Michel Barnier pointe maintenant les investissements des collectivités
Par Franck Lemarc
Michel Barnier va se déplacer dans le Maine-et-Loire aujourd’hui pour se rendre au congrès de Départements de France, à Angers. Il devra faire face à l’inquiétude, voire à la colère des présidents de départements : en l’état actuel du projet de loi de finances, 85 % d’entre eux estiment qu’ils ne seront pas en mesure de boucler leur prochain budget. En conséquence, dans plusieurs départements, les investissements ont été gelés, tout comme les embauches. Voire, des présidents de département ont dû faire le choix, forcément difficile, de ne pas renouveler plusieurs centaines de contrats – ce qui s’apparente selon l’expression de Sébastien Vincini, président du département de la Haute-Garonne, à « un plan social ».
Emprunts des collectivités
Face aux départements aujourd’hui, et face aux maires jeudi prochain, en clôture du congrès de l’AMF, le Premier ministre aura-t-il quelques bonnes nouvelles à annoncer ? Depuis quelques jours, Michel Barnier laisse entendre qu’il n’est pas fermé à revenir sur les 800 millions pris sur le fonds de compensation de la TVA. Ce qui serait toujours bon à prendre, évidemment, mais laisserait intact plus de 90 % de l’effort demandé aux collectivités – puisque celui-ci, d’après les calculs de l’AMF, s’élèverait à environ 10 milliards d’euros.
Dans son interview à Ouest France, le Premier ministre reconnaît que son projet de budget est « perfectible » et dit ne pas avoir de « tabou » à ce sujet. Mais il ne plie pas sur le fait de demander un « effort » aux collectivités, avec un argument que l’on n’avait pas entendu jusqu’à présent. En effet, jusqu’à maintenant, c’étaient les dépenses de fonctionnement des collectivités qui étaient pointées du doigt, avec de permanentes injonctions à la faire diminuer, ou encore un imaginaire « déficit » des collectivités – qui n’ont en réalité pas le droit d’en faire. Cette fois, Michel Barnier brandit un nouvel argument : « Une partie de notre dette est constituée par les emprunts souscrits par les collectivités locales. Voilà pourquoi j’appelle tout le monde à participer à l’effort. »
Rappelons que la dette des collectivités et de leurs groupements s’élève, selon l’OFGL, à environ 208 milliards d’euros – sur un total de 3 920 milliards d’euros de la dette publique. Et surtout que les collectivités ne peuvent s’endetter que pour investir, à la différence de l’État qui s’endette pour payer ses frais de fonctionnement. Expliquer que les collectivités doivent « participer à l’effort » parce qu’elles empruntent trop revient à dire que les investissements des collectivités, au moins en partie, sont inutiles. C’est une position difficilement tenable. D’abord parce que les investissements des collectivités sont générateurs d’activité économique et d’emploi ; ensuite parce que ces investissements permettent notamment de répondre, comme l’expliquait récemment André Laignel, le président du Comité des finances locales, « aux défis essentiels liés au dérèglement climatique, aux réseaux, à la mobilité, à l’accès à l’éducation et à la culture… ».
Pas de nouveaux impôts
Reste que le Premier ministre promet « des ajustements significatifs dans le projet de loi de finances sur le volet des collectivités locales », sans en dire plus. Mais ces ajustements pourraient surtout concerner les départements, « qui n’ont plus de pouvoir fiscal mais des dépenses contraintes, notamment sociales, qui augmentent ». Le Premier ministre promet de « tenir compte de cette spécificité très forte ».
Sur les autres sujets, Michel Barnier répète que le gouvernement n’entend pas « recréer » la taxe d’habitation, et semble fermer la porte au passage à la proposition faite par l’AMF – et que la ministre Catherine Vautrin n’a pas rejeté – de créer une nouvelle « contribution résidentielle universelle » (lire l’interview de David Lisnard ci-contre). Michel Barnier, sans évoquer directement cette idée, la rejette de fait : « Nous n’allons pas créer de nouveaux impôts. »
Ouverture du dimanche
Notons enfin que le Premier ministre lance une nouvelle idée qui ne sera pas neutre pour les collectivités : afin de « remettre du dialogue partout », il souhaite instaurer une « journée nationale de consultation citoyenne ». « Un dimanche tous les ans ou tous les deux ans, les mairies seront ouvertes pour que les citoyens répondent à des questions de la municipalité, du département, de la région, de l’État. »
Le Premier ministre ne précise ni les conditions d'organisation ni si l’organisation de cette journée sera prise en charge financièrement – par exemple pour les frais de personnel engagés un dimanche – par l’État.
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