Le CSFPT appelle les collectivités à accélérer la mise en place du document unique d'évaluation des risques professionnels
Par Emmanuelle Quémard
La séance plénière du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), qui s’est tenue le 28 février, a été l’occasion pour Stanislas Guérini de renouer le dialogue avec les collectivités territoriales, près de trois semaines après avoir été reconduit dans ses responsabilités par le nouveau Premier ministre Gabriel Attal. Au cours de cette réunion présidée par Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), le ministre de la Transformation et de la fonction publiques a notamment pu prendre le pouls des employeurs territoriaux et des organisations syndicales représentatives des agents.
Revendications réaffirmées
Les uns comme les autres ont, en effet, réaffirmé leurs principales revendications au moment où le gouvernement planche sur un nouveau projet de réforme de la fonction publique dont le contenu définitif sera dévoilé cet automne. Au cours des échanges avec les membres du Conseil sup’, Stanislas Guérini a réaffirmé sa volonté d’une transcription complète dans les textes de l’accord historique sur la protection sociale complémentaire dans la territoriale. Le ministre s’est également prononcé en faveur de la mise en œuvre rapide des mesures réglementaires relatives aux secrétaires de mairie. Dans le même temps, à la suite de la remise, le 13 décembre dernier, du rapport sur le fonds de prévention de l’usure professionnelle dans la territoriale, Stanislas Guérini a indiqué qu’il souhaitait la poursuite du travail de réflexion sur ce dossier qui concerne une part importante des agents des collectivités.
Au-delà de ce tour d’horizon sur l’actualité et l’agenda de la territoriale, les membres du CSFPT ont consacré la séance à l’examen de l’unique rapport à l’ordre du jour : le document unique d’évaluation des risques professionnels dans la fonction publique territoriale (DUERP). Présenté au nom de la Formation spécialisée n°4 par Christophe Iacobbi, maire d’Allons (Alpes-de-Haute-Provence) et président de l’Ircantec, ce rapport en auto-saisine constitue le fruit de multiples travaux engagés depuis 2018 par le CSFPT en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).
Dans un premier temps, le document souligne la nécessité pour les collectivités territoriales d’intégrer pleinement la question des risques professionnels dans leur stratégie RH. D’abord, en raison du nombre croissant de métiers, en particulier dans les filières techniques, où les agents se trouvent quotidiennement exposés à de nombreux risques susceptibles d’affecter leur santé physique ou psychique. Mais surtout, parce que depuis 1991, les employeurs ont l’obligation « de faire face à ces risques, et surtout de les anticiper, dans une démarche de prévention, afin d’assurer la sécurité des agents et de garantir ainsi leurs droits ». Une responsabilité qui s’est vue concrétisée par la création « d'un document relatif à l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs », dont le contenu a été précisé dans un décret publié le 5 novembre 2001.
Si, depuis cette date, la loi oblige les collectivités à retranscrire et à mettre à jour dans le DUERP l’évaluation des risques professionnels auxquels se trouvent exposés leurs agents, le rapport observe que cette « avancée sociale » ne produit pas systématiquement les effets attendus par le législateur.
En 2019, moins de la moitié des collectivités avaient mis en place un DUERP.
« Force est de constater que des problématiques touchant aux conditions de travail sont encore insuffisamment prises en compte dans ce dispositif qui souffre, par ailleurs, d’une appropriation encore partielle, à en juger par le taux de réalisation du document unique d’évaluation des risques professionnels » , indique notamment le rapport présenté au CSFPT.
En effet, selon une circulaire de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) de juin 2018, le document unique d’évaluation des risques professionnels n’avait été mis en place que par 35 % des collectivités en 2015, soit près de quinze ans après sa création. La 12e synthèse nationale des rapports au comité technique sur l’état des collectivités territoriales réalisée au 31 décembre 2019 montre, quant à elle, que parmi les 44 100 collectivités comptant au moins un agent, seules 16 500 à 17 000 structures avaient mis en place un DUERP. Ce sont les grandes collectivités qui sont les plus nombreuses à mettre en œuvre le dispositif. Fin 2019, la part des collectivités ayant mis en place un DUERP s’établit alors à 38 %. En outre, seulement 18 % de l’ensemble des collectivités avaient mis en place une démarche de prévention des risques ou un plan de prévention des risques en 2019.
Les collectivités s’exposent à des sanctions pénales et des poursuites civiles
Dans ce contexte, le rapport du CSFPT souligne que les employeurs territoriaux s’exposent à une série de risques juridiques et managériaux en cas d’absence de document unique. « Le non-respect de l'obligation d'évaluation des risques professionnels a été caractérisé comme une infraction, et donc passible de sanctions pénales mais aussi de poursuites civiles et administratives » , précise notamment le rapport tout en soulignant « le caractère essentiel du document unique comme élément-clé d’une stratégie de prévention, de nature à empêcher la survenue d’accidents ou de maladies professionnelles ».
Parallèlement à cette mise en garde, le rapport formule plusieurs préconisations destinées à renforcer la sécurité au travail des équipes territoriales et à garantir la santé des agents, notamment par la mise en place de politiques RH axées sur la prévention. Plusieurs de ces propositions portent sur des mesures législatives et réglementaires comme celle visant à rendre obligatoire au sein de toutes les collectivités, quel que soit le nombre d’agents, la création de commissions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) en lien avec les comités sociaux territoriaux (CST) et de rendre décisifs et non plus consultatifs les avis rendus par les CHSCT.
D’autres pistes envisagées concernent plus spécifiquement le formalisme et le contenu du document, la communication, les moyens humains ou la formation. Parmi ces mesures, figurent notamment celles consistant à présenter le DUERP devant l’assemblée délibérante de la collectivité ou encore celle visant à communiquer à chaque agent nouvellement recruté ou muté la fiche de risque correspondant à son unité de travail.
En conclusion, le rapport présenté au CSFPT insiste sur les bénéfices que la collectivité peut retirer de la mise en place du DUERP. « Au-delà de son caractère contraignant, ce dispositif peut constituer une réelle opportunité offerte aux collectivités territoriales et à leurs regroupements pour faire valoir la modernité de leur fonctionnement et de leur gestion et améliorer ainsi leur attractivité ». Une perspective approuvée par le Conseil sup’, l’instance ayant adoptée le rapport à l’unanimité (19 votes favorables au sein du collège employeurs et 20 dans celui des organisations syndicales).
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