Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 25 novembre 2019
Intercommunalité

Engagement et proximité : sur l'eau et l'assainissement, le gouvernement maintient sa position

L’Assemblée nationale a achevé, vendredi, l’examen du projet de loi dit Engagement et proximité, qui fera l’objet d’un vote solennel demain. Aujourd’hui et dans nos éditions à venir, Maire info propose de faire le tour des principaux ajouts – ou retraits – effectués par les députés. En commençant par l’une des questions les plus attendues – le volet intercommunalité et la question des transferts de compétences. 

Eau et assainissement : le transfert reste obligatoire
Après un débat vif, parfois violent, les députés ont acté mardi 19 novembre le dispositif voulu par le gouvernement en matière d’eau et d’assainissement : leur transfert restera obligatoire, avec une possibilité donnée aux EPCI de redéléguer, par la suite, « tout ou partie »  de ces compétences à des communes ou des syndicats.
Rappelons que le Sénat, en accord avec la position revendiquée par les associations d’élus communaux, avait proposé de mettre fin au transfert obligatoire de ces deux compétences. La commission des lois de l’Assemblée a rétabli la version gouvernementale : transfert obligatoire en 2020, avec possibilité de report à 2026 pour les communautés de communes, et redélégation possible.
En séance, mardi, des députés de tous les bancs de l’opposition ont tenté, par amendement, de supprimer le transfert obligatoire – certains rappelant au passage les conditions surréalistes dans lesquelles avait été décidé le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement : par un simple amendement à la loi Notre, voté en pleine nuit, « sans étude d’impact ni concertation avec qui que ce soit ». 
Plusieurs députés ont défendu la « liberté »  pour les communes dans ce domaine. Cécile Untermaier (PS) a rappelé que le fait même que le gouvernement ait dû prévoir une possibilité de report à 2026 du transfert obligatoire montre « la difficulté que soulève [ce transfert] et la nécessité de ne pas le rendre obligatoire ». Raphaël Schellenberger, pour Les Républicains, a récusé l’idée selon laquelle le transfert obligatoire serait rendu indispensable pour des raisons de protection de la ressource en eau : « La maille intercommunale, à cet égard, n’est pas pertinente, parce que les intercommunalités qui n’exercent pas les compétences eau et assainissement sont précisément celles qui ne rencontrent pas de problème de partage de ressource, grâce à l’abondance de celle-ci. »  Pour le communiste André Chassaigne, soutenir le transfert obligatoire revient à dire que « le siège de l’intelligence se situe forcément dans l’EPCI ». Charles de la Verpillière (Ain, LR) a parlé, à propos du système de « redélégation », « d’acharnement thérapeutique » : « Un système sans doute très intelligent, mais quatre pages sont nécessaires pour faire comprendre ce dont il s’agit... » 
Peine perdue. Le ministre Sébastien Lecornu a défendu jusqu’au bout son dispositif et l’idée selon laquelle il représente « une simplification de la loi Notre » : « L’intercommunalité devient propriétaire des compétences eau et assainissement (…) ce qui permet de protéger la dotation d’intercommunalité des EPCI. Après quoi l’intercommunalité, avec une majorité classique, décide de redéléguer tout ou partie des compétences. » 
C’est donc ce dispositif qui a été finalement adopté. Quelques jours plus tard, lors d’une interview donnée à Maire info pendant le congrès des maires, Christine Pires Beaune, députée PS du Puy-de-Dôme, a ainsi résumé cette séquence : « Le feuilleton eau et assainissement se termine bien mal. Au moment même où le président de la République faisait une déclaration d’amour aux maires [au congrès], on était en séance et on faisait juste l’inverse : une des premières revendications de l’AMF et de l’AMRF était écartée, balayée. On est en train de mettre en place une véritable usine à gaz. C’est incompréhensible. » 

Compétences optionnelles et compétences « à la carte » 
Le gouvernement a également tranché sur la question des compétences optionnelles, dont le Sénat avait voté la suppression. Il a fait voter un amendement ne supprimant pas les compétences optionnelles, mais réduisant leur nombre de trois à un pour les communautés de communes et d’agglomération.
Explication : puisque le transfert des compétences eau et assainissement va devenir obligatoire, ces deux compétences sortent du champ des compétences optionnelles. En l’état actuel de la loi, après le transfert, les EPCI seraient donc contraints de prendre deux compétences optionnelles nouvelles. Pour éviter cela, il a donc été décidé de réduire leur nombre à un. 
Troisième sujet d’importance sur l’intercommunalité : la question des compétences « à la carte »  – là encore un dispositif voté par le Sénat, qui avait autorisé le transfert aux EPCI, par certaines communes, de compétences facultatives et de certains équipements d’intérêt communautaires. 
La commission des lois, en accord avec le gouvernement, a proposé une autre rédaction pour ce dispositif, estimant que la version du Sénat était juridiquement contestable.  « L’intercommunalité à la carte telle que prévue par le Sénat aurait pour inconvénient d’entraîner un sectionnement du conseil communautaire, a développé Sébastien Lecornu en séance. C’est-à-dire que si le maire d’une commune choisit de conserver telle ou telle compétence, il ne pourra plus s’exprimer au sein de l’intercommunalité. Pour chaque délibération, la morphologie du conseil communautaire change donc en fonction de l’intérêt communautaire de tel ou tel équipement et de l’exercice d’une compétence facultative par telle ou telle commune. »  Il a été proposé et adopté une version jugée « plus sécurisante » : « Les communes membres d’un EPCI à fiscalité propre peuvent transférer à ce dernier, en tout ou partie, certaines de leurs compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à l’exercice de ces compétences. » Ce dispositif serait valable pour tous les EPCI à fiscalité propre, y compris communautés urbaines et métropoles.

Sans trancher sur la question de savoir si cette rédaction est « plus sécurisante »  ou non, on peut remarquer qu’elle manque de clarté. Que veut dire en effet « les communes membres » ? Toutes les communes, ou certaines d’entre elles ? Dans le premier cas, comme l’a fait remarquer Charles de Courson, cela ne change rien puisque cela correspond à l’intérêt communautaire ; dans le second, il s’agit bien de transferts « à la carte ». Bruno Questel, rapporteur LaREM du texte, a dit oralement que cela voulait bien dire « certaines d’entre elles ». Reste à savoir pourquoi cela n’est pas écrit ainsi. 
Cette question – tout comme celle de l’eau et de l’assainissement – sera certainement au centre des débats de la future commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. Celle-ci, selon nos informations, devrait avoir lieu le jeudi 5 décembre. 

F.L.

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