Maire-info
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Édition du jeudi 11 juillet 2024
Gouvernement

Emmanuel Macron demande la création d'une « large coalition »

Le chef de l'État a adressé hier une « lettre aux Français » pour indiquer sa position dans la situation politique inédite que connaît le pays depuis le deuxième tour des élections législatives. Emmanuel  Macron ne souhaite pas qu'un gouvernement de gauche soit constitué et appelle à construire une large coalition. 

Par Franck Lemarc

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© Elysée

Pas de regrets, pas d’examen de conscience. « Droit dans ses bottes », pour reprendre la célèbre expression d’Alain Juppé, le chef de l’État a transmis hier à plusieurs titres de la presse quotidienne régionale un courrier dans lequel, pour la première fois depuis le résultat du second tour des élections législatives, il sort de son silence. 

Demande de « partage du pouvoir » 

Emmanuel Macron choisit de jouer une partition bien particulière : les responsables politiques de tous les camps d’un côté, les électeurs de l’autre – expliquant ne pas vouloir admettre que les « ambitions »  des premiers contrecarrent « l’expression démocratique »  des seconds.

Le président de la République salue la « mobilisation »  des électeurs aux deux tours des élections, « signe de la vitalité de notre République », et voit dans le résultat du scrutin « une demande claire de changement et de partage du pouvoir », estimant même que les électeurs ont appelé dimanche « à l’invention d’une nouvelle culture politique française ». Il est plus que douteux qu’individuellement, les électeurs qui se sont exprimés dimanche l’aient fait pour demander « un partage du pouvoir »  ou « l’invention d’une nouvelle culture politique », mais qu’importe : la stratégie du président de la République s’appuie sur ce récit. Une fois affirmé que les Français veulent une coalition, il demande aux responsables politiques d’être « à la hauteur »  de cette demande, de faire preuve de « sens de la concorde »  et de « travailler ensemble ». 

« Personne ne l’a emporté » 

Cette présentation a un objectif clair : le refus d’un gouvernement Nouveau Front populaire. En affirmant que « personne ne l’a emporté »  – ce qui est factuellement exact si l’on considère que « l’emporter »  veut dire bénéficier d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale –, Emmanuel Macron répond clairement à la gauche qui, hier encore, l’a appelé à nommer rapidement un Premier ministre issu de ses rangs, sans toutefois être parvenue jusqu'à présent à se mettre d'accord sur un nom qui fasse consensus. Mais de toute façon, la réponse du chef de l'État est non. 

Le chef de l’État constate que « les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires », et en tire la conclusion qu’il est temps de bâtir « un large rassemblement ». Il refusera donc l’idée d’un gouvernement qui ne serait issu que d’un seul de ces « blocs ou coalitions ». Il faut ici rappeler qu’il y a deux ans, au sortir des élections législatives de 2022, aucun « bloc ou coalition »  n’était non plus majoritaire à l’Assemblée, pas même celui organisé autour du parti présidentiel. Le chef de l’État n’en avait, alors, pas tiré les mêmes conclusions. 

Coalition de front républicain

Emmanuel Macron se montre parfaitement clair vis-à-vis de la demande du NFP d’un gouvernement exclusivement de gauche : la majorité qu’il souhaite voir bâtir sera « nécessairement plurielle »  afin de garantir « la plus grande stabilité institutionnelle possible ». Puisqu’un « front républicain »  a été possible dans les urnes, pour barrer la route au Rassemblement national, le chef de l’État estime que ce front républicain doit « se concrétiser »  dans la constitution du gouvernement. On devine donc, même si le président de la République ne cite aucun nom de parti dans sa missive, qu’il est favorable à un gouvernement allant de la gauche à la droite, à l’exclusion du Rassemblement national et de la France insoumise. 

En effet, ce gouvernement devra se constituer autour de « valeurs républicaines claires et partagées ». Or le discours du camp macroniste est constant depuis des mois pour expliquer que ni le parti de Jean-Luc Mélenchon ni celui de Marine Le Pen ne partagent « les valeurs républicaines ». 

