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Édition du jeudi 11 juillet 2024
Énergie

Des éoliennes toujours plus grandes... jusqu'à un certain point

Sur terre et surtout en mer, les éoliennes ne cessent de gagner en taille et en puissance, pour fournir plus d'électricité décarbonée nécessaire face au réchauffement climatique. Une course au gigantisme qui a cependant ses limites, expliquent des représentants de cette industrie.

Par AFP

Depuis 1999, une éolienne terrestre moyenne a vu sa puissance tripler, de 1 à plus de 3 mégawatts (MW), et sa hauteur de mât passer de 60 mètres à plus de 100, permettant de capter des vents plus forts et de réduire la friction des reliefs, selon une note du département américain de l'Énergie.

C'est encore plus frappant dans l'offshore, où l'éolienne type est passée de 6 MW en 2016 à 12 MW, voire près de 15 MW comme pour les 60 unités du parc écossais de Moray West, aux pales de 108 m, un parc à même d'alimenter 1,3 million de foyers.

Aujourd'hui, la Chine, arrivée bien après les Européens sur cette activité, annonce un modèle de 20 MW avec un diamètre de rotor approchant 300 m. « On voit une course au gigantisme en mer car les possibilités sont plus grandes sans les contraintes »  terrestres, relève Matthieu Monnier, délégué général adjoint de l'association professionnelle France Renouvelables. « Les développeurs de projets cherchent une optimisation économique » : un coût de l'énergie in fine réduit. Pour riverains et donneurs d'ordre, c'est aussi moins d'unités plantées pour une même capacité globale.

C'est enfin le moyen d'installer des parcs plus puissants : la France, après un premier parc de 480 MW inauguré en 2022 à Saint-Nazaire (ouest), prévoit désormais 1 gigawatt (GW) au large d'Oléron (ouest), 1,5 GW en Manche... Des volumes déjà à l'oeuvre au Royaume-Uni ou en Allemagne.

Plus loin des côtes

Demain, à côté de l'éolien posé sur le sol marin, la technologie du flottant, aujourd'hui au stade pilote, ouvrira l'accès à des zones profondes, plus loin des côtes. Avantage : s'éloigner de l'œil humain, et accrocher des vents plus puissants et réguliers, autant de facteurs propices aux grands engins.

Pour Ricardo Rocha, directeur technique du développeur de projets allemand BayWa r.e, le flottant permettra aussi aux grosses éoliennes de s'affranchir de fondations devenues trop imposantes, remplacées par des flotteurs moins massifs.

Car « si les infrastructures autour de l'éolienne deviennent trop grosses, il n'y aura plus d'outils pour les produire », note-t-il. Pour lui, « il y aura forcément une limite à la croissance des éoliennes », mais le flottant pourra la repousser, un peu.

Limites physiques

La croissance des turbines et l'extension des parcs se heurteront de fait à des obstacles, concèdent les acteurs. Il y a la question des infrastructures portuaires et des rares bateaux à même de prendre en charge des nacelles de plus en plus lourdes ou des pales de plus de 100 mètres... Si le parc est lointain, comment garantir surveillance et maintenance, au-delà des seuls drones?

Les très grandes profondeurs sont aussi une limite, car on ne sait pas (encore) fabriquer en version flottante l'indispensable plateforme électrique reliant les éoliennes pour renvoyer le courant à terre. Et puis il faudra toujours enfouir dans le sol marin le câble chargé de ramener le courant au rivage. Tout cela à quel prix?

Conséquences financières

Déjà, la montée en puissance des éoliennes s'est faite au prix d'une fragilisation économique des constructeurs européens, contraints de concevoir des machines toujours plus puissantes avant d'avoir rentabilisé les précédentes, explique Matthieu Monnier, qui voit là une course « un peu mortifère ».
« C'est tout le sujet du jeu que jouent les Chinois aujourd'hui en continuant la course à la puissance un peu sans limite, car qu'ils soient rentables ou pas, ils seront toujours subventionnés », pointe-t-il.

Le patron du danois Vestas a estimé dès l'an dernier que ses éoliennes étaient désormais assez grandes. Mais l'américain GE a annoncé développer une 18 MW, et le germano-espagnol Siemens Gamesa, qui a sorti cinq modèles en dix ans, porte un projet allant au-delà.

« Jusqu'où ira-t-on? 30 MW? On n'a pas encore la réponse », dit Matthieu Monnier. Mais « à un moment cela va s'arrêter », quand une machine coûtera plus que ce qu'elle produit, tous coûts additionnés, et puis « le vent a aussi ses limites ».

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