Finances locales : face à la crise, la reprise s'annonce « incertaine »
« La relance du pays dépend fortement de la capacité du bloc communal à reprendre rapidement une trajectoire d’investissement, alors que sa capacité d’autofinancement va être impactée par la crise », alertent les auteurs de l’étude dans cette nouvelle analyse financière, habituellement présentée lors du Congrès des maires. Une édition qui porte, cette année, sur l’évolution de l’investissement du bloc communal et ses leviers durant les deux précédents mandats.
Bonne santé financière en 2019
Premier enseignement de cette étude, le bloc communal a abordé les crises sanitaire, économique et sociale en « bonne santé financière » avec un taux d’épargne brute « élevé », un niveau d’endettement « très inférieur aux seuils critiques » ou encore des dépenses de fonctionnement « contenues ».
Durant l’année 2019, les élus du bloc communal ont ainsi réussi à conserver leurs marges de manœuvre puisque leur autofinancement brut avait progressé de 7,6 %. Bien que les dépenses de fonctionnement aient légèrement augmenté de 1,6 % (dont 3,5 % pour les achats et charges externes et 1,7 % pour les frais de personnels), les recettes ont connu, dans le même temps, une hausse de 2,5 % (dont + 3% pour les impôts locaux, essentiellement due à la hausse des bases).
Côté investissement, la croissance a continué de se poursuivre avec des dépenses qui ont progressé de 14,1 % l’an passé, et qui ont été permises grâce à l’augmentation des recettes de 7,8 % par rapport à 2018. Reste que, avec 37,7 milliards d’euros et à la suite des baisses de dotations, le montant des investissements du bloc communal est resté à un niveau inférieur à celui de 2013 (36 milliards d’euros), dernière année du mandat précédent.
Perspectives incertaines
L’arrivée de la crise sanitaire au début de l’année va, toutefois, largement perturber les équilibres observés en 2019. La crise économique et sociale qui en a découlé a d’ores et déjà entraîné une « crise des recettes » pour le bloc communal couplée à des dépenses supplémentaires pour faire face aux besoins des habitants et des entreprises. « Ces dépenses ajoutées à la perte de recettes sont évaluées à près de 8 milliards d’euros sur trois ans, soit autant de moins pour l’autofinancement et donc pour l’investissement public local », estiment les auteurs de l’étude.
L’étude prévoit ainsi, dès 2020, une réduction à la fois des recettes fiscales (moindre évolution des bases de fiscalité directe locale, gel des taux de la taxe d’habitation…) mais aussi des recettes tarifaires et des recettes domaniales et patrimoniales des collectivités ; en partie limitée par le « filet de sécurité » mis en oeuvre par l’Etat et qui prévoit une compensation à hauteur de 223 millions d’euros, dont 120 millions pour les communes et 110 pour les EPCI, selon le décret paru vendredi (lire Maire info du 27 novembre). De plus, une « incertitude » règne quant aux possibilités de maintien des mécanismes de solidarité financière entre les différentes strates de collectivités.
En parallèle, la crise a fortement impacté les dépenses du bloc communal avec l’« explosion de nouvelles dépenses de nature sociale », le « financement du soutien à l’économie locale et participation au plan de relance » ou encore les « effets des mesures sanitaires sur le coût des services et les marchés de travaux ».
Et les auteurs de l’étude de constater la « très grande hétérogénéité des situations » auxquelles les élus locaux sont confrontés. Ainsi « les collectivités qui connaissaient des difficultés à la suite de fragilités structurelles (territoires en mutation, centres-bourgs en déclin...) risquent d’être particulièrement affectées par les effets de la crise », celles dont « le tissu économique est composé d’établissements travaillant dans des secteurs d’activité dévastés vont devoir faire face à des vagues de faillites et de licenciements économiques » tandis que celles qui dépendent fortement de l’économie touristique et résidentielle « sont atteintes à des degrés divers ».
« La reprise de l’investissement du bloc communal, essentielle au plan de relance, n’est pas certaine si rien n’est fait pour préserver les ressources et les marges de manœuvre des communes et EPCI et permettre l’affectation de l’autofinancement à l’investissement », estiment les auteurs de l’étude qui rappellent que, avec la suppression de la taxe d’habitation, la nationalisation des taxes locales sur l’électricité et la baisse des impôts de production inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, « c’est plus de 29 milliards d’euros de recettes fiscales qui sont remises en cause ».
Dans ces conditions, « les collectivités pourront-elles accompagnées le plan de relance voulu par le gouvernement ? », s’est interrogé ce matin, lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, dénonçant la destruction annoncée de l’autonomie fiscale et financière des collectivités. De son côté, Antoine Homé, rapporteur de la commission des finances de l’AMF, a rappelé que les élus locaux doivent « pouvoir prévoir », en ayant de « la visibilité et des perspectives », et demandé « des ressources libres d’emploi plutôt que des usines à gaz ».
2022, l’année « la plus difficile »
L’étude analyse, d’ailleurs, en grande partie, les dynamiques d’évolution des finances locales sur les deux précédents mandats afin « d’identifier les conditions favorisant la décision d’investir par les élus locaux ».
Elle rappelle, notamment, que, entre 2008 et 2013, à la suite de la crise des subprimes, l’augmentation de l’épargne brute combinée à l’avancement du versement du FCTVA, une ressource libre d’emploi, avait permis de « neutraliser les effets de l’épargne de précaution et une augmentation de l’investissement de 12,5 % ». Au contraire, entre 2014 et 2019, l’épargne avait peu augmenté et avait essentiellement été « une épargne de précaution » dans le but de faire face à la baisse des dotations, entraînant une diminution des investissements par rapport au mandat précédent.
Le « risque » serait, dès lors, que l’on observe aujourd’hui un retour de l’épargne de précaution, ont envisagé, ce matin, les auteurs de l’étude. Pour eux, « l’efficacité du plan de relance va dépendre notamment du dynamisme des investissements publics locaux » avec trois conditions de reprise rapide de ces investissements : « Cela passera nécessairement par la faculté des collectivités à préserver leurs ressources, à orienter leur capacité d’autofinancement sur la réalisation d’investissements et par la possibilité pour elles d’augmenter de façon sécurisée leurs encours de dette, en bénéficiant de conditions financières attractives ».
« Les élus locaux sont dans le doute et se demandent où ils vont », a rapporté, pour sa part, le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel. « L’autofinancement brut pourrait être de - 20 % en 2021 (entraînant) beaucoup moins de capacité d’investissement sur beaucoup de projets », a-t-il indiqué, faisant état d’orientations budgétaires pour l’an prochain annoncées à « - 20 %, - 30 % ou - 40 % sur l’investissement » dans certaines collectivités. Sans compter que, en 2021, un « effet trompe-l’oeil » est à prévoir. « Un certain nombre d’investissement qui n’ont pu être mis en œuvre en 2020 à cause de la crise sanitaire, le seront finalement en 2021, ce qui atténuera la situation. Mais, en 2022, ce ne sera pas le cas et cette année-là sera la plus difficile ».
A.W.
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