L'AMF souhaite une refonte complète de la protection sociale des agents territoriaux
Par Franck Lemarc
Dans son rapport publié en début de semaine sur les comptes publics (lire Maire info du 16 juillet), la Cour des comptes relève que le déficit de la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) « continue de se creuser pour atteindre 2,4 milliards d’euros en 2023 ». On se souvient que pour tenter de renflouer ce déficit chronique de la caisse, le gouvernement a choisi, au moment de la réforme des retraites, d’augmenter d’un point les cotisations des employeurs territoriaux, ce qui a coûté à ceux-ci plus de 400 millions d’euros par an.
Pendant le débat sur cette réforme, les employeurs territoriaux, relayés par certains parlementaires, ont tenté de s’opposer à cette hausse et demandé une « remise à plat » du système. Ils ont fait valoir que la réforme des retraites constituait une « double peine » pour eux, puisqu’ils allaient devoir, d’une part, payer plus de cotisations, mais en plus payer les frais de l’allongement de l’âge du départ à la retraite des agents, qui générera fatalement des charges pour les employeurs (maladie, handicap des travailleurs les plus âgés). Ce débat avait été l’occasion pour les associations d’élus de rappeler un certain nombre de maux dont souffre le système : par exemple, la compensation versée par la CNRACL aux autres régimes de retraite, ou encore la part croissante des emplois contractuels – qui ne cotisent pas à la CNRACL mais au régime général et à l'Ircantec – dans la fonction publique territoriale.
Vision « transverse »
Ces question, parmi d’autres, sont à la base de la réflexion qu’a lancé l’AMF avec les gestionnaires des caisses et organsimes (CNRACL, Ircantec et FIPHFP), estimant que l’approche « mécanique et arithmétique » choisie par le gouvernement (hausse des cotisations) ne saurait suffire. L’AMF souhaite donc « lancer une approche plus globale de ce qui constitue aujourd'hui la protection sociale de la Fonction publique territoriale et ne se satisfait pas d'un traitement éparpillé au gré des difficultés de certaines de ses composantes ».
Murielle Fabre, maire de Lampertheim et secrétaire générale de l’AMF, conduit ces réflexions au nom de l’association. Elle explique à Maire info qu’au-delà de la seule réflexion de départ sur la CNRACL, la mission de réflexion « a été amenée à avoir une vision plus transverse, à évoquer les questions d’usure, de protection sociale ». « Jusqu’à présent, il n’a été répondu aux difficultés que par des pansements, avec une vision en silo. Pour nous, il faut tout remettre à plat, simplifier, planifier, rendre les choses plus lisibles, redéfinir les missions de chacun et prévoir des financements idoines ».
Usure professionnelle
Ce groupe de travail a permis de mettre autour de la table « un cercle d’élus spécialistes » et les responsables des caisses. Elle a abouti à identifier un certain nombre de pistes de réflexion, qui mettent en avant la nécessité d’une approche globale, au vu « des nombreuses interactions significatives et indissociables entre retraites, invalidité, maladies, prévention et handicap ». Ces pistes, résumées dans un « manifeste », ont été validées par la commission FPT de l’AMF puis par le Bureau de l’association.
La question de la protection sociale ne se pose pas du tout de la même dans la fonction publique territoriale que dans les autres secteurs : en effet, ce sont les employeurs territoriaux qui gèrent la sécurité sociale de leurs agents, contrairement au privé par exemple. Les employeurs, par ailleurs, sont confrontés à des problématiques spécifiques : vieillissement des effectifs, secteurs et métiers en tension, augmentation des départs pour invalidité. « La question de l’usure professionnelle dans la FPT, par exemple, n’a pas du tout été prise en compte par le gouvernement au moment de la réforme des retraites, souligne Murielle Fabre, alors que ce versant emploie un nombre bien plus important d’agents de catégorie C que les autres, avec une part importante d’emplois pénibles ». La question de la prévention de l’usure professionnelle va donc se poser de façon pressante, mais ne doit pas l’être de façon « isolée, en silo », poursuit Murielle Fabre. Il est donc nécessaire d’avoir « une vision transversale et un pilotage commun, coordonné et cohérent », détaille l’AMF.
Un nouvel organisme de gouvernance ?
Le groupe de travail estime donc en premier lieu qu’il est indispensable de lutter contre « l’éclatement » de la protection sociale dans la FPT et d’y reconnaître « un système social commun pour les 1,9 million d’agents et les 44 000 employeurs », organisé autour d’un volet maladie et d’un volet vieillesse.
Ce système devrait, selon l’AMF, être doté d’une gouvernance claire – gouvernance qui n’existe pas aujourd’hui –, « une sorte d’organisme de gestion paritaire, qui pourrait être adossé au Comité des finances locales », détaille Murielle Fabre. Avec les organisations syndicales ? « C’est une vraie question, reconnaît la secrétaire générale de l’AMF, à laquelle il faudra apporter une réponse. Mais j’estime que plus nous irons vers une vision collaborative, mieux ce sera. »
Ce « comité des politiques sociales territoriales » pourrait avoir à la fois, poursuit le Manifeste, une mission « de décision et de contrôle », un rôle consultatif pour « tous les textes réglementaires ayant des conséquences financières », être « une instance de concertation et de propositions ».
Le groupe de travail fait d’autres propositions : mettre fin aux « entités sociales juxtaposées et brouillant les cartes », prendre en compte le risque professionnel dans le cadre d’un « plan santé dans la FPT », fiabiliser les finances du système par « un équilibre solidaire entre agents, employeurs et État ».
Ces conclusions, adoptées par l’AMF, vont maintenant être débattues, « à la rentrée », au sein de la Coordination des employeurs territoriaux, explique Murielle Fabre. « L’AMF se veut plus que jamais une force de proposition, et nous allons maintenant soumettre ces propositions aux autres associations d’élus, pour voir si elles partagent nos conclusions, et réfléchir ensemble jusqu’où nous pouvons aller. »
La secrétaire générale de l’AMF est consciente de l’ampleur de la tâche. « Ce que nous voulons, c’est une vraie remise à plat. Ce n’est pas facile de renverser les choses, il faut du courage ! Mais nous voulons poser des bases de réflexion. » Le précédent de la PSC (protection sociale complémentaire) permet de nourrir quelques espoirs : ce sont les travaux de l’AMF et de France urbaine sur ce sujet, repris par la Coordination des employeurs territoriaux, qui ont donné naissance à l’ordonnance du 17 février 2021.
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