Fonctionnaires : Guillaume Kasbarian confirme la suppression de la prime de pouvoir d'achat
Par A.W.
« J’ai proposé, et je l’assume, la suppression de la Gipa », l’indemnité versée aux agents publics dont la rémunération progresse moins vite que la hausse des prix. Auditionné, mercredi, devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a confirmé que la question de l’avenir de la « garantie individuelle du pouvoir d’achat » (versée dans les trois versants de la fonction publique) était bien sur la table.
Et s’il assure qu’il y aura bien une « discussion avec les organisations syndicales », le sujet semble déjà tranché, à en croire les documents budgétaires de l’année 2025. D’autant que l’ancien député d’Eure-et-Loir n’a cessé de répéter que « nous devons tous faire un effort pour réduire les dépenses de fonctionnement ».
Catégorie A : plus de la moitié des bénéficiaires
Pour justifier cette mauvaise nouvelle pour le porte-monnaie des fonctionnaires, le ministre a d’abord rappelé que cette indemnité avait été créée en 2008 « pour une durée de deux ans ». Et qu’il « n'avait jamais été question de la pérenniser ad vitam aeternam ».
En outre, « le dispositif n’a pas forcément été satisfaisant » dans « son mode de calcul », selon lui. Guillaume Kasbarian a, en effet, critiqué le fait qu’il « profite surtout aux agents de catégories A », qui représentent « 56 % des bénéficiaires ». A l’inverse, cette prime « bénéficie peu aux agents des catégories C », a-t-il assuré, sans toutefois communiquer le pourcentage de bénéficiaires que représente cette catégorie d’agents les plus modestes.
Pour justifier son choix, le ministre a également fait valoir que « l'inflation est désormais en décroissance » et que « tous les agents ne la touchent pas » puisqu’il faut satisfaire à plusieurs critères pour pouvoir en bénéficier. Il a aussi évoqué le fait qu’elle « concerne aussi les agents qui sont en fin de carrière et qui ont atteint le plafond de leur grade ».
Dans ces conditions, il a donc « proposé » de supprimer cette indemnité. A noter que, lors de son intervention, il a uniquement fait référence aux « 146 millions d’euros » qu’aurait coûté la Gipa en 2023. Un montant qui ne correspond, toutefois, qu'à la seule dépense consacrée aux agents de la fonction publique de l’Etat, si l’on en croît la fiche d’impact réalisée lors de la publication du décret.
Le coût pour les trois versants représentant autour de 267 millions d’euros au total, la réforme ne ciblera-t-elle que les agents de l'Etat ? Aucune précision n'a été fournie par Guillaume Kasbarian. On peut également signaler que les employeurs territoriaux n'ont été ni informés ni consultés sur cette suppression.
Reste que sa proposition semble entrer en contradiction avec son souhait, exprimé un peu plus tôt lors de l’audition, de « préserver l’attractivité des métiers » de la fonction publique.
La non-reconduction actée dès 2024 ?
Surtout, la suppression de cette indemnité semble déjà actée pour 2025, certains documents budgétaires laissant, en effet, penser que la décision a été tranchée. « Compte tenu de la non-reconduction de l’indemnité dite de garantie individuelle de pouvoir d’achat pour l’année 2025, il n’a pas été prévu de dépense », indique ainsi l’un des documents annexés au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 cité dans plusieurs articles de presse.
Le couperet pourrait même tomber, dès cette année, puisque le gouvernement ne semble pas prêt à mettre en œuvre de cette garantie en 2024, malgré l’inflation. Habituellement publiés durant l’été, le décret et l’arrêté fixant le montant de la Gipa ne sont toujours pas parus au Journal officiel.
De quoi passablement irriter les organisations syndicales qui craignent que la reconduction de la Gipa ne soit pas mise en œuvre pour 2024. La CFDT s’inquiétait déjà, début septembre, « du retard pris dans la publication de ce texte en cette période d’inflation » alors que l'Unsa Fonction publique réitérait sa demande, il y a 15 jours, de parution de ces deux textes.
Encore optimiste il y a deux mois, la CFDT estimait toutefois que « l’absence de Gipa pour les agents concernés serait une véritable perte de pouvoir d’achat » et « évidemment une très mauvaise nouvelle ».
Depuis, Guillaume Kasarian a transmis, il y a 15 jours, aux syndicats son projet d'agenda social en dix points dans lequel il envisage la suppression de cette prime. « Irrecevable », aux yeux de l’UFSE CGT, quand Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique, estime, sur X, que « les agents publics ne peuvent pas être les boucs émissaires de la dette ».
Plus de 143 000 bénéficiaires dans la territoriale
En 2023, ce sont donc environ 267 millions d’euros qui devaient être versés au titre de la Gipa, selon les estimations de la fiche d’impact réalisée lors de la publication de l’arrêté.
Pour la fonction publique territoriale, le coût de la Gipa versée devait « s’élever à 63,46 millions d’euros en 2023 (pour 33,83 millions d’euros estimés en 2022) » pour un nombre de bénéficiaires évalué à « 143 389 » équivalents temps plein.
« Cette évolution s’explique par une hausse prononcée de l’inflation observée sur l’année 2022 (+ 5,2%) et son impact sur la période de référence 2018-2022 (+ 8,19 % contre 4,36 % en 2017-2021), qui conduisent à prévoir une augmentation sensible du nombre de bénéficiaires et du coût de la Gipa », indiquait la fiche d’impact.
Dans la fonction publique de l’Etat, le nombre de bénéficiaires de la Gipa était estimé en 2023 à « environ 201 317 agents pour une dépense d’environ 140,68 millions d’euros (contre 56,18 millions d’euros en 2022) ». Dans la fonction publique hospitalière, il était estimé à 62,65 millions d’euros en 2023.
Poursuite de la réforme de la fonction publique
En parallèle, une réunion est prévue le 12 novembre entre l'administration et les syndicats sur le projet de réforme de la fonction publique, que ces derniers contestent vivement, autour de sujets comme l'attractivité et les salaires.
L'ancien ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini, à l'origine de ce projet, envisageait notamment de développer la rémunération au mérite dans la fonction publique, de faciliter les licenciements voire de supprimer les catégories historiques de fonctionnaires (A, B et C).
Le texte, qui n'avait pas pu être présenté au Parlement avant la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, contient « des mesures parfois éruptives », a reconnu, mercredi, lors de son audition, son successeur devant les députés, disant toutefois vouloir « poursuivre cette ambition réformatrice ».
« J’ai indiqué aux syndicats que je laissais toutes les options ouvertes sur la table et reprendre les concertations », a expliqué Guillaume Kasbarian : « On verra bien quelle solution est, in fine, retenue : une reprise totale, partielle ou par bloc » du texte avec des projets ou propositions de loi distincts.
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