Projet de loi Climat et publicité extérieure : vers de nouveaux pouvoirs pour les mairesÂ
Dénoncée par les associations d’élus locaux lors des auditions en commission spéciale sur le projet de loi Climat, la notion de « verticalité » infusant la rédaction des textes du gouvernement depuis quelques temps, semble ne pas avoir motivé les mesures relatives à la publicité extérieure. En la matière, c’est même un mouvement de décentralisation qui devrait s’opérer – à la demande de certaines collectivités.
Actuellement, seules les communes ou EPCI dotés d’un règlement local de publicité (RLP) peuvent exercer cette compétence – le préfet restant compétent en l’absence d’un tel règlement. Or, en 2018, 1 641 RLP communaux et 85 RLP intercommunaux étaient en vigueur ou en cours d’élaboration: environ 85 % des communes n’étaient ainsi pas couvertes par un RLP (enquête 2019 conduite par la DGALN). Le projet de loi Climat organise le transfert systématique aux maires de la police et de l’instruction des déclarations et autorisations préalables relatives aux enseignes, pré-enseignes et publicités sur leur territoire – avec possibilité de transfert au président de l’EPCI. Le texte supprime également le pouvoir de substitution du préfet en cas de carence du maire.
Publicité lumineuse : cadre renforcé
Autre nouveauté : au delà du cas des commerces vacants, les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines des commerces intégreront cette police, si elles sont « destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique ». Les maires pourront imposer en ce sens « des prescriptions en matière d’emplacement, de surface, de hauteur et, le cas échéant d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses qu’il définit » (art. 7 du PJL). Le texte prévoit en outre que « le règlement local de publicité peut soumettre l’installation de dispositifs de publicité lumineuse, autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence, ainsi que d’enseignes lumineuses à l’autorisation du maire ». Un décret devra définir les modalités d’application de cette nouvelle possibilité pour le maire.
Nouveau pouvoir, « abandon » de l’État ?
Lors des auditions en commission spéciale, Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville, représentant l’AMF avec Sylvain Robert, maire de Lens, a fait valoir que ces dispositions «tendent à favoriser l’établissement de règlement local de publicité. C’est ce vers quoi il faut aller, a-t-il relevé, mais cela nécessite des moyens, notamment financiers et en ingénierie, car il est la plupart du temps nécessaire de faire appel à des cabinets de conseil ».
Dans une lettre ouverte au président de la République en date du 10 février, l’association Paysages de France juge l’article 6 du texte « machiavélique », et appelle à modifier sa rédaction pour conserver le pouvoir « concurrent » du préfet. Extraits : « Les maires des petites communes ignorent généralement la réglementation nationale — très complexe — régissant la publicité et ne disposent d'aucun personnel formé, ne serait-ce que pour effectuer un simple constat d’infraction, dans un domaine où les illégalités sont massives. Ils seraient ainsi abandonnés par l'État face à des afficheurs aguerris. De plus, les rapports de proximité qu’entretient naturellement le maire avec, notamment, les acteurs économiques locaux le placent dans une situation inconfortable et peuvent le mettre en difficulté, y compris politiquement (…). À l'inverse, le pouvoir qu’a le préfet d'agir au nom du droit et de l'État libère les maires des pressions qui peuvent s'exercer sur eux. Et leur évite de se retrouver en première ligne. »
Néanmoins, ce transfert de compétence donnera lieu une formation assurée par l’État, ainsi qu’à une compensation financière « actuellement en cours d’évaluation », promet l’étude d’impact du projet de loi. Globalement, par la voix de Guy Geoffroy en commission spéciale, l’AMF souhaite que soit remis à l’ordre du jour « l’idéal républicain du couple élu local-préfet ». Pour le maire de Combs-la-Ville, « c’est dans le dialogue entre le représentant de l’État et les élus locaux que naît, bien souvent, la compréhension des problèmes, puis la mise en place structurée et cohérente de stratégies locales ». Le projet de loi 4D, qui vient d’être dévoilé, devrait s’y atteler. En attendant, les débats autour du projet de loi Climat n’en sont qu’à leurs balbutiements : la valse des amendements promet d’être tonique, et la discussion publique, bruyante. Gageons que l’urgence climatique reste au cœur des débats.
Caroline Saint-André
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