Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 7 avril 2025
Environnement

Pollution des fleuves au plastique : les très inquiétants résultats de la mission Tara

En 2019, la fondation Tara a réalisé plusieurs milliers de prélèvements dans neuf grands fleuves européens. Les résultats des analyses de ces prélèvements viennent d'être publiés, et montrent une présence « alarmante » de particules de micro-plastiques dans tous les échantillons. 

Par Franck Lemarc

En 2019, le navire Tara affrété par la fondation du même nom a parcouru neuf des plus grands fleuves européens – dont la Seine, la Loire, le Rhône et la Garonne – pour y réaliser quelque 2 700 prélèvements, non seulement au niveau des estuaires mais également en amont et en aval des grandes agglomérations. Les premiers résultats avaient été rapidement dévoilés par la fondation : 100 % des échantillons prélevés contenaient des particules de plastique. 

Six ans plus tard, les recherches sur ces échantillons, confiés à 19 laboratoires, sont terminées, et le bilan a été publié aujourd’hui dans le dernier numéro de la revue scientifique Environmental Science and Pollution Research. 

De multiples sources 

Principale découverte de ces analyses : tous les échantillons analysés contiennent ce que les scientifiques appellent des « petits microplastiques », c’est-à-dire des particules dont la taille est comprise entre 25 et 500 micromètres. Invisibles à l’œil nu, ces particules ont été révélées grâce à de nouvelles technologies. Et la surprise vient de leur nombre : la présence de ces particules est 1000 fois plus importante, « en nombre et en masse », que celle des « grands micro-plastiques »  (de 500 micromètres à 5 mm). Si les scientifiques ont établi une présence moyenne de 3 « grands micro-plastiques »  par mètre cube d’eau dans les fleuves étudiés, ce chiffre grimpe donc à 3 000 pour les petits micro-plastiques – résultat auquel les scientifiques ne s’attendaient pas. 

Les grands micro-plastiques retrouvés ont plusieurs origines : un quart d’entre eux est constitué de granulés de plastique industriel qui s’échappent dans l’environnement lors du transport ou du processus de fabrication. Le reste vient de l’usure ou de l’abrasion des objets en plastique, ou encore de leur décomposition. 

Pour ce qui concerne les petits micro-plastiques, ils ont eux aussi des origines variées, mais leur diffusion est extrêmement difficile à maitriser parce qu’ils sont invisibles et que leur présence est souvent inconnue des utilisateurs. Exemple typique : les micro-grains présents dans les dentifrices – aujourd’hui interdits – étaient composés de minuscules billes de plastique, recrachées à chaque utilisation dans les canalisations. Autre exemple : les nouvelles fibres utilisées par l’industrie textile contiennent des particules de micro-plastique, dont des milliers, à chaque lessive, partent dans les canalisations. La taille de ces micro-billes est si minuscule que tout filtrage est impossible. 

Mais les scientifiques insistent sur le fait que chaque geste du quotidien, dans un monde où le plastique est omniprésent, peut générer une émission de micro-particules de plastique qui se retrouvent ensuite dans la nature et dans les eaux : c’est le cas, par exemple, de chaque ouverture et fermeture d’une simple bouteille de jus d’orange ou d’eau minérale !

Bactéries pathogènes

Si la présence massive de ces petits micro-plastiques est particulièrement inquiétante, c’est que du fait de leur petite taille, ces particules sont susceptibles d’être ingérées par tous les êtres vivants. C’est, en soi, un problème, puisqu’elles contiennent par nature les produits chimiques toxiques qui entrent dans leur composition (métaux lourds, hydrocarbures, additifs divers). Mais de surcroît, les scientifiques ont découvert que ces particules peuvent également servir de véhicule à des bactéries pathogènes qui s’y « accrochent »  et peuvent ainsi être disséminées sur des grandes distances. L’étude publiée par Environmental Science and Pollution Research révèle par exemple que certaines des particules étudiées « portaient »  une bactérie dangereuse, appelée Shewanella putrefaciens, qui peut causer des infections ORL, oculaires, voire des péritonites. 

Ces découvertes montrent une fois de plus l’urgence de réduire la production et la consommation de plastique – ce qui ne semble pas à l’ordre du jour, puisque les économistes estiment qu’au rythme actuel, la production de plastique va tripler dans le monde d’ici à 2060. 

Cela ne doit pas toutefois dissuader d’essayer d’agir. En 2020, déjà, la même fondation Tara avait lancé, avec le soutien de l’AMF, une charte baptisée « Rivières et fleuves sans plastique, océans protégés », appelant les maires à faire de cette question « une priorité de leur mandat orientant l’ensemble des politiques publiques »  (lire Maire info du 26 novembre 2020). 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2