Limitation des dépenses des collectivités : le gouvernement va-t-il demander l'impossible ?
Par Franck Lemarc
Où l’on reparle d’une réduction des dépenses des collectivités… À quelques heures maintenant de la présentation officielle du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, et alors qu’un flou total a régné ces derniers mois sur les intentions du gouvernement – entre déclarations contradictoires, annonces aussitôt démenties et autres ballons d’essai – le ministre Christophe Béchu, vendredi, a d'abord évoqué une limitation de la hausse des dépenses pour « tous les acteurs publics », sans donner beaucoup plus de précisions.
Mais depuis ce matin, le PLF qui sera présenté en Conseil des ministres circule déjà, et l'objectif de réduction des dépenses de fonctionnement pour les collectivités y est inscrit noir sur blanc : « Les collectivités locales seront également associées à cette maîtrise des dépenses, : avec un objectif de réduction de - 0,5 % en volume chaque année leurs dépenses de fonctionnement. » En volume, c'est-à-dire hors inflation.
Rester en dessous de l’inflation ?
C’est en clôture des assises de France urbaine, à Reims, que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s’était exprimé sur ce sujet, évoquant « la nécessité pour tous les acteurs publics de réussir à avoir un niveau de dépenses qui soit inférieur à l’inflation ». C’est un infléchissement du discours de l’exécutif qui, dans d’autres déclarations, parlait de dépenses devant être inférieures à leur « évolution naturelle » – ce qui était un concept bien flou.
De multiples question se posent déjà. Cette volonté de diminuer les dépenses sera-t-elle assortie de sanctions en cas de non-respect, comme cela avait été le cas pour le contrats de Cahors ? Le gouvernement semble dire que 500 collectivités seraient concernées, c’est-à-dire celle dont le budget atteint 40 millions d'euros au moins. Pour celles-ci, en cas de non-respect des objectifs, le ministre du Budget propose la suppression de l’accès à toutes les dotations d’investissement, des reprises seraient ensuite mises en place les années suivantes.
Par ailleurs, de quels chiffres d’inflation parle-t-on ? Le seuil sera-t-il fixé sur le chiffre de l’inflation générale, calculée par l’Insee – alors que l’on sait que l’inflation qui touche les collectivités, le « panier du maire » – est plus élevée (0,4 % de plus en moyenne ces dix dernières années) et le sera plus encore, de façon certaine cette année ? Exemple typique : l’inflation pour les ménages est calculée en tenant compte du bouclier tarifaire qui protège, relativement, les ménages des hausses du prix de l’électricité et du gaz.
Des dépenses en hausse mécanique
Et surtout, comment une telle diminution des dépenses, même hors inflation, pourrait-elle être possible et tenable ? En effet, la hausse des prix elle-même n’est pas le seul facteur d’augmentation des dépenses des collectivités territoriales. Il y a d’abord la hausse « naturelle » des dépenses de fonctionnement, liée au fait que la population augmente, ce qui provoque mécaniquement une augmentation des dépenses de fonctionnement pour assurer le service public. Il y a les hausses de dépenses décidées par le gouvernement lui-même, à commencer par celle du point d’indice (2,3 milliards d’euros en 2023), mais aussi les mesures de revalorisation de carrière des catégories B et C, celle des secrétaires de mairie… Sans compter la hausse attendue des taux d’intérêt, qui va elle aussi agir sur les dépenses de fonctionnement, puisqu’il faut rappeler que le paiement des intérêts de la dette fait partie des dépenses de fonctionnement.
Face à toutes ces hausses qui s’ajoutent à l’inflation, et en l’absence de toute mesure de soutien aux collectivités en matière énergétique, obliger celles-ci à diminuer leurs dépenses revient à les obliger à diminuer drastiquement les services publics. On oublie souvent que cet encadrement des dépenses des fonctionnement conduira aussi à réduire drastiquement les investissements qui génèrent toujours de nouveaux frais de fonctionnement.
C'est apparemment le choix qu’assume l’exécutif. Le débat parlementaire parviendra-t-il à infléchir une tendance que l’on ne peut qualifier autrement que de mortifère pour le service public ? Le rapporteur du Budget envisage en effet de réduire aussi la revalorisation des bases fiscales à la moitié de ce que prévoit la loi (+ 3,5 % au lieu des 6,8 % estimés)
Dans une conférence de presse qui se tiendra cet après-midi, le président du CFL, André Laignel, donnera ses premiers commentaires sur ce PFL pour 2023. Maire info reviendra sur ces éléments dans son édition de demain.
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