Incendies : Emmanuel Macron reconnaît la nécessité de « décisions structurantes » dans les mois à venir
Par Franck Lemarc
Emmanuel Macron, a salué un à un les pompiers présents, les qualifiant de « héros absolus » et les remerciant « au nom du pays tout entier », pour avoir notamment permis qu’il n’y ait « pas de victimes après l’un des plus grands feux de notre histoire ». Le chef de l’État s’est également entretenu avec plusieurs maires, dont celui de la Teste-de-Buch, Patrick Davet, celui de Biganos, Bruno Lafon, celle de Gujan-Maestras (et présidente de la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon sud), Marie-Hélène des Esgaulx. Le chef de l'État a également échangé avec le président de l'Association départementale des maires de la Gironde, Bernard Lauret. Il a écouté les maires qui lui ont expliqué les difficultés auxquelles ils font face et qui, pour certains d’entre eux, expriment depuis plusieurs jours des critiques notamment sur le positionnement des moyens aériens de défense contre l’incendie.
« Grand chantier national »
Le chef de l’État a ensuite pris la parole devant la presse, d’abord « remercier » tous les acteurs « qui ont contribué à l’effort » - pompiers, policiers, gendarmes, agents de l’ONF, bénévoles, élus, qui ont constitué « une formidable chaîne de solidarité humaine ».
« Nous sommes en début de saison et le combat n’est pas terminé », a indiqué le président de la République, avec la multiplication des incendies « y compris dans des zones totalement inédites » comme la Bretagne. « Les semaines qui viennent vont être très dures », a prévenu le chef de l’État, qui a voulu souligner que cette situation a été « anticipée » ces dernières années : « L’investissement de la nation dans sa sécurité civile a été augmenté de 40 %, (…) et nous avons aujourd’hui la flotte la plus moderne d’Europe : nous avons 22 avions et 35 hélicoptères ». Mais, a-t-il poursuivi, le changement climatique va s’accélérer, « ce qui va nous imposer de prendre des décisions structurantes dans les mois qui viennent pour les années qui viennent ». Ces décisions seront orientées par des réflexions qui seront menées dans les semaines à venir : « Quels nouveaux moyens ? Comment les positionner ? Comment améliorer la solidarité européenne ? Nous allons lancer ces sujets, sans tabou. »
Le chef de l’État a également assuré aux maires qu’il resterait « à leurs côtés pour le jour d’après ». « Il va falloir replanter et rebâtir », a déclaré Emmanuel Macron qui a annoncé le lancement d’un « grand chantier national pour replanter cette forêt », avec « des règles plus protectrices dans la durée ». Il a également promis aux acteurs économiques, notamment dans le secteur des campings, un « accompagnement ».
Sur la gestion de la forêt, le chef de l’État a constaté, en répondant aux questions des journalistes, que « le travail des pompiers a été entravé et que des risques ont été pris parce que l’usage de la forêt n’était pas le bon. On ne peut pas refaire la forêt avec les mêmes règles, il faut des sentiers, des points de passage. »
Emmanuel Macron a convenu – comme le soulignent maires et élus départementaux depuis le début de cette crise – qu’il y a un « sujet » sur le pré-positionnement des moyens aériens et terrestres de lutte contre l’incendie. « On doit améliorer le déploiement et le pré-positionnement », ce qui ne pourra se faire que « dans la durée », après la saison estivale. Interrogé sur le nombre de Canadair, le président de la République a répondu que ce nombre était « suffisant ces dernières années », mais que ce n’est plus le cas. « Faut-il en avoir davantage ? La réponse est oui. » Il a repris, à ce sujet, très exactement les propos tenus la veille par les présidents des départements de la Gironde et des Landes, dans leur lettre ouverte (lire Maire info d’hier) : « Il faut regarder les choses avec trois dimensions : on a besoin d’une flotte européenne ; il faut des capacités opérationnelles nationales, en particulier pour la maintenance ; et puis il faut des pré-positionnements zonaux ».
Réactions
À l’issue de cette prise de parole, la maire de Biganos, Bruno Lafon, président de la Défense des forêts contre les incendies en Aquitaine, a estimé avoir été « entendu » par le chef de l’État. « Nous avons interpellé le président sur la gestion des forêts, sur la prévention, sur les moyens aériens insuffisants. Je pense que nous avons été entendus puisque le président a commencé à apporter quelques réponses. »
Réaction moins positive, hier soir, de la FNCofor (Fédération nationale des communes forestières) et de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), qui ont publié un communiqué commun en début de soirée, dans lequel les deux associations critiquent vivement les suppressions d’emplois prévues à l’ONF : « Les évènements montrent la nécessité d’avoir des services publics forestiers forts. Or, ceux-ci sont de plus en plus en tension et il est inenvisageable dans ces circonstances de réduire encore les effectifs de l’Office National des Forêts (ONF) comme le prévoit le contrat d’objectifs et de performance État-ONF. Près de 500 postes à l’ONF devraient être supprimés dans les années à venir. »
Parallèlement, un certain nombre de voix s’élèvent pour dire que la question des moyens matériels de lutte contre l’incendie n’est pas la seule à devoir être prise en compte – celle des moyens humains étant au moins aussi importante tout comme celle de la gestion des Sdis (Services départementaux d’incendie et de secours). Hier, lors de la séance de questions au gouvernement du Sénat, le sénateur socialiste du Gard, Denis Bouad, a par exemple interpellé le gouvernement sur la fiscalité des Sdis : « Comment justifier que les Sdis soient soumis au malus écologique sur des véhicules indispensables à leurs interventions ? Et qu'ils soient assujettis à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont l'armée, par exemple, est exonérée ? ». Il a également posé la question des moyens humains : « Le volontariat de nos sapeurs-pompiers, rémunérés seulement 9 euros de l'heure, ne sera pas une réponse suffisante à long terme. Allez-vous recourir à la solidarité nationale pour le financement des Sdis ? ».
La ministre interpellée, Caroline Cayeux, n’a pas répondu concrètement à ces questions mais a rappelé qu’un « rapport sur cette question » sera remis au Parlement d’ici … à la fin de l’année. « Il devra comporter des prévisions de recettes et de dépenses et une analyse des critères de calcul des dotations versées à ces établissements. Il déterminera les besoins associés aux prestations versées aux sapeurs-pompiers et les conditions dans lesquelles une allocation de vétérance peut être accordée. Ce rapport posera les bases de la réflexion que vous appelez de vos vœux », a conclu la ministre.
Moyens humains
Cette question des moyens humains devra, en effet, être au cœur des « réflexions » promises par le chef de l’État. Comme l’indiquait hier à Maire info Raphaël Brun, maire de Châteauneuf-de-Galaure (Drôme), lui-même pompier volontaire et responsable de la cellule volontariat du groupement Nord du Sdis 26, « un réel travail sur l’organisation de la sécurité civile doit se faire », car « les recrues sont rares et la disponibilité en chute libre. Il faut bien avoir à l'esprit que 80 % des interventions de secours, sont réalisées par des sapeurs-pompiers volontaires ! C'est à dire des femmes et des hommes qui quittent leur travail pour réaliser tout type de mission. Cela demande une très grande disponibilité et un accord des employeurs. » S’il s’agit certes, pour ce maire, « d’un modèle exemplaire », il est nécessaire de travailler sur la « disponibilité » des sapeurs-pompiers-volontaires, « face à des sollicitations en constante progression ». Et de conclure, non sans bon sens : « Nous pouvons multiplier le nombre de véhicules, d'avions, d'hélicoptères… si nous n'avons personne à mettre à bord cela ne sert à rien. »
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