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Édition du lundi 27 mai 2024
Emploi

Assurance-chômage : les conditions d'indemnisation seront particulièrement durcies

Le Premier ministre a dévoilé les détails de la réforme de l'assurance-chômage qui entrera en vigueur au 1er décembre. Si l'objectif de l'exécutif est de créer « toujours plus d'emplois », les syndicats dénoncent une réforme purement « budgétaire » qui pourrait avoir de graves conséquences sur les chômeurs.

Par A.W.

Éligibilité aux droits rendue plus difficile, durée d’indemnisation réduite et durcissement des règles pour les seniors. Dans un contexte de baisse du chômage enrayée depuis un an et d’explosion du déficit budgétaire de l’État, le Premier ministre a confirmé que l’exécutif allait redonner un nouveau tour de vis au système de l’assurance-chômage.

Dans un entretien accordé hier à La Tribune du dimanche, Gabriel Attal a ainsi détaillé ses mesures en assurant que « si nous ne réformons pas aujourd’hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi ». Selon lui, cette réforme sera « le carburant qui […] permettra de créer toujours plus d’emploi dans notre pays ».

Durée d'indemnisation réduite

Alors que le gouvernement compte toujours ramener le taux de chômage à 5 % en 2027, celui-ci s’est établi à 7,5 % au premier trimestre 2024, selon les derniers chiffres de l’Insee, après avoir atteint, en début 2023, son niveau le plus bas depuis 1982, à 7,1 % de la population active. 

Si l’entrée en vigueur de la réforme aura lieu « le 1er décembre », celle-ci ne passera pas par le Parlement puisque Gabriel Attal a précisé que ses dispositions seront mises en œuvre dans le cadre d’un « décret »  qui sera publié « le 1er juillet ».

Sans réelle surprise, le Premier ministre a choisi de réduire à la fois la durée d’indemnisation des allocataires tout en durcissant leur accès aux droits.

Pour pouvoir y accéder à partir du 1er décembre, « il faudra travailler huit mois sur les 20 derniers mois »  alors que « jusqu’ici, il fallait avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois pour percevoir une indemnisation », a-t-il indiqué. On peut également rappeler que jusqu’à la réforme de 2019, il fallait avoir travaillé quatre mois sur les 28 derniers mois.

Les conséquences sont importantes puisque la durée maximale d'indemnisation sera réduite de 18 à 15 mois pour les moins de 57 ans « dans les conditions actuelles », a-t-il expliqué. Pour cela, le taux de chômage devra continuer à évoluer dans une fourchette comprise entre 6,5 % à 9 % de la population active. Là aussi, les règles sont renforcées puisque si le taux de chômage tombe en dessous de 6,5 %, la durée maximale d’indemnisation sera encore réduite pour atteindre les 12 mois.

Durcissement pour les seniors 

Autre annonce visant, cette fois, les seniors : le bénéfice d'une indemnisation plus avantageuse que le droit commun sera désormais réservé aux chômeurs âgés de 57 ans et plus jusqu'à 22,5 mois, contre 27 mois aujourd’hui. Les salariés âgés de 53 et 54 ans, qui peuvent encore actuellement être indemnisés jusqu'à 22,5 mois, n’y auront plus droit. 

Étudiant « la proposition des partenaires sociaux de créer un CDI senior », Gabriel Attal a également confirmé la création d’un « bonus emploi senior »  qui permettra de compléter pendant un an le salaire d’un senior moins élevé que le précédent. Celui-ci a récusé l’idée que cette mesure inciterait les chefs d’entreprise à payer moins bien les seniors.

3,6 milliards d'euros d’économies

Si le Premier ministre n'a évoqué aucun chiffre hier, l'exécutif avait calculé, la semaine dernière, que les mesures annoncées devraient permettre de dégager 3,6 milliards d'euros d'économies, les derniers chiffres de l’Unedic indiquant que les dépenses trimestrielles d’indemnisation étaient en « hausse de 8 % »  fin 2023, à hauteur à 9,1 milliards d’euros.

Le gouvernement prévoit également que 90 000 personnes supplémentaires retrouveront le chemin de l’emploi. Une réforme « de prospérité et d’activité », « pas une réforme d’économies », a, toutefois répondu, le Premier ministre à ses détracteurs.

En effet, celle-ci serait un moyen d’augmenter les recettes sans augmenter les impôts. Avec un « nombre plus important de Français qui travailleront », il y aura « plus de financements pour notre système », a-t-il défendu puisque chaque nouvel emploi génèrera des recettes supplémentaires en cotisations salariales et patronales.

« Réforme populiste » 

Reste que la réforme devrait affecter un nombre important d'allocataires, si l'on en croit l’étude d’impact des évolutions du régime qui a été présentée aux administrateurs de l’Unedic (mais qui ne correspondent pas exactement à ce qu’a décidé le gouvernement). Selon des révélations du Monde, celle-ci montre que la réduction de la durée d’affiliation devrait affecter prioritairement les plus jeunes et les personnes en CDD.

Si elle « passait à sept mois, 11 % des allocataires seraient pénalisés (avec une entrée plus tardive dans le régime) », alors que si elle « était relevée à 12 mois, 31 % des personnes seraient touchées », indiquait le document, tandis que le raccourcissement de la « période de référence »  à 18 mois aurait conduit à « impacter 32 % des allocataires ».

« Ce n'est pas une politique d'incitation au retour à l'emploi, c'est une politique budgétaire », a réagi auprès de l'AFP Olivier Guivarch, négociateur sur l’assurance chômage de la CFDT, alors que la CGT a qualifié cette réforme de « criminelle ».

« C'est une réforme populiste », a critiqué, de son côté, le secrétaire général des cadres de la CFE-CGC François Hommeril sur RMC, accusant le gouvernement de mentir pour « faire les poches »  des salariés en stigmatisant les chômeurs. 

« Ça va faire baisser de plus de 15 % les demandeurs d'emploi qui entreront dans l'indemnisation chômage, c'est-à-dire qu'on va laisser dans la précarité et la pauvreté des demandeurs d'emploi précaires déjà », a déploré Michel Beaugas de FO auprès de l’AFP, en promettant d'attaquer devant le Conseil d'État ce qu'il considère comme « le pire durcissement des conditions d'indemnisation qui soit mis en œuvre depuis toujours ». 

Interrogé sur Franceinfo, l'économiste Bertrand Martinot, expert associé à l'Institut Montaigne (un groupe de réflexion libéral) y a vu, lui aussi, « un durcissement assez considérable »  et a reconnu - bien qu'il soit favorable à la réforme - que ces mesures toucheront particulièrement « les jeunes qui arrivent sur le marché du travail »  et « ceux qui enchaînent les CDD »  car « la barre des huit mois sera plus difficile à atteindre ».

On peut rappeler que le montant moyen de l’allocation mensuelle nette reçue par les allocataires était de 1 022 euros au 4e trimestre 2023 et que près de la moitié de ceux qui sont pris en charge travaillent déjà une partie du mois, selon les dernières données de l’Unedic.

Le gestionnaire de l’assurance-chômage constate notamment que la part des dépenses d’indemnisation résultant de fins de contrats à durée limitée (CDD, intérim, apprentissage) a diminué depuis 2020, « passant de 40 % à 34 % en 2023 ». 

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