Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 3 octobre 2022
Finances locales

Pour Bercy, tout va bien du côté des finances locales

Une note de Bercy publiée, dimanche, par Le Parisien, donne une vision très optimiste de l'état des finances locales. Diffusée juste avant le début du débat budgétaire au Parlement, les auteurs de la note nient clairement que les collectivités locales soient financièrement en difficulté.

Par Franck Lemarc

Cela donne le ton des discussions à venir lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de programmation des finances publiques (lire article ci-dessous). Une note « confidentielle »  – mais tout de même opportunément portée à la connaissance du Parisien et de l’AFP – « ausculte les finances des communes, des départements et des régions », détaille le quotidien dans son édition du 2 octobre. Et le diagnostic « va à l’encontre des propos alarmistes des associations d’élus locaux ». 

« 500 communes »  en difficulté ?

Rien de très nouveau sous le soleil, en réalité : la note reprend des éléments bien connus du tous, à savoir qu’en 2021, l’épargne des collectivités et leurs recettes ont progressé. Le solde du compte des collectivités locales atteindrait « 60,7 milliards d’euros »  en août 2022, contre 53,8 milliards un an plus tôt. C’est en particulier la dynamique des rentrées de TVA qui explique cette progression – une partie des impôts économiques locaux ayant été supprimés et remplacés par une part de la TVA nationale, notamment pour les départements et les régions. Les rentrées de taxes foncières sont également en nette hausse. 

Ces chiffres augurent-ils, comme la note citée par Bercy le dit, « des perspectives favorables pour 2023 qui permettraient de faire face pour la très grande majorité [des collectivités] au contexte d’inflation » ? Rien n’est moins sûr. Et affirmer, comme le font les auteurs de la note, que seules « 500 communes »  risquent de rencontrer prochainement des difficultés de trésorerie paraît assez coupé de la réalité. 

Le Parisien évoque également « un rapport du Trésor sur les perspectives des finances publiques », qui devrait sortir incessamment, et qui selon le quotidien « enfonce le clou » : « Les collectivités locales seraient en excédent sur la période ». Ce qui est un truisme, dans la mesure où, faut-il le rappeler, les collectivités n’ont pas le droit d’être en déficit. D’après cette note, cependant, cet « excédent »  devrait fondre comme neige au soleil, passant de 4,4 milliards d’euros en 2022 à 1,5 milliard en 2023. Soit une diminution de la capacité d’autofinancement, et donc des capacités d’investissement, qui n’a rien de réjouissant. 

Rappelons que l’AMF, dans une réponse à un récent rapport de la Cour des comptes, avait très clairement expliqué la différence entre « excédents »  et « santé financière des collectivités ». « L’importance des excédents n’est pas forcément révélatrice d’une ‘’situation très favorable’’ mais plutôt d’une situation financière équilibrée. Ainsi par exemple, pendant toute la période de baisse des dotations, le bloc communal a dégagé des excédents et le niveau d’épargne est resté élevé, à environ 15 % des recettes de fonctionnement. Toutefois, cette période d’excédents s’est aussi soldée par l’effondrement inédit des investissements (- 16 milliards d’euros pour le bloc communal) ». 

« Intox » 

Il faut signaler que cette note prend en compte l’ensemble des collectivités (régions, départements et communes) sans faire de différence entre elles – les communes, on l’a dit, n’ont pas bénéficié de « l’effet TVA »  autant que les régions. Et elle ne tient pas non plus compte de la situation différente des collectivités de taille différente au sein de chaque strate. 

Mais surtout, ces chiffres qui portent sur l’année 2021 et le premier semestre 2022 ne tiennent pas compte de l’impact de l’inflation et, en particulier, de la hausse du prix de l’énergie. Ce qui fait dire à David Lisnard, président de l’AMF, interrogé par Le Parisien, que ces chiffres sont « de l’intox », en rappelant que « les collectivités ont fait de l’épargne de précaution ». Quant à la présidente de Régions de France, Carole Delga, elle ne nie pas l’impact positif de la « dynamique de la TVA », qui devrait rapporter « 750 millions d’euros de plus »  aux régions l’an prochain, mais ajoute que ces recettes supplémentaires seront dévorées par la hausse des prix de l’énergie : « Dans le même temps, les régions vont dépenser un milliard d’euros de plus (pour le) chauffage des lycées, le transport scolaire, le coût du ferroviaire, des bus… ». 

La note ne prend pas davantage en compte le coût, pour les collectivités, de la hausse du point d’indice et de la revalorisation des carrières des catégories B et C. 

« Réflexe pavlovien » 

Il semble bien que la divulgation de cette note s’inscrit dans le plan de communication de Bercy, à la veille du débat budgétaire, consistant à prétendre – comme il le fait depuis la crise du covid-19 – que les collectivités pleurent la bouche pleine. Témoin, ce « communicant du gouvernement »  qui explique au Parisien que les collectivités locales « protestent par réflexe pavlovien ». Des propos qui seront certainement appréciés par tous les maires qui, en ce moment même, face à l’inflation et à la multiplication parfois par cinq ou six de leur facture d’énergie, se demandent désespérément comment ils vont boucler leur budget à l’équilibre sans augmenter les impôts, diminuer les investissements ou le niveau de service public. Par « réflexe pavlovien », sans doute… 

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