Le chef de l’État dresse une sorte de programme minimum pour pouvoir faire partie de la coalition qu’il appelle de ses vœux : se reconnaître « dans les institutions républicaines, l’État de droit et le parlementarisme », en premier lieu. On ne peut que supposer que cette formule vise la France insoumise, accusée « d’antiparlementarisme »  par le camp macroniste depuis des mois. Emmanuel Macron demande également une « orientation européenne et la défense de l’indépendance française », visant cette fois l’euroscepticisme du Rassemblement nationale et les soupçons de collusion avec la Russie qui visent ce parti. 

Emmanuel Macron en appelle donc à la « responsabilité »  des partis allant, si l’on comprend sa pensée, du PCF aux LR, leur demande de mettre « le pays au-dessus de leur parti et la Nation au-dessus de leur ambition »  et espère, en tant que « protecteur des intérêts supérieurs de la nation », que les responsables politiques feront preuve de « sens de la concorde et de l’apaisement »  dans « l’intérêt du pays ». On en oublierait presque que c’est Emmanuel Macron lui-même qui a créé les conditions de l’actuel blocage politique en décidant, seul, de la dissolution de l’Assemblée nationale au soir du 9 juin. 

Le gouvernement « exerce ses responsabilités » 

Le chef de l’État ne nommera donc pas de Premier ministre tant que cette coalition qu’il appelle de ses vœux ne sera pas constituée. « D’ici là, le gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités, puis sera en charge des affaires courantes ». 

Les mots sont choisis : le « puis », utilisé par le chef de l’État, indique qu’il y a bien deux étapes. La première, celle qui est actuellement en cours, est celle où le gouvernement « exerce ses responsabilités ». Autrement dit, il ne s’agit pas d’un gouvernement démissionnaire, le chef de l’État  ayant refusé la démission de Gabriel Attal, lundi. La différence est de taille : un gouvernement démissionnaire ne peut en effet ni porter des projets de loi ni prendre des mesures réglementaires ayant un impact budgétaire – il ne peut, selon la formule consacrée, que « gérer les affaires courantes ». Fin connaisseur de la Constitution, le sénateur LR Philippe Bas l’a confirmé lundi sur X : « Au lieu d'expédier les affaires courantes comme un Premier ministre démissionnaire, [Gabriel Attal] reste doté de toutes ses prérogatives constitutionnelles, notamment le pouvoir réglementaire. »  Et le gouvernement ne s’en prive pas, en publiant, ces derniers jours, des dizaines de décrets donc beaucoup sont loin d'être purement techniques. 

Reste à savoir quand le gouvernement passera de « l’exercice de ses responsabilités »  à la « gestion des affaires courantes », autrement dit, quelle est la date que sous-tend le « puis »  utilisé par Emmanuel Macron. Selon toute vraisemblance, ce sera avant le 18 juillet, pour une raison très prosaïque :  tant qu’ils restent ministres, les 17 membres du gouvernement qui ont été élus députés ne peuvent ni siéger dans l'Hémicycle ni y voter. Lorsque s’ouvriront les travaux de la nouvelle législature, le jeudi 18 juillet, il est peu probable qu’Emmanuel Macron prive son camp de 17 voix, au moment où vont avoir lieu des votes décisifs pour les postes-clés de l’Assemblée nationale. 

Si par extraordinaire ce scénario ne se produisait pas, le gouvernement pourrait être renversé dès le début des travaux de l’Assemblée par une motion de censure. Dans ce cas, il deviendrait automatiquement « démissionnaire »  et donc chargé de gérer les affaires courantes, jusqu’à ce que le chef de l’État nomme un nouveau Premier ministre… sans qu’aucun délai ne soit fixé pour cela dans la Constitution. 

Dans l’absolu, on peut parfaitement imaginer qu’un gouvernement « chargé des affaires courantes »  reste en place au moins jusqu’à la rentrée, voire plus… si d’ici là les forces politiques n’ont pas, comme les y enjoint le chef de l’État, réussi à faire alliance pour créer un gouvernement de coalition. Ce qui n’est pas, pour l’instant, à l’ordre du jour, les différents partis ayant tous, à l’exception de celui du président, particulièrement mal accueilli cette intervention du chef de l’État. 

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