En commission des lois, les sénateurs valident le pass vaccinal, mais sous conditions
Par Franck Lemarc
« L’impératif de protection des personnes peut justifier l’imposition d’un passe vaccinal ». Cette phrase, extraite du rapport du sénateur Philippe Bas sur ce texte, résume la position du Sénat, dominé, à la différence de l’Assemblée nationale, par l’opposition : celle-ci n’est pas défavorable à la transformation du pass sanitaire en pass vaccinal et n’y fera pas obstacle.
Toutefois, les sénateurs estiment que cette évolution est « fortement restrictive de libertés », et qu’il convient donc de l’encadrer « plus strictement ». Ils ont donc proposé de rendre conditionnelle la mise en place de ce pass vaccinal, et non de droit commun comme le souhaite le gouvernement.
Pass vaccinal conditionnel
Dans son rapport, Philippe Bas fait état d’une situation sanitaire « très inquiétante », du fait de la concomitance des variants Delta et Omicron et de la diminution désormais « avérée » de l’efficacité des vaccins avec le temps. Le sénateur de la Manche estime qu’il faut agir pour éviter à la fois la saturation des hôpitaux et « le risque de désorganisation de l’économie et de la société » qu’impliquerait un trop grand nombre de malades.
Les sénateurs n’ont donc pas rejeté le principe du pass vaccinal, mais le principal amendement qu’ils ont voté en commission concerne la conditionnalité de celui-ci. Conditionnalité double : d’une part, ils proposent que le pass vaccinal ne puisse être imposé (ou maintenu) que si le nombre d’hospitalisations covid-19 est supérieur à 10 000 au niveau national (pour mémoire, il est à ce jour de 22 749). Si ce chiffre national est inférieur à 10 000, les sénateurs proposent de territorialiser l’usage du passe vaccinal, qui ne serait rendu obligatoire que dans les départements où une double condition est remplie : une couverture vaccinale inférieure à 80 % de la population du département ; et un « taux d’incidence élevé ». On notera que les sénateurs n’ont pas fixé de chiffre sur ce dernier critère.
On se souvient que le Sénat avait vivement combattu, en novembre, lors de l’examen du précédent projet de loi sanitaire, l’échéance fixée par le gouvernement au 31 juillet 2022. Il estimait en effet que cette validité de huit mois, pour un texte contenant des mesures très dérogatoires au droit commun, était bien trop long sans nouveau passage devant le Parlement. Le Sénat estime aujourd’hui que ce nouveau texte présenté devant le Parlement suscite, de fait, le débat qu’il attendait, et estime donc sa revendication « satisfaite ».
Refus du pass vaccinal pour les mineurs
Autre point important soulevé par le Sénat : celui du pass vaccinal pour les mineurs. Rappelons qu’à l’issue du débat à l’Assemblée nationale, il a été acté que le pass vaccinal serait bien exigé des mineurs, à l’exception des activités effectuées dans le cadre scolaire pour les mineurs de 12 ans et plus, périscolaire et extrascolaire pour les mineurs de 16 ans et plus. La commission des lois du Sénat a jugé ces dispositions « confuses, voire inintelligibles ». Elle propose donc de limiter le pass vaccinal aux seuls majeurs, le pass sanitaire restant en vigueur pour les mineurs.
La commission a également assoupli la possibilité faite aux gestionnaires d’établissements de vérifier l’identité des personnes présentant un pass vaccinal, en permettant de présenter comme document non pas seulement une CNI ou un passeport mais également n’importe quel document officiel comportant une photo (carte de transport, carte Vitale, carte professionnelle, etc.). La commission a également précisé que seule une consultation visuelle de ce document serait autorisée, « à l’exclusion de toute collecte et conservation des données d’un tel document ».
Il faut aussi retenir que la commission des lois s’est formellement opposée à la mesure souhaitée par le gouvernement en matière de télétravail, à savoir l’imposition d’une amende de 1000 euros par salarié si l’employeur ne respecte pas le nombre de jours de télétravail demandé par le gouvernement. Jugeant cette mesure « coercitive », « contre-productive » et « instaurant une forme de suspicion généralisée sur les intentions des employeurs », les sénateurs l’ont tout bonnement supprimée.
Il reste maintenant à discuter de ce texte amendé en séance publique, laquelle démarrera aujourd’hui à 14 h 30. Plusieurs amendements déjà déposés proposent de rejeter le pass vaccinal ou encore de revenir sur l’obligation vaccinale des soignants, ou encore de supprimer la possibilité pour les gérants d’ERP de pouvoir contrôler l’identité des personnes présentant un pass.
Changement de protocole à l’école
Actualité covid-19 toujours : le Premier ministre a présenté hier la énième modification au jour le jour du protocole dans les écoles, une fois encore dans les médias (sur le plateau du 20 heures de France 2) et non par une communication officielle aux acteurs concernés. Les modifications annoncées visent à « simplifier » la vie des parents d’élèves : au lieu d’un test PCR ou antigénique suivi de deux autotests, les enfants cas contact pourront faire désormais « trois autotests ». Et au lieu d’une attestation à produire à chacun des trois tests, les parents n’auront plus à en fournir qu’une seule. Ces annonces n’ont pas encore été intégrées, ce matin, dans la FAQ du ministère de l’Éducation nationale.
Ces décisions pourraient n’avoir qu’un impact limité sur les difficultés rencontrées aujourd’hui par les parents, dans la mesure où la principale d’entre elles est, précisément, de trouver des autotests, jusqu’à maintenant difficilement disponibles dans les pharmacies. La principale fédération de parents d’élèves, la FCPE, a d’ailleurs appelé hier – fait rarissime – à se joindre au mouvement de grève lancé pour jeudi par sept syndicats d’enseignants.
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