Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 20 septembre 2022
Fonction publique

Cadeaux et invitations doivent « par principe » être refusés par les agents publics, rappelle l'Afa

L'Agence française anticorruption (Afa) vient de publier un guide sur « les risques d'atteinte à la probité » des agents publics sur la question des cadeaux et invitations. Avec une règle simple : ne jamais accepter de cadeaux. 

Par Franck Lemarc

« Par principe, un agent public n’a pas à accepter de cadeau ou d’invitation dans l’exercice de ses missions. »  La règle, simple et claire, est fixée dès le début de ce guide par Charles Duchaine, directeur de l’Afa. Mais comment distinguer entre ce qui relève de « la courtoisie »  ou du « protocole », d’une part, et des avantages qui peuvent être constitutifs d’un délit d’atteinte à la probité, de corruption ou de trafic d’influence ? C’est l’objet du guide publié la semaine dernière par l’Agence, à la réalisation duquel l'AMF a été associée.

Règles générales

Les agents publics, y compris ceux des collectivités territoriales, sont les destinataires de ce guide organisé sous forme de fiches, et comprenant plusieurs annexes utiles sur le cadre juridique ou la question spécifique de l’achat public. 

Le principe posé dans ce guide est qu’un agent public doit « refuser par principe »  tout cadeau, n’accepter que « s’il ne peut pas faire autrement »  et dans tous les cas « en informer sa hiérarchie ». Ce principe doit être « tout particulièrement respecté »  dans les procédures d’achat public, « d’attributions de subventions, d’autorisation ou d’agrément, dans les fonctions d’inspection ou de contrôle »  – autant de tâches dans lesquelles « il peut être suspecté qu’un cadeau ou une invitation rétribue un service rendu, incite l’agent à une certaine bienveillance, ou encore alimente une familiarité à l’égard d’un interlocuteur qui serait ainsi dans une situation privilégiée ». 

En cas d’exception à cette règle, des garde-fou peuvent être prévus : déclaration du cadeau ou de l’invitation dans un registre, autorisation de la hiérarchie, avis du déontologue. (Précisons que les « invitations »  visées par ce guide peuvent être, par exemple, des invitations à voir des spectacles ou des événements sportifs, à manger au restaurant, voire à des voyages.)

Risque pénal 

Un agent qui « sollicite ou agrée »  un cadeau est susceptible d’être poursuivi pour corruption passive ou trafic d’influence passif (à la différence de celui qui l’offre, pour qui ces délits sont qualifiés « d’actifs »  ). Le guide détaille de façon pédagogique les différences entre corruption (par exemple un cadeau offert à un agent en échange d’un service direct) et trafic d’influence (cadeau offert à un agent pour l’engager à user de son influence auprès d’une tierce personne). Quant au délit de concussion, il concerne les agents qui « sciemment, reçoivent, exigent ou ordonnent de recevoir une somme »  ou un avantage qui n’est pas dû. 

Le guide détaille également les rouages du délit de favoritisme, spécifique aux procédures de marchés publics. Par exemple, « un fonctionnaire territorial (qui) accepte  des voyages et autres avantages en contrepartie de l’obtention de décisions favorables pour l’octroi de marchés publics ». 

Feuille de route

Le guide détaille ensuite les mesures qui peuvent être prises pour prévenir ces problèmes. Les responsables publics sont invités à mettre en place « des règles de conduite », en association avec les représentants du personnel, en recensant « les situations à risque », en construisant « des scénarios de risque », en identifiant les fonctions où le problème se pose, etc. Les auteurs du guide recommandent d’organiser des « ateliers »  avec les agents concernés pour les sensibiliser. 

Reste la question du « seuil »  en deçà duquel un cadeau pourrait être acceptable, puisqu’il existe une forme de tolérance dans le cas de cadeaux « de faible valeur ». Le guide met en garde contre cette façon de voir. En effet, s’il n’est pas inutile de fixer un seuil « pour donner un repère financier aux collaborateurs », il ne faut pas non plus laisser penser à ceux-ci « qu’en deçà d’un certain montant, le principe du refus serait systématiquement levé ». « En effet, dans cette hypothèse, un tel seuil laisserait entendre qu’un cadeau serait acceptable en toute circonstance en fonction de son montant, ce qui ne peut être le cas par exemple en phase de passation d’un marché ou pour certains métiers ». 

La tenue d’un registre où sont enregistrés tous les cadeaux est également conseillée par l’Afa, dans le cas où ceux-ci sont exceptionnellement acceptés. Un tel registre doit être « tenu et conservé de façon confidentielle par une personne au positionnement approprié désignée formellement à cet effet ». 

Les centres de gestion en retard

Dans une annexe, les auteurs du guide mentionnent les problématiques spécifiques des collectivités territoriales. Ils indiquent que malgré les spécificités liées à la libre administration des collectivités territoriales, les mêmes règles déontologiques s’appliquent dans la FPT que dans les autres versants de la fonction publique. L’Agence rappelle que pour les plus petites collectivités, la fonction de référent déontologue peut être mutualisée, notamment au sein des centres de gestion. Le guide cite l’enquête de l’Afa sur la corruption dans le service public local (lire Maire info du 22 avril). 

Il ressortait notamment de cette enquête que si environ un quart des grandes communes et des EPCI disposent d’une politique encadrant les conditions d’acceptation des cadeaux, ce taux tombe à 15 % pour les petites communes, et seulement 9,5 % pour les centres de gestion, pourtant chargés de gérer cette question pour les communes qui y sont affiliées. Il y a donc sur ce terrain, indique l’Afa, une forte marge de progression.

À ce guide, utile et pédagogique, il ne manque qu'un sujet – que l'AMF avait d'ailleurs réclamé : un focus sur les élus eux-mêmes et les bonnes pratiques qu'ils doivent, eux aussi, adopter. 
 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2