Fréquentation des transports, réduction des parcs de bureaux : une étude sur les transformations induites par le télétravail
Par Lucile Bonnin
Dans une note d’analyse publiée hier, France Stratégie et l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable) montrent que le télétravail, en tant qu’évolution de l’organisation du travail, a des impacts territoriaux importants.
Le télétravail en hausse mais pas partout
Il faut d’abord souligner que s’il existe des effets du télétravail sur le fonctionnement du pays, un peu moins de 40 % des emplois seraient aujourd’hui télétravaillables selon l’Insee. La note rappelle aussi que la pratique concerne surtout les cadres et les aires métropolitaines. Concrètement, « la moitié des emplois franciliens sont télétravaillables, alors que cette part n’est que d’un tiers dans des régions plus rurales telles que la Normandie ou la Bourgogne Franche-Comté » .
De plus, l’étude pointe les difficultés à mesurer les évolutions du télétravail au niveau local : « Les collectivités disposent rarement des outils et des données pour objectiver la réalité du télétravail, son évolution et ses impacts sur le territoire », constatent les auteurs. « Il y a donc beaucoup de « discours » et de ressentis sur les incidences locales du télétravail, mais peu d’objectivations et de données territorialisées. »
Si la part de télétravailleurs est la plus élevée à Paris (43 %), on compte selon l’Insee 11 % de télétravailleurs dans les communes hors unités urbaines.
Impacts sur les transports et l’offre de logement
Premier impact significatif : « Un effet mécanique de baisse des déplacements domicile-travail » . Ce dernier a surtout un effet dans le secteur des transports collectifs, « même s’il n’est pas uniforme géographiquement ».
« En Île-de-France, le télétravail n’a pas diminué le trafic routier, mais il a conduit à réduire la fréquentation des transports en commun aux heures de pointe, peut-on lire dans la note. Des tendances similaires sont observées dans d’autres grandes métropoles comme Lyon, la circulation automobile baissant en revanche à Rennes ou Toulouse. »
La fréquentation des TER a aussi fortement augmenté, ce qui peut être expliqué en partie par le télétravail. La SNCF constate en effet une forte augmentation de la fréquentation des TER dans la plupart des régions (+ 21 % en moyenne entre 2019 et 2023 pour l’ensemble du réseau), qui « peut s’expliquer par la hausse du prix du carburant, la montée des préoccupations écologiques et certaines politiques tarifaires et d’adaptation des offres » . Parmi les usagers des TER, 25 % télétravaillent partiellement et 5 % sont des télétravailleurs à temps complet.
Du côté du parc immobilier, « le développement du télétravail (ré)interroge les besoins en matière de logement tant sur le plan de leur conception que de leur localisation ». L’hypothèse selon laquelle le télétravail viendrait détendre le marché immobilier des métropoles à la faveur du déménagement de télétravailleurs dans le périurbain ou les villes moyennes n’est pas vérifiée pour le moment. Cependant, « dans les territoires à forte intensité touristique, le télétravail concourt à l’engouement pour l’achat de résidences secondaires et pour la location en courte durée d’une partie du parc de logements, qui conduit à évincer les résidents locaux. »
Enfin, le télétravail semble favoriser « une réduction partielle des surfaces de bureaux dans les plus grandes métropoles et entreprises » . D’autre part, on observe « une tendance à la relocalisation des bureaux vers les centres-villes au détriment des périphéries qui, lorsqu’elles sont dépourvues d’aménités (transports, services, commerces), connaissent des taux élevés de vacance tertiaire sans perspective de réutilisation rapide des surfaces disponibles. Ces évolutions présentent en outre un risque d’éviction du logement dans les quartiers centraux ou les mieux connectés. »
L’étude mentionne aussi le développement des tiers-lieux qui a fortement progressé (3 500 en 2023, contre 1 800 en 2018). Ces tiers-lieux peuvent être une opportunité pour les territoires non-urbains. « Parmi eux, 28 % se trouvent dans des villes moyennes et 34 % en zone rurale » , précisent les auteurs. Cependant, les élus ruraux rencontrés par la mission constatent que « les tiers-lieux proposant des espaces de coworking rencontrent d’importantes difficultés dans la recherche de leur modèle économique et que le télétravail ne représente qu’une part limitée des usagers. »
Un levier pour agir en faveur de l’environnement ?
Enfin, la note rappelle que les différents travaux s’intéressant aux bénéfices environnementaux potentiels du télétravail montrent que « s’il est très probablement bénéfique pour l’environnement, il n’apportera toutefois qu’une contribution sans doute très limitée à l’atteinte de nos objectifs de décarbonation ».
« Le développement du télétravail pourrait ainsi venir en appui à d’autres politiques visant la réduction des émissions liées aux déplacements du quotidien mais ne pourra suffire, à lui seul, à relever les défis environnementaux de la décarbonation des transports. » Les auteurs de la note mentionnent soulignent enfin que certaines collectivités territoriales ont développé « des « bureaux des temps » visant à adapter les horaires des services publics et l’organisation temporelle du territoire en prenant mieux en compte les attentes des usagers. La généralisation de ces démarches pourrait maximiser les effets positifs du télétravail, tant sur la qualité de vie des salariés que sur l’aménagement et l’équilibre territorial, en favorisant la lutte contre le dérèglement climatique. »
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