Fermetures de classes : la grande inquiétude des maires
Par Franck Lemarc
Il suffit de parcourir la presse régionale de ces dernières semaines pour mesurer l’ampleur du mouvement de fermetures de classes envisagé par le ministère de l’Éducation nationale. Douze classes devraient fermer dans les Landes en septembre ; dix postes de professeurs des écoles seraient supprimés en Haute-Loire ; « une cinquantaine » de classes devraient fermer dans le Finistère, selon Ouest-France ; 25 dans la Haute-Vienne ; 20 postes de professeurs seraient supprimés dans les Ardennes… la liste est interminable. Les grandes villes ne sont nullement épargnées, puisque Paris a appris en février que l’académie prévoie la fermeture de 162 classes en primaire, plus une cinquantaine en collège et une dizaine en lycée, essentiellement dans les quartiers populaires de la capitale. À Lille, ce sont 150 postes qui seraient supprimés dans le premier degré, et 160 dans le second degré.
Toutes ces annonces sont au conditionnel, puisqu’elles ne sont que des « projets » présentés par les académies, le ministère n’ayant pour l’instant présenté que des « estimations ».
Réponse... en août
Depuis des semaines que ces coupes claires sont annoncées, la réponse du ministère de l’Éducation nationale est invariable : c’est la baisse de la démographie scolaire qui est en cause. Le nombre d’élèves attendu en primaire à la rentrée prochaine serait en baisse de plus de 63 000, après une diminution de quelque 50 000 élèves en 2022. L’Éducation nationale estime que le nombre d’élèves en maternelle et en primaire, qui était de 6,5 millions en 2021, pourrait tomber à 6,1 millions d’ici 2026. D’où « l’ajustement » décidé sur les « moyens d’enseignement ».
Mais élus, syndicats enseignants et parents d’élèves ne comprennent pas pourquoi la diminution du nombre d’élèves ne pourrait pas conduire, plutôt que de fermer des classes, à diminuer les effectifs par classe, alors que la France est notoirement l’un des pays européens où les classes sont les plus chargées.
La question a été, encore une fois, posée à l’Assemblée nationale, hier, lors de la séance de questions au gouvernement : Alexandre Portier, député LR du Rhône, a lancé au ministre Pap Ndiaye : « Partout en France, au lieu d’alléger les classes, vous en fermez. C’est un non-sens absolu. » Le député a pris l’exemple d’une commune de sa circonscription, Trades, qui a investi « plus de 150 000 euros dans son école ». « Seulement voilà : cette école ne réunissant cette année que neuf élèves, on s’empresse de la fermer. Dans quatre ans, elle retrouverait un effectif de quinze élèves, car le Rhône gagne des habitants, ses effectifs n’ont cessé de remonter, mais, au lieu de proposer des pistes pour soutenir l’école face à ce creux, on se dépêche de faire une croix dessus. »
Le député a demandé avec insistance au ministre de « dire clairement combien de classes vous fermerez à la rentrée ».
Pap Ndiaye a eu une réponse pour le moins étonnante, en expliquant qu’il était dans l’incapacité de répondre à sa question avant… le mois d’août ! « Nous sommes au mois de mars. Des ajustements sont opérés en ce moment et jusqu’en juin. D’ultimes ajustements interviendront en août. Cela m’empêche de répondre précisément à votre question », a-t-il déclaré, provoquant les exclamations des députés qui ont tenté de lui expliquer que « les maires ne peuvent pas attendre l’été pour savoir si une classe va fermer ».
Le ministre a toutefois reconnu que son administration devait « faire mieux en matière de pluriannualité », afin que les communes « puissent envisager leurs investissements dans une perspective relativement longue », en considérant « les enfants qui naissent aujourd’hui et seront scolarisés dans trois ans ».
L’AMF demande de la concertation
Le président de l’AMF, David Lisnard, a écrit début mars au ministre pour lui faire part des inquiétudes des maires devant ce mouvement de fermetures massives de classes opéré « sans concertation préalable ». Les maires sont évidemment « parfaitement conscients de l’évolution de la démographie scolaire dans leur territoire », écrit le maire de Cannes, mais ils cherchent « des solutions pragmatiques afin de maintenir une école de proximité, notamment dans les zones rurales et isolées ».
La préparation de la carte scolaire ne peut « relever d’une démarche purement comptable », affirme David Lisnard, qui demande au ministre de faire en sorte que les directeurs académiques « établissent avec les maires une véritable concertation préalable à tout projet de retrait de poste d’enseignant ». Rappelant qu’en 2019, le gouvernement s’est engagé à ne pas fermer d’école sans accord des maires dans les communes de moins de 5 000 habitants, le président de l’AMF demande qu’il en soit de même pour les fermetures de classe et dans toutes les communes.
Enfin, David Lisnard interpelle Pap Ndiaye à propos des conventions de ruralité, qui arrivent à échéance sans être renouvelées. « (Ces) conventions peuvent favoriser une concertation avec les maires et l’élaboration d’une vision stratégique commune sur le maillage territorial des écoles primaires », rappelle le maire de Cannes.
Cette question de la carte scolaire a été largement débattue, hier, lors de la commission Éducation de l’AMF. Maire info reviendra dans une prochaine édition sur les conclusions de ces travaux.
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