Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 21 juin 2024
Aménagement numérique du territoire

Fermeture du réseau cuivre en 2025 : comment les communes se préparent à dire adieu à l'ADSL

L'ADSL va définitivement disparaître en France d'ici 2030. Première étape : 162 communes vont être concernées par la fermeture définitive du réseau cuivre le 31 janvier 2025. Dans cette période de transition où la fibre optique doit prendre le relais, les élus de ces communes s'impliquent pour ne laisser personne au bord de la route.

Par Lucile Bonnin

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La fin du réseau cuivre se profile à l’horizon 2030. C’est un chantier colossal conduit par l’opérateur historique Orange qui va faire du réseau FTTH (Fiber to the home) la « nouvelle infrastructure de référence ». Cette bascule de l’ADSL vers la fibre va se faire en plusieurs phases.

Des premières expérimentations se sont terminées le 31 mars 2023 avec l’arrêt définitif des services sur réseau cuivre dans 7 communes : Lévis-Saint-Nom (78), Voisins-le-Bretonneux (78), Provin (59), Issancourt-et-Rumel (08), Vrigne-aux-Bois (08), Vivier-au-Court (08) et Gernelle (08). 

Le plan de fermeture du cuivre d’Orange fonctionne « selon une logique de lots annuels de communes ». Le premier lot a été annoncé en décembre 2022 et concerne 162 communes. Pour ces communes, le réseau cuivre historique, qui fournit le téléphone, internet et la télévision, n’existera plus au 31 janvier 2025 et sera remplacé par la fibre optique.

Mais cette transition ne se fait pas toute seule. Les élus de ces communes ont dû se saisir de ce dossier dont l’enjeu est de taille, notamment pour qu’aucun administré ne se retrouve sans solution à la date butoir. 

Déploiement de la fibre : le temps presse 

La position de l’Arcep, le gendarme des télécoms, est claire sur ce point : « Pour que la fermeture du réseau cuivre soit une réussite, il faut aussi que les réseaux fibre soient déployés »  et que donc chaque commune atteigne un taux de déploiement de 100 %, c’est-à-dire que tous les locaux identifiés puissent être raccordés à la fibre. 

À quelques mois maintenant de cette fermeture, les communes ne sont pas loin d’atteindre cet objectif mais des disparités existent. 

Pour la commune d’Aizenay (85), « la partie déploiement fibre n’est plus une question »  selon Fabrice Praud, collaborateur de cabinet de la ville qui rapporte que le taux de déploiement atteint aujourd’hui 98,91 %. Du côté de Vendée numérique (réseau d'initiative publique qui déploie la fibre dans le département), on confirme bien que « le taux de 100 % d’adresses éligibles sera atteint bien avant l’échéance du 31 janvier 2025 sur les communes du Poiré-sur-Vie et d’Aizenay »  – communes du lot 1.

Cependant, il faut souligner que la ville d’Aizenay (10 146 hab) « avait été choisie en 2023 – avec Le Poiré-sur-Vie - en raison de l’avancée du déploiement de la fibre optique sur son territoire (plus de 95 % de taux de déploiement) et de sa dynamique commerciale », comme le pointe Fabrice Praud. Toutes les communes du lot 1 n’ont pas forcément cet avantage.

À Darazac (19), le taux de couverture est à « plus de 80 % »  selon l’Arcep mais « même si ça s’est amélioré, on n’est pas à 100 % », rapporte Joël Beynel, le maire de la commune. Dans la commune de Fontaine-au-Bois (59) qui fait aussi partie du lot 1, le taux de couverture est également aujourd’hui « à plus de 80 % »  selon l’Arcep. Jusqu’à l’année dernière encore, la mairie elle-même et l’école n’étaient pas fibrées. 

Communication : un travail de terrain quotidien 

La bascule du cuivre vers la fibre ne peut se faire sans le travail des élus sur place, et c’est ce que démontre cette phase du lot 1. À Darazac (142 hab), « l’information a bien été passée à nos administrés sur le sujet et aux propriétaires de maisons car on a aussi des résidences secondaires sur la commune », indique le maire. La mairie a notamment insisté sur la fameuse date arrêtée pour la disparition du cuivre. 

Corinne Moreau, conseillère municipale en charge du dossier fibre dans la commune de Fontaine-au-Bois (695 hab), explique que la mairie a mené de nombreuses actions de communication : « On a fait énormément de communication par mail, mais aussi plusieurs fois dans le bulletin municipal. On en parle aussi régulièrement par exemple lors des repas des ainés. »  Car comme elle l’indique, le plus compliqué est de sensibiliser les publics les plus éloignés d’internet, notamment les personnes isolées et/ou âgées. Problème : au niveau de la commune aucune information n’est transmise sur « qui a la fibre et qui ne l’a pas encore », et comme il ne faut oublier personne, la solution reste souvent le porte-à-porte : « C’est difficile de suivre car on a un chiffre global et toute la difficulté est d’aller à la pêche aux retardataires. » 

Ce regret sur le manque d’informations transmises aux collectivités est partagé en Vendée : « Vendée numérique et les services du département ont demandé à pouvoir avoir accès aux fichiers de l’opérateur Orange pour pouvoir cibler les déploiements » , indique Fabrice Praud. Les communes ne sont en effet pas à la manoeuvre en ce qui concerne le déploiement de la fibre, mais il ne fait aucun doute qu'en cas de problèmes, ce sont elles qui vont devoir gérer. 

