Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 16 juin 2020
Finances locales

TVA sur les cessions immobilières : François Baroin demande à Bruno Le Maire de « trouver une solution » pour éviter de nouvelles pertes fiscales

Une récente décision du Conseil d’État relative aux règles de TVA applicables aux cessions immobilières pourrait-t-elle entraîner de nouvelles pertes de ressources pour les collectivités, et notamment pour les communes ? C’est, en tout cas, l’une des « inquiétudes »  du président de l’AMF, François Baroin, qui demande, dans une lettre transmise, hier, au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, de « trouver une solution »  permettant de « revenir à une application large de la TVA sur marge »  pour les opérations d’aménagement et « lever le frein que constitue une interprétation trop restrictive de la règle fiscale ». Dans le cas contraire, le risque pourrait être d’augmenter le coût des opérations d’aménagement et de diminuer le produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
 
Modification de la qualification juridique d'un terrain

Pourquoi une telle demande ? Dans une décision rendue le 27 mars dernier, le Conseil d’État a estimé que, lors de ventes immobilières, la TVA sur marge ne doit s’appliquer qu’à condition que la qualification juridique des biens ne soit pas modifiée entre leur acquisition initiale et leur revente. Dans cette décision, il juge, dans le cadre d’un contentieux lancé par un promoteur immobilier grenoblois, que « les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (...) s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente ». De ce fait, il estime que celles-ci « ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ».

Après plusieurs années d’ambiguïté et de revirements sur le mode de calcul de la TVA pour ce type d’opérations, le Conseil d’Etat confirme ainsi la position de l’administration fiscale, qui à plusieurs reprises, avait subordonné l’application de la TVA sur marge à l’absence de modification de la qualification juridique des biens revendus. 
Alors que la réforme de la TVA immobilière de 2010 devait permettre « une large application de la TVA sur marge pour les ventes de terrains à bâtir intervenant dans le cadre d’opérations d’aménagement », cette décision du Conseil d’État tend donc au contraire à confirmer « une interprétation restrictive de la doctrine fiscale », selon le président de l’AMF.
Cette évolution qui limite le champ d’application de la TVA sur marge (au profit de la TVA sur le prix de vente) devrait entraîner des conséquences importantes, notamment pour les opérations d’aménagement. « En effet, du fait de la politique de sobriété foncière, l’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones se raréfie et les opérations d’aménagement comportent de plus en plus fréquemment des parcelles bâties, conduisant à calculer la TVA sur le prix de vente », explique François Baroin.
 
Renchérissement du foncier et réduction des DMTO
Conséquence, « deux effets négatifs »  apparaissent : l'alourdissement du coût des opérations d’aménagement et la réduction du produit des DMTO. « L’application de la TVA sur le prix total à un plus grand nombre d’opérations risque d’abord de renchérir les prix du foncier et de freiner l’action des différents acteurs intervenant dans les opérations d’aménagement, allant à l’encontre des politiques visant à favoriser l’accès au logement », pointe François Baroin. 
Par ailleurs, poursuit-il, « la TVA sur prix implique le paiement de DMTO à taux réduit, au lieu des DMTO dus à taux plein pour les opérations soumises à la TVA sur marge »  ; en conséquence, « l’élargissement du périmètre de la TVA sur prix constitue un facteur de baisse des droits de mutation perçus par les départements et les communes ».  
« Alors que les budgets locaux sont déjà particulièrement affectés par la crise sanitaire et économique actuelle et que l’objectif partagé par les associations d’élus et le gouvernement est précisément de compenser cet impact financier et permettre aux collectivités locales d’accompagner la relance de l’économie, il paraîtrait cohérent de ne pas ajouter de facteur de fragilisation supplémentaire des recettes fiscales locales », souligne le maire de Troyes, rappelant que cette évolution est « particulièrement malvenue dans la situation actuelle ».

Il est à noter que la décision du Conseil d’Etat porte uniquement sur des opérations comportant une modification de la qualification juridique des biens revendus ; elle ne concerne pas les ventes de terrains à bâtir issus d’une division de parcelles non bâties. Ces ventes devraient donc continuer à relever de la TVA sur marge, conformément aux positions prises par l’administration fiscale depuis 2018 pour ce type d’opérations.

A.W.

Consulter la lettre de François Baroin à Bruno Le Maire.

Consulter la décision du Conseil d’Etat.

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