Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 5 mars 2025
Finances locales

Dérapage budgétaire : le « comité d'alerte » voulu par le gouvernement relève de « la gesticulation », selon le président du CFL

Devant associer les élus locaux, cette structure doit permettre d'éviter une nouvelle dérive des comptes publics, après les dérapages de 2023 et 2024. Par ailleurs, André Laignel redoute un budget 2026 à l'image de celui de 2025, mais « en pire », et demande une revue de recettes des collectivités.

Par A.W.

Éviter une nouvelle dérive des comptes publics en créant un « comité d'alerte »  associant les élus locaux. À peine dévoilée, la nouvelle idée du gouvernement pour tenter de contenir le déficit public souffre déjà ses premières critiques. 

« Cela relève de la gesticulation », a ainsi balayé, hier, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, lors d’une conférence de presse, durant laquelle il a souligné que « les représentants des collectivités n’ont même pas été informés ». 

Un comité sans « aucune prise sur la réalité » 

Désirant « améliorer le pilotage des finances publiques », l’exécutif vient, en effet, d’annoncer la mise en place de ce comité d’alerte qui doit couvrir tous les champs de la dépense publique, que ce soit l’État, la Sécurité sociale et les collectivités locales. 

Avec l’objectif de « dresser un état des lieux de la mise en œuvre du budget », cette structure « inédite »  devrait se réunir pour la première fois « au début du mois d’avril »  (et au moins trois fois dans l’année) avec les délégations parlementaires aux collectivités locales et les associations d’élus.

Seront aussi présents des membres du gouvernement, des représentants des caisses de sécurité sociale ou encore le Premier président de la Cour des comptes.

Il leur sera ainsi présenté « les risques d’écart aux prévisions des dépenses et recettes publiques [...] et les éventuelles mesures correctives envisagées ». Le but étant de « poser à un moment donné la photo de là où en sont nos recettes et nos dépenses », a détaillé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin dont le plan prévoit également d’« améliorer »   les outils et les méthodes de prévisions des dépenses des collectivités locales.

« C’est bouffon, un observatoire trimestriel sur l’évolution des dépenses... Vous connaissez beaucoup de communes capables d’estimer, au trimestre, ce que sera l’évolution de leurs dépenses sur un exercice d’un an ? », a tancé André Laignel, qui estime que « cela n’a aucun sens ». « Aller réunir des comités Théodule qui viendraient dire "chez moi, on va augmenter les dépenses ou les baisser", […] cela n’aura aucune prise sur la réalité », a ainsi déploré le maire d’Issoudun, considérant que le gouvernement « veut refaire ce que [le précédent exécutif] avait prévu avec le Haut Conseil des finances publiques locales », ce « machin »  qui « n’a pas vécu longtemps ». 

Un budget 2026 « pire »  qu'en 2025 ?

Et si la ministre des Comptes publics a assuré que « les collectivités seront désormais pleinement impliquées [dans] la construction des budgets, en particulier celui de 2026 », le président du CFL reste encore sceptique sur cette affirmation d’Amélie de Montchalin. 

Pour la préparation du prochain budget, André Laignel n’a d’ailleurs, pour l’heure, « pas eu connaissance d’une quelconque invitation »  des associations d’élus. « Mais d’après tout ce que l’on commence à nous dire, ça risque d’être 2025, mais en pire. On va continuer à nous massacrer sur la CNRACL [Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales] et à nous expliquer que nous sommes une variable d’ajustement idéale », a-t-il auguré.

Revenant sur l’effort supporté par les collectivités en 2025, il a pointé « la fable des 2,2 milliards d’euros »  avancés par le gouvernement, qu’il qualifie de « mensonge d’État ». Selon ses calculs, cet effort serait bien plus élevé et atteindrait 7,4 milliards d’euros avec « une baisse de moyens et une augmentation des charges ».

Outre le dispositif de mise en réserve d'un milliard d’euros – nommé Dilico – pour plus de 2 000 collectivités (dont « on ne connaît toujours pas les simulations » ) et le gel de la TVA pour 1,2 milliard d’euros (qui est « l’exact inverse de l’engagement pris à l’égard des collectivités » ), le maire d’Issoudun a rappelé l’augmentation de « 1,4 milliard d’euros »  sur la cotisation de CNRACL, la perte de 1,35 milliard d’euros sur le Fonds vert, mais aussi « l’anémie du Plan vélo »  et « la baisse du fonds d’économie circulaire ».

Sans compter des choix « symboliques »  comme la baisse des crédits de la politique de la ville, les suppressions « pures et simples »  du fonds de soutien aux activités périscolaires et du plan de lutte contre les violences faites aux élus.

Une « revue de recettes »  demandée

Redoutant un « risque de récession », il estime que « c’est une erreur économique pour la France ». Ces décisions risquent ainsi de peser sur « des branches entières, comme les bâtiments et les travaux publics, et beaucoup d’autres »  qui seront « impactées par les commandes des collectivités »  – qui pourraient reporter certains projets. « L’accumulation des nuages sur l’économie mondiale »  n’arrangeant rien.

Dans ce contexte, et comme il l’avait déjà demandé en vain l’an passé, le président du CFL a de nouveau réclamé, dans un courrier envoyé à l’exécutif, une revue de recettes des collectivités, et pas seulement une revue des dépenses. « Nous souhaitons la transparence car débattre des dépenses sans débattre des recettes est un exercice à sens unique qui reste un peu vain », a-t-il expliqué.

« Si l’on peut déjà amorcer un vrai dialogue sur l’évolution des recettes des collectivités, ce sera bien […] alors que Bercy est si disert lorsqu’il s’agit de parler de nos dépenses, même en les inventant », référence au très controversé « dérapage de 16 milliards d’euros »  évoqué l’an passé par les anciens ministres de l’Économie, Bruno Le Maire et Antoine Armand, qui ont désormais bien du mal à le justifier

André Laignel demande ainsi des « éclairages »  sur « l’évolution de la DGF sur les 15 dernières années, la compensation des recettes fiscales nationalisées (taxe d’habitation, CVAE…), la réalité de la compensation des dégrèvements et le réel engagement des crédits d’investissement car l’on n’a pas le sentiment que les engagements sur la DETR la Dsil ou le Fonds vert soient conformes au vote des lois de finances ». 

Répartition de la DGF

On peut, par ailleurs, signaler que les membres du CFL, dont le bureau s’est réuni hier matin, ont voté la répartition de la DGF pour 2025. Ils ont ainsi décidé de « mettre à égalité le monde rural et urbain »  en abondant de 10 millions d’euros l'accroissement de la dotation de solidarité urbaine (DSU) afin que celui-ci atteigne, comme pour la dotation de solidarité rurale (DSR), les 150 millions d’euros.

S’agissant de la progression de la DSR, son montant a été réparti à hauteur de 60 % - une obligation - sur la dotation de péréquation. Pour les 40 % restants, le CFL a choisi de le répartir pour 75 % sur la fraction bourg centre et pour 25 % sur la fraction cible.

À noter que le comité a donné un avis favorable à une ordonnance généralisant le compte financier unique (CFU), une « mesure de simplification »  visant à fondre en un seul document les comptes de gestion et administratif. Cela devrait permettre la mise en place du CFU « à horizon 2026 ou 2027 ».

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