls quatre accords ont été signés au niveau inter-fonctions publiques et vingt-neuf à l’échelle ministérielle ».. Par ailleurs, quels que soient les niveaux et les versants concernés, il n’existe aujourd’hui « ni suivi, ni analyse des accords négociés ou conclus ».. Pour le secrétaire d’Etat, il s’agit donc de « construire des solutions innovantes et adaptées aux enjeux majeurs et sans cesse évolutifs des services publics dans chaque territoire ». C’est précisément le sens du travail réalisé par les trois experts dont le rapport avance 29 propositions pour booster la négociation collective dans la sphère publique.
Parmi les principales pistes évoquées par les rapporteurs figure notamment la possibilité pour la loi et les textes réglementaires « de renvoyer certaines de leurs conditions d’application à un accord collectif ». Dans ce cas, la mission propose que l’autorité administrative compétente puisse « définir ces conditions d’application à défaut de conclusion d’un tel accord ».
Le document remis à Olivier Dussopt suggère, par ailleurs, de « prévoir la possibilité pour les futurs accords de comporter des clauses contraignant l’administration à agir dans un sens déterminé pour prendre des mesures matérielles ». Les experts évoquent également l’idée qu’un accord local puisse « soit préciser les conditions d’application d’un accord national, soit y déroger, à la double condition que ce dernier prévoie expressément une telle possibilité et que l’accord local améliore l’économie générale de l’accord national dans le respect de ses stipulations essentielles ».
Maintien des accords majoritaires et obligation de négocier
Concernant le principe en vigueur des accords majoritaires, les rapporteurs ont étudié la possibilité d’assouplir cette règle, mais ils se prononcent finalement pour son maintien pour des raisons essentiellement juridiques. Toutefois, les experts estiment qu’une « réflexion complémentaire avec les organisations syndicales pourrait être conduite sur l’opportunité du recours à la technique, intermédiaire, de l’accord ''minoritaire sauf opposition majoritaire'' ».
Autre piste avancée par le rapport : le développement de la formation au dialogue social et à la négociation collective. Il s’agit également d’établir sur certains dossiers jugés essentiels – les conditions de travail ou l’égalité professionnelle par exemple- une « obligation de négocier » qui viendrait renforcer le panel des cas de négociations déjà rendues obligatoires par la loi.
Parmi les autres innovations proposées par la mission d’experts, on peut également citer la volonté d’encourager la mise en place de comités de suivi des accords conclus et de laisser aux parties prenantes de ces accords le soin d’en définir la composition. Dans le même esprit, le rapport suggère de rendre tous les futurs accords consultables dans une base de données nationale, dont le contenu serait publié en ligne.
Emmanuelle Quémard
(1) Marie-Odile Esch, membre du Conseil économique, social et environnemental, chargée de mission à la Fédération nationale de la CFDT, Christian Vigouroux, président de section honoraire du Conseil d’Etat et Jean-Louis Rouquette, inspecteur général des finances.
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