Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 5 mai 2023
Finances locales

Le gouvernement, minoritaire, réussit à empêcher le vote sur l'indexation de la DGF sur l'inflation

Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe GDR (communiste) à l'Assemblée nationale, une proposition de loi sur l'indexation de la DGF sur l'inflation a été débattue hier. Minoritaire sur ce texte, le gouvernement a toutefois réussi à éviter son vote.

Par Franck Lemarc

Le gouvernement a, une fois encore, senti le vent du boulet hier soir à l’Assemblée nationale, avec le débat sur la proposition de loi du PCF sur l’indexation de la DGF sur l’inflation : mathématiquement, il était clair que ce texte aurait dû être adopté, dans la mesure où tous les groupes d’opposition (Nupes, LR, Liot et RN) avaient exprimé leur intention de le voter. Il ne restait donc comme seule solution au gouvernement et au groupe Renaissance, farouchement opposés à cette disposition, que d’utiliser des artifices de procédure pour empêcher ce vote.

Il existe en effet une règle absolue à l’Assemblée nationale : les débats d’une « niche »  parlementaire – c’est-à-dire une journée lors de laquelle un groupe présente ses propres propositions de loi – doivent impérativement s’interrompre à minuit. Comme elle l’avait déjà fait lors d’un précédent épisode similaire, la majorité avait donc la claire intention de faire traîner les débats en longueur pour que cette heure limite soit atteinte sans que l’Assemblée soit passée au vote. 

2,7 milliards d’euros

La proposition de loi du groupe GDR était très simple : il s’agissait de modifier la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour y faire figurer l’obligation de revaloriser chaque année la DGF « d’un coefficient au moins égal à la prévision d’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation ». 

Ce texte, autrement dit, aurait permis de répondre à la revendication des associations d’élus, au premier rang desquelles l’AMF, qui demandent le retour à l’indexation de la DGF sur la hausse des prix. Retour, en effet, puisqu’avant le gel de la DGF en 2011, sous le gouvernement Sarkozy, cette indexation était de mise – ce qui prouve qu’elle n’est pas insoutenable pour le budget de l’État. 

En ces temps d’inflation record – le « panier du maire »  a augmenté de 7,2 % l’an dernier, la hausse des prix alimentaires dépasse les 15 % sur un an et les prix de l’énergie ont connu l’explosion que l’on sait –, la hausse de 320 millions d’euros (+ 1,7 %) de la DGF décidée en loi de finances pour 2023 paraît très loin du compte aux associations d’élus. 

C’est ce qu’a rappelé hier soir, en présentant le texte, le rapporter Jean-Marc Tellier (PCF) : « La DGF a vocation à donner un niveau de ressources suffisant aux collectivités pour qu’elles puissent fonctionner. (…) Elle est un dû par l’État et non une subvention. Les collectivités font face à d’énormes difficultés. Les communes sont particulièrement vulnérables : l’AMF nous a alertés sur la contraction de l’investissement en 2023. Soutenir les collectivités territoriales, c’est soutenir la croissance et l’emploi. »  L’ancien maire d’Avion (Nord) a dénoncé des mesures de soutien « mal calibrées », comme le filet de sécurité, et demandé le retour à l’indexation pour redonner de l’oxygène aux finances locales. Cette indexation, pour l’année 2023, aurait représenté pour l’État une dépense de 2,7 milliards d’euros. 

Obstruction

Les débats ont ensuite commencé, alors qu’il restait moins de trois heures avant l’heure fatidique. Le gouvernement, juste avant le début de la séance, avait déposé in extremis une quarantaine d’amendements, qui rendait de toute façon inimaginable un examen complet du texte dans les temps. 

Pour faire bonne mesure, ce n’est pas un mais deux ministres qui ont pris la parole pour défendre la politique du gouvernement. Et le règlement de l’Assemblée ne fixant pas de durée limite pour la prise de parole liminaire des ministres (alors que le rapporteur, lui, n’a droit qu’à dix minutes), c’est peu dire que les ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal en ont profité : ils ont réussi à parler une demi-heure chacun ! Bruno Le Maire se permettant même d’ironiser, face aux protestations des députés de la Nupes : « S’il faut s’étendre deux heures sur les finances publiques, je n’hésiterai pas à le faire. À 2,7 milliards d’euros, je peux parler très, très longtemps. » 

Prenant la parole après les ministres, le député communiste Sébastien Jumel s’est révolté devant cette « obstruction », jugeant les méthodes du gouvernement « pitoyables »  et dénonçant « un mépris du Parlement ». 

Les débats n’ont, de toute façon, pas pu aller jusqu’à leur terme : pendant une interruption de séance demandée par l’opposition, l’une des greffières présente dans l’Hémicycle a fait un très grave malaise cardiaque, et n’a été sauvée que grâce à l’intervention immédiate de la députée Stéphanie Rist, médecin. Après l’évacuation de la fonctionnaire par le Samu et plus d’une heure d’interruption, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, très émue, a clos les débats dans le calme, vers 23 heures, les députés encore présents étant visiblement très choqués par cet incident.

Il est clair que le gouvernement et le groupe Renaissance et MoDem sont aujourd’hui seuls sur ce sujet, dans cette Assemblée où leur majorité semble de plus en plus ténue. Reste à savoir si d’autres groupes auront envie de profiter de leur niche parlementaire, dans les semaines à venir, pour remettre l’ouvrage sur le métier. 

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