La commune d’Aizenay (85) a notamment mis en place avec Vendée numérique des permanences en mairie, ce qui a permis d’accueillir 120 personnes au total. « La ville mène aussi des actions pour sensibiliser les acteurs sociaux et les associations locales à travers un questionnaire sur les conseils pratiques sur la fin du réseau cuivre à Aizenay », explique Fabrice Praud ajoutant que si la partie technique fonctionne bien, le « plus difficile c’est l’information aux personnes. » 

Effort de pédagogie 

« La plus grosse difficulté est de faire comprendre aux gens que fibre ne veut pas dire uniquement internet, témoigne Corinne Moreau. Souvent, les personnes âgées me répondent "je n’ai pas besoin d’internet donc je ne veux pas la fibre" » . « On a aussi beaucoup de personnes âgées dans la commune et c’est compliqué de leur expliquer que demain ils n’auront plus de téléphone », raconte le maire de Darazac. 

Pour rappel, le réseau cuivre historique, fournit le téléphone, internet et la télévision. Concrètement, une fois le cuivre fermé, si la personne utilise un service de téléphonie fixe et/ou d’internet ADSL connectés via une prise en T, plus rien ne fonctionnera chez elle. La solution est donc de migrer vers la fibre. 

Les élus doivent donc redoubler d’imagination et de patience. « Sur le bulletin municipal j’ai publié une photo d’une prise téléphonique classique avec une croix dessus pour expliquer que cette dernière n’allait plus fonctionner sans la fibre », témoigne l’élue du Nord. 

Une implication qui doit rester à l'appréciation des maires 

Les associations d’élus plaident depuis plusieurs années pour la mise en place d’une « communication institutionnelle neutre »  et d’une « structure nationale »  pour encadrer cette bascule vers la fibre, sur le même modèle que le passage à la TNT. Si le gouvernement a lancé l’année dernière la plateforme treshautdebit.gouv.fr (une rubrique est dédiée aux élus locaux) force est de constater que cela reste insuffisant.

Les associations d’élus demandent depuis plus d’un an la mise en place d’une instance tripartite neutre, État, associations de collectivités locales et opérateurs pour accompagner les usagers et les élus dans cette bascule du cuivre vers la fibre (campagne d'information nationale, numéro vert…). « Ce système n’a pas été réalisé », a regretté Michel Sauvade, co-président de la commission Numérique de l'association des maires de France (AMF), qui déplore par conséquent que la question de la communication aux administrés « reste entière ». Il alerte : « le maire n’a pas à prendre à sa charge la communication des opérateurs ». 

Il est important de souligner en effet que la communication en direction des habitants doit être laissée à l’appréciation du maire. L'AMF rappelle régulièrement à Orange et au gouvernement qu'il n’appartient pas aux communes de prendre en charge les coûts occasionnés par cette communication (éditions des flyers, des plaquettes d’information, des affiches…).  

En plus des retardataires, des irréductibles 

Les premiers retours de ces communes du lot 1 qui s’apprête à couper définitivement les ponts avec le vieux réseau ADSL mettent en lumière une population dont on ne parle pas souvent lorsqu’on parle du 100 % fibre. 

Les opérateurs et politiques parlent de la fibre en taux de déploiement, c’est-à-dire en termes de locaux raccordables. Mais le taux de déploiement est différent du taux de commercialisation qui correspond aux nombres d’abonnements fibre effectivement souscrits. 

À Darazac, le maire recense actuellement « 66 % d’installations de boitiers fibre »  dans la commune. Dans la ville d’Aizenay, le taux de commercialisation est à 77,77 % alors qu’il était autour de 60 % en 2022 : « On augmente environ de deux points par trimestre », précise Fabrice Praud qui indique qu’ils vont désormais devoir aller toucher les personnes qui n’ont pas internet mais qui ont de la téléphonie fixe.

Dans les faits, tout le monde n’aura pas la fibre. « Le déploiement de la fibre suit son cours mais on ne peut pas obliger les habitants à prendre un abonnement à la fibre », pointe le maire de Darazac. Les propriétaires de résidences secondaires par exemple ne souhaitent pas forcément avoir la fibre. « Certaines personnes âgées n’ont plus qu’un mobile et ne souhaitent pas avoir internet », rapporte Corinne Moreau. C’est (parfois) une question de choix. Pour les maisons isolées géographiquement par exemple qui nécessitent des travaux conséquents en raison de raccordements complexes, des solutions basées sur la 4G sont souvent choisies à la place de la fibre, car moins coûteuse. 

Dans toutes ces communes, quel que soit le choix des habitants, les élus ont veillé à ce que les administrés puissent prendre leurs dispositions suffisamment tôt. L’éligibilité d’un logement à la fibre n’est pas une évidence et il faut en être conscient : « Nous avons eu le cas d’une maison pas du tout isolée, entourée de deux maisons déjà fibrées, qui elle, n’était pas éligible à la fibre. »  Ainsi, l’élue du Nord rappelle qu’il ne « faut pas s’y prendre à la dernière minute »  car l’obtention d’un rendez-vous peut prendre plusieurs mois. 

Ce que redoutent les élus ce sont les sursauts de dernière minute. « Des réactions négatives peuvent arriver quand les gens n’auront plus de cuivre », envisage Joël Beynel. « Il ne faut pas que tout le monde s’y prenne au dernier moment »  au risque de rallonger les délais d’attente et de laisser certains foyers « sur le bord de la route », sans internet et sans téléphone. 

Avant la fermeture du cuivre, les élus l’ont bien compris : mieux vaut prévenir que guérir. Si les élus se chargent aujourd’hui, avec leurs moyens, de la partie « prévention », on se demande qui prendra en charge la partie « guérison »  en cas de problèmes… 

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