Accès à l'emploi dans les QPV : des politiques publiques jugées « inefficaces » par la Cour des comptes
Par Lucile Bonnin
Contrats de ville, plan « #1jeune1solution », programme « Équip’emploi » … Ces dernières années, le nombre de dispositifs en faveur de l’emploi pour les habitants des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ont largement augmenté.
Mais ces politiques déployées en faveur des 5,4 millions d’habitants des QPV s’avèrent être inefficaces. C’est ce que démontre une enquête menée par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Le constat est clair : sur la période 2015-2021, les contrats de ville signés en 2014 –qui devaient réduire de moitié les écarts de taux d'emploi – n’ont pas eu l’effet escompté. Les différentes aides liées à la crise sanitaire n’y ont rien changé non plus. La Cour constate que l’écart entre le taux d'emploi en QPV (43,8 %) et hors QPV (64,8 %) s’établit à 21,3 points en 2019 alors qu’il était de 21 points en 2014.
Cet échec peut être expliqué, selon la Cour, par deux constations. D'abord, les dispositifs seraient insuffisamment adaptés aux besoins et aux profils des habitants des QPV. D’autre part, la Cour regrette le déploiement « très insatisfaisant » de cette politique pour l'emploi, surtout au niveau national.
Des dispositifs peu adaptés
« La Cour fait le constat que les spécificités des quartiers prioritaires de la politique de la ville et de leurs habitants sont insuffisamment prises en compte et que la multitude de dispositifs existants ne bénéficie pas suffisamment aux publics les plus fragiles » , peut-on lire dans le rapport.
Premier point soulevé par la Cour : les problématiques de pauvreté (25 % des habitants des QPV perçoivent le RSA) et d'orientation scolaire dans ces quartiers, qui ne sont pas assez prises en compte.
Les magistrats financiers rappellent que « un lien étroit existe entre non-emploi et pauvreté » et que l’orientation des jeunes au lycée « s’opère souvent par un niveau scolaire insuffisant pour pouvoir prétendre à des filières générales et le choix du parcours au sein même de la filière professionnelle semble être souvent influencé moins par les envies que par la liste des parcours disponibles dans le lycée d’affectation. »
Autre critique : la complexité de l’accessibilité de ces dispositifs pour les publics les plus fragiles. En effet, la Cour dénonce « l’illisibilité des dispositifs de l’emploi » qui « sont d’une grande complexité pour les usagers et même pour les professionnels et les opérateurs qui sont chargés de les mettre en œuvre. »
La Cour indique par conséquent qu’une « approche substituant à l’entrée par les dispositifs une entrée par les personnes mériterait d’être étudié » citant comme exemple l’expérimentation « Territoires zéro chômeur longue durée » (lire Maire info du 1er juillet 2021) qui s'appuie sur une « prise en compte complète des besoins » du demandeur d’emploi.
Améliorer le déploiement de la politique de l’emploi
La Cour déplore « l’absence d’un pilotage national » de cette politique et les inégalités de déploiement qui existent entre les territoires. L’accès à l’emploi est en effet relativement dépendant des acteurs locaux et de leurs implications qui peuvent être variables. Par exemple, en matière de pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric), « toutes les régions ne sont pas engagées au même niveau » dans sa mise en œuvre.
Il a aussi été déterminé par les magistrats que « l’efficacité du déploiement des dispositifs reste dépendante de la capacité des préfets et de leurs délégués à mobiliser différents acteurs du bassin d’emploi ou du QPV. Les mêmes nombreux acteurs sont mobilisés, qu’il s’agisse de coordination pour tous les publics ou pour ceux des QPV, et le déploiement récent et simultané de deux organisations concurrentes, d’un côté le service public de l'insertion et de l'emploi SPIE et de l’autre les cités de l’emploi, n’apparaît pas cohérente. »
La Cour appelle à un changement méthodologique pour plus d’efficacité et recommande concrètement « l’intégration plus systématique de l’entreprise en amont et au fil de toute démarche d’insertion » et surtout « le développement de "l’aller vers", avec l’appui du milieu associatif, tout particulièrement dans le milieu sportif » . (lire Maire info du 28 février)
Télécharger le rapport dans son intégralité.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Une enquête de l'AMF sur les CRTE met en lumière les « limites » du dispositif