Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 6 avril 2022
Guerre en Ukraine

Enfants déplacés d'Ukraine : comment assurer l'accueil en crèche

Le conseil d'administration de la Cnaf a décidé, hier, que la branche Famille « prendrait en charge les frais d'accueil » en crèche des enfants déplacés d'Ukraine, pendant toute l'année 2022. Ce qui ne résout pas les problèmes de pénurie de personnels.

Par Franck Lemarc

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Selon les chiffres les plus récents, 6 800 enfants venus d’Ukraine sont à présent scolarisés en France. On ignore, en revanche, le nombre d’enfants en bas âge susceptibles d’être accueillis en crèche. Néanmoins, la Cnaf a annoncé qu’elle prendrait en charge, via la PSU (prestation de service unique), « le coût de l’accueil en crèche de tous les enfants des personnes bénéficiaires de la protection temporaire ». On ne sait pas précisément, à cette heure, de quoi il s'agit : la Cnaf va-t-elle prendre en charge l'intégralité du coût de l'accueil, ou uniquement la partie habituellement versée par les familles, laissant le reste à charge habituel aux collectivités ? Ce point demande à être éclairci. 

La Cnaf rappelle que l’accueil en crèche est crucial pour les enfants déplacés, dans la mesure où il permet notamment de favoriser leur apprentissage de la langue française, et pour les parents, pour « leur permettre de disposer de temps de répit pour notamment se concentrer sur leurs démarches en France (administratives, hébergement, recherche d’une formation/emploi) ». 

Elle invite donc les gestionnaires de crèches à « signaler leurs disponibilités de places au préfet de leur département (…) et se rapprocher des associations désignées par les préfectures pour l’accompagnement de ces familles afin de faire valoir leur offre de service ». 

Vaccination

Dans une note détaillée publiée le 31 mars, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est revenue sur les modalités de l’accueil des jeunes enfants (de 0 à 3 ans) déplacés d’Ukraine. Ce document donne plusieurs précisions importantes. 

Premièrement, il faut retenir que les enfants déplacés d’Ukraine sont « éligibles à l’ensemble des modes d’accueil »  mais pas au CMG (complément de libre choix du mode de garde, qui permet la prise en charge partielle de la rémunération d'une assistante maternelle agréée). Il est donc « préférable »  de les orienter vers « des établissements financés par les CAF au titre de la PSU ». 

L’admission des enfants en crèche ne peut se faire que sur présentation d’un certificat médical datant de moins de deux mois « attestant de l'absence de toute contre-indication à l'accueil en collectivité ». Il est recommandé de laisser un délai de 15 jours après l’admission pour permettre aux familles arrivées dans l’urgence de se voir délivrer ce certificat. Par ailleurs, les enfants déplacés sont soumis aux mêmes règles que les autres en matière de vaccination obligatoire. Les enfants peuvent être admis à titre provisoire pendant trois mois sans avoir reçu ces vaccins, mais passé ce délai, leur maintien dans les établissements sera impossible « aussi longtemps que la situation vaccinale ne sera pas régularisée ». Toutefois, si l’enfant commence son parcours vaccinal, le délai de trois mois ne court plus : « Dès lors que les premières injections ont été réalisées (…), les vaccinations se poursuivent et sont complétées au-delà de ce délai sans que l’accueil de l’enfant ne soit remis en cause ». 

La DGCS appelle à une vigilance toute particulière sur la tuberculose, rappelant que l’Ukraine est le deuxième pays d’Europe le plus touché par cette maladie. Il est donc essentiel d’être attentifs aux symptômes, qui sont décrits sur une page dédiée du site ameli.fr 

« Socialisation » 

La DGCS insiste sur le fait que les enfants déplacés d’Ukraine, comme tous les enfants de réfugiés d’où qu’ils viennent, sont victimes d’une « situation de stress qui rend d’autant plus importante la qualité des activités de soins et d’éducation qui sont menées à leur égard ». Il est recommandé, tout d’abord, d’identifier rapidement dans les équipes ou localement des personnes pouvant assurer l’interprétariat. Au-delà, il convient de suivre les recommandations de la Charte nationale de l’accueil du jeune enfant et « d’inviter les enfants à s’ouvrir et à s’exprimer par les arts notamment plastiques et corporels », afin de contribuer à leur « socialisation ». 

Pénurie de personnels

Reste à savoir comment les établissements vont pouvoir faire face à cet afflux d’enfants à recevoir, dans une situation déjà très tendue, marquée par le manque de places en crèche et la pénurie de personnels (lire Maire info du 4 avril. D’autant que, dans certaines communes, d’autres urgences existent et qu’il est complexe, pour les maires et pour les gestionnaires, de « prioriser »  les demandes. Xavier Madelaine, maire d’Amfreville et co-président du groupe de travail Petite enfance à l’AMF, confirme ce matin auprès de Maire info que le problème est « bien réel », face à une « pénurie intense ». « Une fois encore, c’est la solidarité qui permet de faire face partiellement », explique le maire d’Amfreville, qui indique que « certaines familles cherchent à mobiliser d’autres modes de garde pour leurs enfants afin de libérer des places en crèche pour les enfants ukrainiens ». 

Au-delà, la DGCS indique qu’il est possible de faire appel à l’aide des étudiants en formation aux métiers des modes d’accueil du jeune enfant et aux retraités de ce secteur. Ces personnes, si elles sont volontaires, peuvent se faire connaître sur la plate-forme JeVeuxAider.gouv.fr, sur la page consacrée au bénévolat pour l’Ukraine

L’administration suggère également de faire appel, là où c’est possible, aux personnes déplacées elles-mêmes, à qui le statut de protection temporaire donne droit à travailler. La note de la DGCS fournit des références sur les emplois et qualification dans le secteur de la petite enfance en Ukraine. « Il est recommandé aux établissements d’accueil de jeunes enfants qui connaissent des difficultés de recrutement de faire connaître leurs besoins auprès de la préfecture et des associations qui accompagnent les déplacés », et il pourra être envisagé de recruter des personnes déplacées pour travailler dans les crèches et les EAJE, dans le respect des textes en vigueur relatifs aux qualifications nécessaires afin de garantir la qualité de l’accueil. 

Ces solutions sont « intéressantes »  mais « ne vont pas suffire », redoute Xavier Madelaine. « Tout ce que je peux espérer, c’est que cette question mette un peu plus en lumière la question de la pénurie de personnel et accélère les travaux et les réflexions en cours dans la filière ». 

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