Taxe foncière : les propos d'Emmanuel Macron continuent de faire polémique
Par Franck Lemarc
C’est une petite pique qui a passablement agacé les associations d’élus : dans son interview télévisée de dimanche soir, le président de la République a affirmé aux Français : « Quand vous avez votre taxe foncière qui augmente, ce n’est pas le gouvernement, ce sont les communes ». « C’est un scandale quand j’entends des élus qui osent dire que c’est la faute du gouvernement », a-t-il déclaré, visant en particulier la maire de Paris et son augmentation de « plus de 60 % » de la taxe foncière.
Le problème est que ce n’est pas exact : plus de 80 % des communes ayant fait le choix de ne pas augmenter leur taux, cette année, l’augmentation de la taxe foncière constatée par les Français est due, dans la majorité des cas, à la seule augmentation des bases, décidée, elle, par le gouvernement et le Parlement. Il faut rappeler en effet, que le niveau de la taxe foncière dépend de deux facteurs : les taux, qui sont décidés par les conseils municipaux ; et les bases fiscales, qui sont fixées par la loi, et indexées sur l’inflation. Le taux d’inflation très élevé cette année a conduit le Parlement à augmenter les bases de 7,1 %. C’est donc bien l’inflation qui explique, dans la plupart des cas, la hausse de la taxe foncière.
Naturellement, l’indexation des bases fiscales sur l’inflation n’est aucunement remise en cause par les associations d’élus : rappelons qu’en 2019, le gouvernement avait manifesté son intention de supprimer l’indexation des bases locatives sur l’inflation, provoquant la colère des associations d’élus, qu’une telle mesure aurait privé de plusieurs centaines de millions d’euros.
Il n’en reste pas moins que prétendre que seules « les communes » sont responsables de la hausse de la taxe foncière est une contrevérité, et qu’en l’espèce « Emmanuel Macron confond les taux et les bases », comme l’a asséné hier à l’Assemblée le député Pierre Cordier, qui a conseillé au gouvernement de « prendre des cours » sur la fiscalité locale.
La déclaration du chef de l’État a immédiatement fait réagir un bon nombre d’élus, à titre personnel (lire Maire info du 25 septembre), avant que plusieurs associations d’élus s’expriment à leur tour.
Réaction des associations d’élus
Lundi, c’est Villes de France qui a dégainé en premier, en dénonçant « un faux procès intenté aux élus locaux ». « Cette déclaration est infondée, écrit l’association, et marque une méconnaissance du système fiscal et même une défiance envers les élus locaux qui, au quotidien, sont mobilisés pour préserver la qualité de vie de nos concitoyens. » Les propos du chef de l’État sont jugés « d’autant moins acceptables que les transferts de charges de l’Etat à destination des collectivités locales sont de moins en moins bien compensés, et de plus en plus réguliers (passeports biométriques, missions de police, augmentation du nombre de places de crèches…), ce qui aboutit dans les faits à diminuer les marges de manœuvre des communes et à dénaturer la libre administration des collectivités locales ».
L’AMF a également publié lundi soir un communiqué pour dénoncer « l’injuste polémique » lancée par Emmanuel Macron. L’association point l’hypocrisie qu’il y a à pointer du doigt des maires qui augmenteraient la taxe foncière, alors que c’est la décision de supprimer la taxe d’habitation qui « a profondément déstabilisé la fiscalité locale en la concentrant sur la seule taxe foncière. » L’AMF rappelle que les communes réussissent à maintenir leur épargne et à limiter leur endettement, alors que « depuis 2010 elles ont perdu 62 milliards d’euros de dotations et que la DGF n’est plus indexée ». Et de conclure : « Les maires assument leurs responsabilités, et souvent aussi celles que l’Etat n’est plus en capacité d’exercer sur le terrain. (…) Ils attendent d’être respectés en toute circonstance. »
« Géométrie variable » au RN
Lors de la séance de questions au gouvernement, hier, un député a dénoncé « le culot monstre » du président de la République, « car la hausse de la taxe foncière est bel et bien due au gouvernement dans les 30 000 communes qui n’ont pas touché à leur taux ». La prise de position de ce député (Kevin Pfeffer, du Rassemblement national), était au moins aussi problématique que les propos du chef de l’État, puisque le RN dénonce l’indexation des bases sur l’inflation, et demande, sinon sa suppression, du moins « le plafonnement à 2 % de l’augmentation des valeurs locatives ». Le député RN a également fustigé les maires qui ont procédé à des hausses, qu’il a accusés de mener « une guerre fiscale » aux Français.
Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a repris à son compte les propos du chef de l’État. « Disons-le clairement : la taxe foncière est une taxe à 100 % locale. » Il s’est justifié en expliquant que si les bases augmentent, du fait de l’inflation, il revient « aux élus de choisir d’augmenter, de maintenir ou de baisser les taux. Ils ont le choix. C’est un impôt local. »
Le ministre ne s’est, par ailleurs, pas privé de dénoncer « l’incohérence » des revendications du RN en la matière, qui demande à la fois l’indexation de la DGF sur l’inflation et le plafonnement de la hausse des bases locatives. Ce plafonnement « reviendrait à priver les collectivités territoriales de 1,9 milliard d’euros. (…) Vous avez l’indexation à géométrie variable. »
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